A l'étranger, les pays anglo-saxons mènent la danse
Précurseurs, les Etats-Unis ont incontestablement une longueur d'avance, notamment pour des raisons économiques et culturelles. En Europe, le Royaume-Uni leur emboîte le pas et dispose de programmes de fidélisation très réputés, à l'instar de Nectar ou Tesco. Le continent asiatique figure aussi aux premiers rangs, surtout en termes de technologie.
À LIRE AUSSI
- Comment décliner une campagne à l'international
- Quelques conseils à suivre et à appliquer
- Campagnes à l'international : des règles à respecter
- Wunderman, un processus bien réglé
- Pour Whirlpool, FullSIX teste puis décline
- Microsoft sait déléguer
- Les campagnes de référencement multipays
- CNET Direct, 5 millions de contacts dans le high-tech
- Jouez l'exception locale !
- CRÉATIVITÉ SANS FRONTIÈRES
Tout a commencé avec American Airlines aux Etats-Unis dans les années 80.
Ce programme aérien propriétaire a fait école. En 1988, la Grande-Bretagne
lance le premier programme multipartenaire en Europe avec Air Miles. Depuis,
ces deux pays ont multiplié les nouveautés. Aujourd'hui encore, il existe
outre-Atlantique de très nombreux programmes, où les cartes de fidélité sont
monnaie courante. Surtout, la personnalisation y est beaucoup plus forte
qu'ailleurs. Par exemple, la chaîne Intercontinental Hotels Group a mis en
place un système de “personal shopper” où le client peut choisir son cadeau en
dehors du catalogue, en donnant les caractéristiques précises de ce qu'il
recherche, et l'hôtelier le lui fait parvenir. Autre exemple : dans
l'agroalimentaire, Kellogg's a monté aux Etats-Unis un programme exclusivement
on line qui concerne 1,2 million de clients. La collecte de points se fait sur
les paquets Kellogg's, et les adhérents ont accès à un site dédié au
programme. « C'est un des plus gros programmes internationaux chez les
industriels, la largeur des primes y est très importante », rapporte Pascal
Thamtham, président d'Higher, joint-venture récemment créée entre High Co et
LaSer, pour apporter des solutions innovantes pour les programmes de
fidélisation (voir MD n°88, p. 44). La notion d'appartenance à un groupe, à
une communauté d'intérêts culturels ou autres, est très développée aux
Etats-Unis. « Il n'y a pas de programme de coalition global aux Etats-Unis,
mais des programmes qui ont une destination bien particulière », explique
Nicolas Bombourg, directeur commercial chez Ubiquick. L'univers des programmes
de fidélisation bouge beaucoup actuellement : « Une plate-forme d'échanges de
points de différents programmes vient d'arriver aux Etats-Unis », raconte
Jean-Yves Granger, directeur prospective et coordination marketing et
commerciale chez LaSer. Cet aspect de monétarisation est en effet très
développé outre-Atlantique. « La notion d'interopérabilité de monnaies est
répandue dans les pays anglo-saxons », explique Pascal Thamtham.
L'Angleterre, un temps d'avance en Europe
L'Angleterre
propose une offre large en matière de fidélisation. Nectar et Tesco sont des
programmes gigantesques qui concernent des centaines de milliers de membres.
