CRÉATIVITÉ SANS FRONTIÈRES
Les agences en réseau gérant des comptes internationaux sont amenées à réaliser des campagnes à l'échelle européenne, voire mondiale. Les équipes créatives de différents pays collaborent ainsi, d'une manière plus ou moins participative selon que l'opération est centralisée ou localisée.
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Centralisation, localisation ou collaboration ? Les annonceurs doivent
choisir entre ces trois modèles pour communiquer sur plusieurs marchés. Comment
décider ? Pour Philippe Delière, CEO de Wunderman Paris, il convient de se
poser les questions suivantes : « Mon portefeuille de marques et la structure
de mon offre sont-ils homogènes d'un pays à l'autre ? Mes consommateurs ont-ils
un profil comparable ? Les canaux de distribution sont-ils identiques ? Quelles
sont les contraintes juridiques du marché ? » De ces réponses découlent le
choix d'un modèle totalement centralisé (pour des marchés très similaires),
décentralisé (différences fondamentales d'un pays à l'autre) ou, entre les
deux, un modèle collaboratif où les fondamentaux de la marque et l'offre sont
centralisés mais l'exécution de la campagne (gestion des BDD, rédaction et
fabrication des messages…) est locale. Au sein de l'agence, les grands comptes
optent très souvent pour un mix de ces différents modes. Monster, Microsoft,
Ford ou Kraft (clients Wunderman), par exemple, réalisent quelques grandes
campagnes annuelles de façon centralisée, mais laissent le soin à chaque pays
de mener ses propres campagnes en parallèle. Chez Air France, qui confie son
marketing relationnel à Rapp Collins Paris, c'est la localisation qui est
privilégiée. « Les filiales de la compagnie travaillent avec nos agences
locales. Chaque pays souhaite avoir sa propre créativité et notre mission est
d'assurer la coordination entre elles », explique Alexandre Faure, directeur
commercial en charge du compte Air France/ KLM à l'international. Ce mode de
fonctionnement découle du fait que la marque ne dispose pas du même
positionnement selon les pays. Pour garantir que la charte de publicité et du
marketing direct d'Air France est bien respectée dans chacune des campagnes,
Rapp Collins Paris a créé un extranet disponible à tout moment. Il contient
notamment une bibliothèque de toutes les campagnes réalisées localement, des
informations sur les contraintes juridiques et légales de chaque pays… « Nous
sommes là pour voir comment les différences culturelles influent sur les
campagnes locales », souligne Alexandre Faure. Échanges permanents Pour
garantir une cohérence des campagnes, les agences en réseau encouragent les
échanges et les discussions entre les équipes des différents pays. Business
Interactif, par exemple, a reçu le chef de projet de Shanghai pendant un mois
pour le former au process Business Interactif. De même, un chef de projet
technique partira bientôt en Chine pour accompagner le passage du site au
e-commerce et former des intégrateurs à la plate-forme L'Oréal. Chez Wunderman,
les créatifs se réunissent régulièrement, de deux fois par an à une fois par
mois, selon les comptes. « Nous avons des équipes créatives ne parlant que
l'anglais et ne construisant que des campagnes dans cette langue », précise
Philippe Delière. Autre exemple : les Rapp Collins Exchange Meetings, organisés
par zone géographique (Amérique, Europe et Asie) qui réunissent, depuis six
ans, les créatifs, planneurs stratégiques, commerciaux et patrons des agences.
« Il est important de montrer aux clients que les équipes se parlent et
échangent leurs expériences », résume Alexandre Faure.
Monster se contente de traduire
L'agence Wunderman France a lancé, le mois dernier pour Monster, une campagne européenne en France, en Allemagne, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni. Objectif : réactiver les candidats s'étant inscrits sur le site mais n'ayant jamais utilisé le service. L'opération a été conçue depuis la France de manière centralisée : ce sont donc les équipes de Boulogne-Billancourt qui ont mis au point les recommandations créatives. L'agence locale a procédé à une adaptation sur son marché. Ici, une traduction du texte pour l'essentiel. Les e-mails étaient donc tous réalisés selon la même charte graphique avec une offre directement liée aux données CRM de l'internaute. Plusieurs versions ont été imaginées, selon que le candidat a déjà renseigné, posté ou activé son CV, s'est inscrit à des alertes, a téléchargé telle ou telle application…
En Asie, Lancôme propose des sites web différents
Face aux différences culturelles évidentes qui existent entre l'Europe et l'Asie, Lancôme a choisi d'adapter sa stratégie Internet aux marchés locaux. La web agency Business Interactif, en charge du budget dans plusieurs pays étrangers, gère les marchés japonais, taïwanais et chinois. « Nous concevons pour le siège de l'international des outils marketing online, puis nous les proposons aux quinze pays clients qui se chargent de les localiser en fonction de leurs spécificités locales », explique Samantha Beneyto, directrice de projet dédiée à Lancôme chez Business Interactif. Par exemple, les équipes de l'agence de Shanghai ajoutent souvent des étoiles et des étincelles dans leurs créations afin de coller avec la vision du luxe des Chinois (voir campagne Neuro-White ci-contre). A Taïwan, les consommateurs sont friands de contenus promotionnels avec des opérations terrain. Et au Japon, ils sont en attente d'une information développée sur les produits, alors qu'en Europe, la marque communique davantage avec les visuels. Le pays du soleil levant est d'ailleurs le seul où la gamme de produits est présentée dans un ordre chronologique, depuis les soins du matin à ceux du soir. Les sites internationaux disposent d'une arborescence commune et des mêmes rubriques. Mais les produits proposés peuvent être différents, à l'image de ceux qui blanchissent la peau sur le site japonais. Lors du lancement de produits, chaque pays choisit ceux qu'il désire mettre en avant et l'animation associée.
Powerade : une idée créative universelle
Les boissons énergisantes pour le sport connaissent un succès différent selon les pays. Tandis qu'elles sont très utilisées en Europe du Nord, elles sont moins présentes dans d'autres pays comme, par exemple, la France. Pourtant, l'agence de marketing interactif FullSIX, en charge du budget Powerade, a mis au point une idée créative universelle (le “Step by Step”, images en mouvement) qui a été déclinée dans les autres pays avec quelques adaptations. En réalité, les équipes locales ont pu intervenir sur le claim (éléments linguistiques), les codes couleurs, les événements locaux (inscriptions des dates d'une manifestation locale) ou sur les personnages. Pour l'occasion, FullSIX a créé la Powerbox, une boîte diffusée par Coca-Cola vers l'ensemble de ses brand managers et qui détaillait la campagne, la charte graphique… « La Powerbox a permis aux pays d'être autonomes et de localiser au mieux la campagne sans changer l'approche créative », note François Blondel, directeur chez FullSIX.