Georges-Edouard Dias, L'Oréal : "Nous vivons le retour du marketing au service des clients"
Le digital est plus que jamais intégré à la stratégie de marketing global de L'Oréal. Internet et les réseaux sociaux génèrent de la valeur pour l'entreprise et permettent d'accélérer sa croissance. C'est pourquoi ils sont au coeur du développement stratégique du groupe.
e-marketing.fr : Quelle est la place du digital dans la stratégie du groupe L'Oréal ?
Georges-Edouard Dias, directeur du digital (chief digital officer) de L'Oréal : C'est l'un de nos trois axes stratégiques avec la quête du prochain milliard de consommateurs et l'universalisation de la beauté et de ses valeurs, notamment via nos fondations (comme " For Women in Science " en partenariat avec l'Unesco). La révolution digitale est un moteur d'accélération de notre transformation vers le client : elle place nos consommateurs au coeur de notre entreprise.
Pourquoi le digital occupe-t-il une place si importante ?
Le digital nous a permis d'inventer des moteurs de performance plus précis et, plus globalement, d'accélérer notre croissance. Le ROI ne dépend plus des seules ventes des produits, mais de la valeur générée auprès des consommateurs. En moyenne, aux USA 50% des ventes toutes catégories confondues sont influencées par le digital mais ce chiffre monte à 78% pour les produits de beauté (source : Forrester), donc bien gérer le digital conditionne notre croissance.
Notre objectif par ailleurs est de garder aussi notre avance sur nos ventes en ligne, dont la croissance est supérieure à la moyenne du marché. Aujourd'hui, celles-ci représentent environ 2% du total de nos ventes, et pour 2015 nous visons 5%.
Et je tiens à souligner que je n'approuve pas du tout les gens qui disent que le digital est un moyen de déshumanisation. Au contraire, c'est un moyen de " réhumanisation " ! Par exemple, la vie sociale de mes enfants s'est largement intensifiée grâce aux réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter.
En quoi le marketing digital encourage-t-il le marketing relationnel ?
Le digital remet le marketing en face de ses fondamentaux, avec au centre : la relation entre les marques et les consommateurs. Le marketing d'aujourd'hui est plus axé sur " donner du sens, de la valeur " et un peu moins sur " faire impression ". Le marketing est moins ostentatoire et plus personnel. Nous vivons le retour aux sources du marketing au service des clients. Dans un monde aussi riche que le nôtre, nous avons été frustrés de ne pas aller au fond de cette relation, car les modes d'expression et de communication étaient trop limités. " Il y a si peu de richesse dans un spot de 30 secondes, notre métier est tellement plus riche ! Comment peut-on accepter de limiter son expression à un spot de 30 secondes !".
Quelle place tiennent les réseaux sociaux dans la stratégie de L'Oréal ?
Nous avons une trentaine de millions de fans sur Facebook. Les réseaux sociaux sont des " augmenteurs de relations ". D'ailleurs, ce que l'on y mesure en marketing, c'est bien la qualité de l'engagement des fans. Nous n'avons pas participé à une course aux fans. Nous avons préféré générer de la viralité naturelle. Pour moi, les réseaux sociaux sont essentiels car ils sont représentatifs du territoire social de la marque. D'ailleurs, celui-ci est très différent d'une marque à l'autre. Par exemple sur Facebook, Garnier est plus communautaire, plus dans le dialogue, plutôt dans le jeu et dans le ludique, alors que Lancôme qui joue davantage sur l'expertise et l'aspirationnel. Les médias sociaux aident à traduire la valeur unique de chacune de nos marques d'une manière encore plus forte. Vous y créez une relation de nature différente. Certaines marques sont plus fusionnelles que d'autres. Kiehl's, par exemple.
Si vous devriez avoir une devise, quelle serait-elle ?
Ce n'est pas le consommateur qui accède à la carte premium de L'Oréal, c'est L'Oréal qui a envie d'accéder à la carte premium du consommateur. C'est bel et bien notre marque qui veut aller vers le consommateur de manière qualitative et privilégiée. Le comble du succès pour une marque, c'est la fidélisation naturelle, ni ostentatoire ni obséquieuse. Elle passe par la personnalisation du service. Par exemple, une carte de fidélité peut renseigner un vendeur en magasin sur les spécificités d'un client (comme le type de peau et les habitudes de produits).
Quelle est la stratégie de brand content de L'Oréal ?
Ce qui est intéressant c'est de montrer comment, fondamentalement, la beauté est essentielle. Autrefois, on partait d'un produit et on cherchait une histoire à raconter. C'est de plus en plus l'inverse. Nous réfléchissons à de vraies histoires de beauté qui vont bouleverser les gens et leur donner des émotions... pour lesquelles on fera des bons produits.
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Quelle est votre définition de la beauté ?
Si grâce à la beauté nous pouvons faire en sorte que les gens vivent mieux ensemble, communiquent et échangent mieux ensemble, et bien nous générons de l'intelligence et donc de la valeur. D'ailleurs, le marché de la beauté est, depuis des années, est un marché en croissance, créateur de valeurs. Je trouve absurde le fait de dire que la beauté est futile. Pour moi, nous faisons l'un des métiers les plus importants au monde.
Parcours
Diplômé d'HEC, Georges-Edouard Dias est le directeur du digital (Chief Digital Officer) de L'Oréal depuis 2001. Il a intégré le groupe L'Oréal en 1984. Pendant une douzaine d'années, il occupe différentes fonctions marketing comme directeur produit chez Garnier et vice-président du marketing de Vichy. En 1996, il devient vice-président des développements Internet du groupe et responsable du site Web www.loreal.com. En 1999, il est promu vice-président des nouveaux média basé aux Etats-Unis.
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