Philippe Baudillon (Clear Channel) : "L'avenir de l'affichage se trouve dans le digital"
Pour Philippe Baudillon, pdg de Clear Channel France, numéro deux de la communication extérieure, l'affichage est le média qui a le plus de potentiel pour les prochaines années. A condition de s'adapter à mobilité des Français et de s'ouvrir au digital, notamment via les smartphones.
Je m'abonneLors des Trophées Marketing Magazine du mois d'avril 2013, vous avez remporté un prix dans la catégorie "Innovation média" avec Posterscope Agency pour une campagne Nivea. A cette occasion, vous avez lancé des totems digitaux tactiles dans des centres commerciaux. Ce genre de dispositif digital constitue-t-il l'avenir de l'affichage ?
Ce genre de dispositif est clairement représentatif d'une tendance de la communication au-delà même de l'affichage : créer de l'engagement, amener l'audience à interagir avec la marque. Tout cela se traduisant finalement en augmentation de la notoriété de la marque, ainsi qu'en génération de trafic et en conversion, quelle qu'elle soit : achat, inscription, "like", "following"...
La pertinence du digital, c'est aussi donner la liberté de choisir ses créneaux de communication et de délivrer des messages contextualisés en fonction de l'heure, d'un événement ou encore de la température. L'affichage digital est un territoire d'expression qui s'ouvre à peine et nous n'en sommes qu'au balbutiement des possibilités de ce média.
En cela oui, nous avons ici l'avenir de l'affichage qui entre dans l'ère numérique, se renouvelle et permet de raconter de nouvelles histoires. Le digital out-of-home se trouve en réalité à la confluence entre un territoire créatif et d'expression sans limite et un média "classique" avec ses atouts et ses indicateurs de performance.
Vous avez lancé "CAST" en fin d'année dernière. Une méthode qui permet via un mobilier "intelligent" de géolocaliser les consommateurs. Quel est le premier bilan ?
Notre plus belle victoire, c'est d'avoir attiré à nous des annonceurs qui ne communiquaient pas ou plus en Communication Extérieure. Cette méthode qui permet l'intégration des données socio-comportementales aux données d'audience et de mobilité concilie ainsi les trois éléments clés que sont l'audience, l'affinité et l'accessibilité autours de parcours qualifiés, fondés à la fois sur leur objectifs commerciaux et sur des données très riches en matière de comportement d'achat réel et de consommation des médias.
Une méthode qui répond également aux exigences "roistes" en accompagnant les clients dans la mesure de l'efficacité de leurs campagnes. Danone est le meilleur exemple de ce succès puisque nous avons développé avec eux un partenariat pour soutenir six grandes marques (Actimel, Activia, Badoit, Blédina, Danette et Volvic).
"CAST" a ainsi montré que les personnes exposées à nos parcours achètent en moyenne 15 à 20 % de plus des marques Danone que la moyenne des consommateurs.
Selon les derniers résultats de l'Irep du mois de mars dernier, le marché publicitaire se porte mal. Comment analysez-vous ces résultats ?
La communication extérieure est traversée par les mêmes bouleversements que les autres médias historiques : une érosion des formats traditionnels (pour l'affichage, le grand format) au profit des formats premium (le mobilier urbain et le transit), et une digitalisation accélérée.
Reste que, dans un contexte publicitaire tendu, la communication extérieure réussit à maintenir sa part de marché autour de 12 %. Une telle stabilité est due à la nature même de notre média, soit le seul qui soit 100 % hors foyers à une époque de mobilité toujours plus importante - mais aussi parce qu'il se modernise considérablement et se digitalise.
Vous avez accompagné le sociologue Jean Viard avec son essai "Nouveau portrait de la France : La société des Modes de vie", dans lequel on constate que les extra-urbains sont plus exposés à la communication extérieure du fait de leurs nombreux déplacements en voiture. Comment exploitez-vous ce nouveau filon ?
