L'émotion au coeur de l'efficacité publicitaire
Millward Brown France intègre un outil de facial coding dans ses tests d'efficacité publicitaires. Explications avec Pierre Gomy.
Je m'abonneLes neurosciences commencent à envahir le marketing et logiquement les études. Plusieurs technologies sont introduites dans des tests de publicité ou de packaging... Et des instituts comme BVA, Strategir, GfK, CSA, Millward Brown, Repères, Ipsos... s'y intéressent de près.Les "vrais" tests de neuromarketing qui mettent des consommateurs dans un scanner (du type tests IRMf/imagerie à résonance magnétique fonctionnelle) sont interdits en France, considérés comme trop intrusifs (mais autorisés par exemple en Belgique). L'autre inconvénient de cette technique étant son coût. Autres outils : l'EEG (l'intensité cérébrale est mesurée via des électrodes sur le crane), qui est critiquée pour son manque de "naturel", l'EDA (qui détecte les micro-sudations), l'eye-tracking (qui suit les mouvements des yeux), technique la plus utilisée. Mais une autre technologie, venue des Etats-Unis, fait son apparition. il s'agit de l'EMGF (électromyographie faciale, appelée facial coding en Anglais) qui analyse, via les la codification des expressions du visage, les émotions de la personne.
"Les émotions sont par nature difficiles à verbaliser, explique Pierre Gomy, directeur marketing de Millward Brown France, en poursuivant : En observant des réactions physiologiques, les neurosciences permettent d'aller plus loin que les études classiques et de sortir du déclaratif". Il existe, rappelle Millward Brown, 16 émotions et on peut déceler une multitude d'expressions faciales qui permettent par exemple de souligner un discours (une interrogation accentuée par des mouvements de sourcils...) ou de communiquer une idée ou une connivence (clin d'oeil, sourcil unique levé pour indiquer le scepticisme...). On voit également des "tics" faciaux (se mordiller les lèvres, gonfler les joues...) et certaines expressions peuvent être feintes pour mentir, masquer une émotion réelle ou par convention sociale.
Comprendre comment une personne assimile une publicité
Intégrer la mesure des émotions aux tests publicitaires : c'est donc le pari lancé depuis 2005 par Millward Brown au niveau international. Millward Brown s'est associée à la société à la société américaine Affectiva, spécialisée à la base dans le médical, un des pionniers du face coding. Millward Brown a plus de 2500 cas dans sa base de données globale. Côté France, le projet est opérationnel depuis un peu plus d'un an et environ 2 500 tests ont étés réalisés et 63 campagnes publicitaires analysées.
La reconnaissance des émotions est intégrée au pré-test quantitatif Link(TM) (une BDD de plus de 60 000 pré-tests). La méthode s'appuie sur la thèse de Darwin : l'expression faciale est difficile à cerner chez l'homme car, contrairement au primate, il a tendance à masquer ses expressions. A la fin des années 60, Paul Ekman, psychologue américain (auteur entre autres de l'ouvrage traduit en Français "Je sais que vous mentez") a codifié un certains nombre d'émotions faciales.
Le principe mis en place par Millward Brown est simple : la mesure les émotions se fait à partir d'une webcam, couplée à un logiciel. Pour valider un test, il faut un minimum de 70 personnes (sur environ 150 pour le test) qui acceptent d'être filmées Les images du visage, étudiées sur deux passages du sport publicitaire permettent de donner des indicateurs sur l'intensité émotionnelle, la polarité des émotions, l'attention soutenue ou pas et de mesurer la joie, la surprise... "Le sourire est bien sûr très important : on sourit 35 fois par jour et il existe une cinquantaine de sourires différents exprimant de multiples émotions (joie, satisfaction, surprise...), rappelle Pierre Gomy. La technique du facial coding va plus loin que le simple déclaratif. "Elle permet d'accroître le pouvoir prédictif des tests publicitaires car elle rajoute un élément essentiel dans la prise de décision : l'émotion", résume Pierre Gomy en ajoutant : "une publicité est un parcours émotionnel plus qu'une émotion. La clé de succès d'un spot publicitaire est de finir sur une émotion positive". Les émotions sont classées dans trois grandes catégories : l'expressivité (plus le visage est expressif, plus le consommateur est engagé), la "valence" (nombre et force des signes positifs du visage vs négatifs), et l'attention (combien de temps on regarde vraiment la publicité).
Exemple de la publicité "Seduction " Fiat 500 aux Etats-Unis : un spot mettant en scène un homme attiré par le top model Catrinel Menghia qui, au moment du baiser, disparaît pour laisser place à la Fiat Abarth. En déclaratif, les femmes ont trouvé la pub sexiste alors que les hommes l'ont aimée. Mais surprise lors du test "émotionnel", les femmes ont davantage ri que les hommes et l'intérêt de ces derniers a baissé pendant la durée du film.
En France, les objectifs de début de commercialisation de l'outil de facial coding sont atteints : "de nombreux clients de Link ont basculé" (parmi lesquels Coca-Cola et Unilever), note Pierre Gomy, même s'il reconnait "qu'il faut faire face aux résistances internes". Millward Brown France lance une démo en live de leur technologie de codification du visage qui prends comme support quatre publicités au niveau international, dont la très connue publicité "Just My Shell" de M&Ms.
En résumé, déclare Pierre Gomy, " cet outil améliore la capacité de prédiction, accroit la capacité de diagnostique. Il permet d'aider une marque à créer des publicités plus fortes" . Quant aux nombreuses critiques sur les neurosciences, Pierre Gomy répond :" c'est une critique globale de la société capitaliste par ceux qui pensent que le marketing est un outil de manipulation alors que nous le voyons comme une façon d'être plus proche des consommateurs. il ne faut pas diaboliser le recours aux neurosciences. Ces études sont complémentaires des tests traditionnels !".
Millward Brown organise le 16 janvier rune rencontre sur le thème "Comment palier aux baisses de budgets ? Les émotions au coeur de l'efficacité publicitaire".