Tesco, programme multipartenaire dans la grande distribution, créé en 1995,
compte 13 millions d'adhérents, et propose des promotions et coupons très
personnalisés. « Les pays anglo-saxons ont passé la première étape
d'historisation du comportement des clients et ont déjà constitué leurs bases
de données. Ils sont passés au traitement différencié et, en ce sens, ils sont
en avance », raconte Pascal Thamtham. En Irlande, la tendance est la même :
l'enseigne Superqueen a monté le programme Superclub, très orienté sur la
qualité du service. « Si le client trouve un produit périmé, il l'apporte au
chef de rayon qui crédite son compte avec des points. Même chose pour un
emballage détérioré », commente Pascal Thamtham. En Europe, une très nette
distinction entre pays latins et septentrionaux se fait sentir : « La culture
du partenariat est bien moins développée dans les pays latins », précise
Philippe Bertinchamps, P-dg d'Accentiv'. Hors Grande-Bretagne, on peut citer
Happy Days en Belgique, programme multienseigne comptant plus de 4 millions de
membres et regroupant Carrefour, Shell, Hertz ou Fortis Banque. En Allemagne,
Payback est le plus grand regroupement d'enseignes commerciales. Ses membres
peuvent, depuis 2002, collecter des points fidélité avec une carte Payback
Visa, et l'utiliser comme moyen de paiement dans 22 millions de points de vente
agréés par Visa dans le monde. Payback, dont le principal concurrent est
KarstadtQuelle, enregistrait près de 22 millions de cartes de fidélité en
2003.
L'Asie à la pointe de la technologie
« L'Asie
se caractérise par son avance technologique par rapport aux cartes », souligne
Nicolas Bombourg. Un constat que partage Jean-Yves Granger : « En Asie, à Dubaï
ou en Turquie, la puce sert d'outil marketing pour la fidélisation. On parle
“d'intelligence aux caisses”, car le point de paiement devient un point de
contact client. » Là-bas, comme dans les pays anglo-saxons, il existe des
cartes flexibles, pour lesquelles le client choisit la couleur, le système de
points… Avec plus de 200 partenaires, Asia Miles est le programme phare en
Asie. Les miles cumulés peuvent être transformés en billets primes sur plus de
16 compagnies aériennes, notamment China Eastern Airlines, South African
Airways, Swiss International Airlines, vers plus de 880 destinations dans le
monde. Plus largement, ils peuvent être transformés en matériel électronique,
séjours hôteliers, soins de beauté… Il existe donc, notamment aux Etats-Unis et
en Grande-Bretagne, des programmes importants en nombre de membres, sans
commune mesure avec ce qui se fait en France. D'après André Delbecq, consultant
en VAD et expert international, « comparés à la France, les pays étrangers
sont moins présents au domicile du client. La fidélisation y est plus saine
et moins agressive. »
Un programme pour financer les études universitaires
“U Promise”, voici un exemple original en provenance des Etats-Unis. Il permet de collecter des points pour… payer les études de ses enfants ! En achetant, entre autres, des bouteilles de Coca-Cola, des couches Huggies, en surfant sur AOL, en faisant le plein chez ExxonMobil, en louant une voiture chez Avis, en mangeant chez McDonald's ou en achetant sur certains site en ligne, les adhérents au programme épargnent pour l'Université. Au total, près de 40 grandes compagnies américaines, plus de 7 000 marques, plus de 9 000 restaurants et plus de 250 sites marchands participent à ce programme, qui réunit aujourd'hui près de 5 millions de familles. En achetant chez les partenaires, les membres cumulent de l'argent sur leur compte en ligne. Pour cela, ils rentrent les coordonnées de toutes leurs cartes de paiement et de crédit, et pour chacun de leurs achats chez les partenaires ils épargnent de l'argent, sans avoir à payer avec une carte plutôt qu'une autre. Pour en savoir plus : www.upromise.com
Nectar Un modèle en Grande-Bretagne.