Le temps rallongé, rempli par les loisirs et la consommation, favorise les déplacements quasiment sans limites. Les Français parcourent en moyenne 45 km par jour, soit 9 fois plus qu'en 1950. Et parmi les extra-urbains, 29 % se déplacent plus d'une heure par jour, 25 % parcourent plus de 20 km pour se rendre au travail.
Pour répondre à cette évolution de la société, nous avons construit le parcours Ambition ExtraCité. Celui-ci offre une couverture exclusive de plus de 1 050 communes de moins de 50 000 habitants. De nouveaux annonceurs comme la BPCE (Banques Populaires-Caisses d'épargne) ou encore Banette y ont adhéré.
En parlant de mobilité, vous avez relancé la marque France Bus. Le but de la manoeuvre ?
La mobilité se renforce également dans les grandes villes. Et ici, le bus devient un média incontournable. Ce média permet d'assurer un fort impact publicitaire dans les secteurs moins accessibles à la communication extérieure et auprès d'une audience de plus en plus mobile avec 3,7 déplacements par jour, plus d'une heure chaque jour.
Avec près de 16 000 faces publicitaires sur 5 700 Bus, notre marque France Bus se positionne dans 35 agglomérations majeures, soit une couverture de 9 millions de personnes.
Vous avez publié une étude avec Iligo sur les comportements des Français pour l'été 2013. Quelles offres Clear Channel propose aux marques pour s'adapter aux nouveaux comportements de cette période estivale ?
Sur cette année, l'été sera placé sous le signe de l'envie. L'envie de faire un break avec la crise et de rompre avec le quotidien, l'envie de se reposer pour 78 % d'entre eux et de s'occuper de soi (73 % vont profiter de cette période pour sortir plus souvent et se balader, 81% disent vouloir tester de nouveaux produits, 64 % déclarent qu'ils iront plus souvent au restaurant).
Concrètement, nous proposons quatre parcours : le Côtier, qui est axé autour de la création de trafic grâce à une présence sur les 24 départements du littoral, avec une surpression finale sur les zones d'emprise des grands pôles commerciaux. Les autres offres permettent d'optimiser la visibilité auprès des juilletistes et des aoûtiens sur tous les lieux de consommation, que ce soit en affichage traditionnel ou en digital.
De même que votre principal concurrent JCDecaux, vous avez semblé moins intéressé par le rachat de CBS Outdoor ces dernières semaines qu'au début de l'année. Qu'est-ce qui a calmé vos ardeurs ?
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Nous avons regardé avec attention le dossier et avons décidé, en effet, de ne pas y donner suite. Notre stratégie ne va donc pas dans le sens de l'acquisition et la rénovation d'un parc Grand Format où la croissance n'est plus au rendez-vous.
Nous souhaitons également concentrer nos investissements sur le développement du digital et l'innovation, notamment dans la dimension smartphones. Autant de choses qui ne vont pas dans le sens de l'acquisition des actifs de CBS.
C'est donc dans le développement du digital en mobilité que vont se concentrer vos projets ces prochaines années ?
Nous allons déployer du digital au sein d'emplacements premium en extérieur, à la demande des municipalités qui nous sollicitent pour créer des services et médias numériques. Il s'agit de solutions multi-format qui seront capables de communiquer avec tous les autres plateformes digitales mobiles (Smartphone, tablettes, etc.).
Nous avons aussi créé un pôle Innovation dont le but est de donner avant la fin de l'année une vision plus claire sur la façon d'adresser les smartphones et connaître les attentes des annonceurs dans ce domaine.
Nous allons part ailleurs continuer de capitaliser fortement sur le digital. Nous avons pour objectif de tripler notre nombre de faces dans les centres commerciaux, pour atteindre 2 000 unités d'ici 2016. Nous sommes déjà présents dans les 50 plus grands centres commerciaux de France et allons continuer d'essaimer dans les malls stratégiques et premium. 38 totems digitaux seront ainsi installés pour l'ouverture, en octobre prochain, d'Aéroville, le nouveau hub de communication et de consommation connecté.