[Tribune] "Allons-nous voir le bout du funnel (marketing) ?"
Dans le cadre de son projet d'Antidictionnaire, le Club des marketeurs in tech (CMIT), par la voix de David Benguigui, administrateur du CMIT, propose la mise en pratique du "funnel marketing", un concept essentiellement utilisé en marketing B2B et pas si simple à mettre en place.
Je m'abonneLes fondements du funnel marketing remontent à quelques années. Dès 1890, Elias St Elmo Lewis proposait le modèle "AIDA". Pour les allergiques aux acronymes : Awareness, Interest, Desire, Action. Malgré quelques variations (sur un même thème), le funnel marketing n'a pas connu de profondes modifications. Essentiellement utilisé en marketing B2B, il est la représentation visuelle du parcours d'achat ou d'acquisition des clients. Traduit en français par entonnoir, terme nettement moins glamour, il décrit sous forme d'étapes : l'état d'esprit, le lieu symbolique de sa présence, et l'état de qualification de votre prospect.
Plusieurs versions de funnels coexistent selon la finalité recherchée : marketing, ventes ou acquisition. Trois représentations quasi similaires auxquelles sont liées des techniques pour pousser votre prospect vers le bas de ce fameux entonnoir. Voyons désormais comment le marketeur essaye de donner corps à la théorie...
Long est le périple de la chrysalide (visiteur) au papillon (client)
La représentation la plus connue est : découverte, intérêts, considérations, achat, post achat ou fidélisation. Cet entonnoir, dans lequel évolue tant bien que mal votre prospect, peut aussi se découper en trois phases dont les noms peuvent aiguiser l'appétit de végétariens purs et durs : tofu (top of the funnel) qui correspond à la découverte de l'intérêt, mofu (middle of the funnel) soit un intérêt plus prononcé des prospects pour votre produit, et enfin bofu (bottom of the funnel), autrement dit, le moment où le prospect devient un client.
À ces deux versions peuvent s'ajouter l'entonnoir de vente dit MQL/SQL. Les étapes seront alors tout en haut de l'entonnoir le visiteur, lequel devient très vite un suspect ou un lead pour se métamorphoser à l'étape suivante en prospect/MQL (Marketing Qualified Lead). Une fois qualifié par les marketeurs, le prospect se commue en SQL (Sales Qualified Leads).
Passée cette antépénultième étape, votre prospect devient alors pour les ventes une opportunité et souhaitons-le, pour contribuer au réchauffement de l'ambiance entre marketeurs et commerciaux, un client. Même si le parcours client est souvent plus erratique, cette manière de séquencer permet de bâtir une stratégie complète en déployant un arsenal technique pour inciter l'inconnu de départ à effectuer son périple tout au long de ce funnel.
De la théorie à la pratique...
Pour le service marketing, l'entonnoir d'acquisition, le tunnel de conversion ou encore le tunnel de vente, souvent superposés, sont à la fois la carte et le territoire. Une carte qui résume, malgré sa simplicité, tout l'enjeu métier d'une direction marketing. Depuis la connaissance de l'entreprise à la prise de décision, en passant par la considération, chacune de ces séquences nécessite à la fois une stratégie globale, mais également autant de déploiements tactiques pour conduire le client au bout du funnel et transformer le lead en client fidèle.
Dans la théorie, cela peut sembler assez simple, en pratique, beaucoup moins. Cette complexité vient d'une digitalisation exponentielle qui accélère la multiplication des points de contact. Ainsi, l'entonnoir doit désormais être posé sur une stratégie multi/cross/omnicanal et l'éventail de techniques - et outils - associés se complexifie tout autant. Depuis la considération jusqu'à la conversion, conduire son prospect au bout du tunnel peut vite ressembler à un voyage initiatique pour le marketeur qui devra imaginer tous les stratagèmes pour s'assurer d'accompagner son prospect de la manière la plus efficace. À sa disposition, le roi contenu avec son arsenal d'inbound marketing mâtiné d'outbond, des outils - plus de 5000, selon le dernier recensement martech - et, parfois, l'idée qui fera mouche. Après tout, c'est bien cela qui fera la différence, mais L'Épiphanie marketing n'est pas la chose au monde la mieux partagée.
Sur la méthode, tous les marketeurs sont en phase : dessiner un funnel, première pierre d'une stratégie, est assez simple. Jouer avec funnelytics est de plus assez amusant. Mais, très vite, votre schéma de principe avec une amorce (hook), un parcours d'acquisition (landing pages adéquates), les bons call to action, les bonnes mesures, le bon retargeting, la bonne automatisation marketing, un nurturing d'excellence, jusqu'à la qualification idoine pour les sales, vire à l'épuisement. Ce paisible parcours d'acquisition client se transforme rapidement en ultratrail en milieu hostile.
Bien souvent, le couperet tombe : la mort dans l'âme, le marketeur se résout à abandonner sa panoplie de KPIs sélectionnés avec amour, ses tests A/B déclinés à l'envi (formats, contenus affinés en suivant la méthode AIDA, call to action...). En d'autres termes, arrive toujours le moment où le marketeur, une fois le dispositif plus ou moins mis en place, lâche prise et regarde placidement les chiffres tout en bas du tableau. Que celui qui ne l'a jamais fait me jette la première pierre.