Avec 20 millions de cartes délivrées, le programme de fidélité Nectar a attiré plus de la moitié des foyers anglais ! Il faut dire que les Britanniques sont friands de cartes : plus de 40 millions seraient en circulation. Programme de coalition créé en 2002, avec un investissement initial de 63,3 millions d'euros, par Sainsbury's, Debenhams, BP et la Barclays Bank, Nectar est le plus important du Royaume-Uni. La gestion du programme est confiée à la société indépendante Loyalty Management UK (LMUK). Le programme est également présent aux Pays-Bas, en Belgique et en Espagne. Les porteurs de la carte Nectar peuvent collecter des points auprès de 15 partenaires différents : les quatre partenaires historiques, et d'autres enseignes comme Ford, Hertz, Vodafone, Winemark ou All Sports. Le regroupement d'enseignes qui n'ont pas de liens entre elles représente la principale caractéristique d'un programme de coalition L'alliance avec une banque, comme c'est souvent le cas dans les pays anglo-saxons, en fait une carte très pratique pour cumuler les points. Lorsque le porteur paie avec la carte Barclays, les points sont automatiquement crédités sur son compte Nectar chaque mois. Il est également possible de doubler ses gains si on règle avec la Barclays Card chez un des partenaires. Autre avantage de la carte : il est possible d'ajouter un autre membre de la famille, un ami ou un collègue comme “collecteur additionnel” afin d'accélérer le cumul des points. Nicolas Bombourg, directeur commercial chez Ubiquick, résume ce programme ainsi : « Nectar est une déclinaison de S'Miles en dix fois plus puissant. » Pour autant, il semblerait que Nectar marque le pas. « Le programme a beaucoup de mal actuellement, car les principaux acteurs sont les grands distributeurs qui n'ont pas besoin de Nectar pour monter leur programme. La moitié des salariés ont été licenciés récemment aux Pays-Bas », précise Nicolas Bombourg. Signe que la situation est difficile, LMUK a décidé cette année de réduire les coûts opérationnels en incitant les adhérents à autogérer leur compte directement sur Internet. Le site de nectar, nectar.com, a été relooké, et de nouveaux services ont été proposés, comme une calculatrice de points de fidélité. Depuis le lancement de la nouvelle version du site en février, le nombre de visiteurs a quadruplé. Du coup, les membres sont deux fois plus nombreux à utiliser Internet qu'à téléphoner au centre d'appels, réduisant ainsi les coûts de ce dernier de 26 %. Par ailleurs, Nectar a mis en place un système de rachat des points en ligne, qui attirent de plus en plus de porteurs de carte.
Le boom des cartes affinitaires
Sport, environnement, mode de vie, loisirs… sont autant de thèmes autour desquels on peut rassembler. En Grande-Bretagne, JJB Sports, premier distributeur d'articles de sport britannique, a lancé sa carte “JJB Sports Card” en 2001, en partenariat avec Création, la filiale anglaise de LaSer. Trois cartes composent le programme : la carte de fidélité classique avec la marque JJB adossée, qui propose des remises et des points transformables en bons d'achat. La spécificité repose sur la qualité des opérations ciblées, telles qu'un tee-shirt dédicacé par le joueur de football David Beckham, une séance de tennis avec un joueur célèbre… Une seconde carte co-brandée avec Mastercard a ensuite été lancée. Puis une troisième, encore plus ciblée : la carte MasterCard Golf JJB Sports, proposée dans les magasins spécialisés dans ce sport. Toujours dans le sport, le club de football de Palerme a également proposé une carte co-brandée ForzaPalermo et MasterCard. Cette carte donne accès à des remises sur les produits dérivés du club ou à des jeux-concours et offre un accès au crédit pour l'abonnement annuel au club. Toujours en Italie, la carte Ducati co-brandée MasterCard, permet de bénéficier d'offres promotionnelles du constructeur de motos et propose aux membres un accès privé sur le site. Ducati y voit là un moyen d'accroître la fidélité de ses clients, via un fort sentiment d'appartenance. « Les cartes affinitaires représentent une autre manière de fidéliser un client avec une offre qui correspond précisément aux attentes des adhérents », note Jean-Yves Granger (LaSer). Ce genre de cartes est très développé sur le continent asiatique. « En Corée, il existe une carte pour les femmes actives avec des capteurs ultraviolets qui déterminent si la porteuse a besoin de mettre de la crème hydratante avant de sortir », ajoute Jean-Yves Granger. Surtout, la fidélisation autour d'un thème précis montre bien la tendance à toujours plus de personnalisation. Si les pays anglo-saxons sont déjà très avancés et proposent des cartes affinitaires en pagaille, d'autres pays, comme la France, ont encore du mal à les intégrer dans leur culture.