Le DOOH progresse doucement... mais sûrement
En 2021, l'affichage digital a été l'un des canaux de la communication extérieure connaissant le plus fort rebond en sortie de crise. La généralisation du programmatique en 2022 devrait encore accélérer son adoption. Reste aux annonceurs à trouver des idées créatives à la hauteur des investissements...
La crise a durement touché le secteur de la communication extérieure, et notamment le canal de l'affichage digital, ou DOOH (Digital-out-of-home), qui a connu en France une baisse des investissements des annonceurs de plus de 41 % en 2020. Mais 2021 marque un début de reprise : alors que les investissements en publicité extérieure croissent de 21,6 %, le segment DOOH bondit de 44,1 % à 175 millions d'euros. C'est néanmoins encore 16,3 % de moins qu'en 2019.
Reste que le DOOH s'impose dans le paysage publicitaire français, au même titre que sur les marchés anglo-saxons, où le format intègre déjà les mix de 81 % des annonceurs selon la DPAA, l'interprofession américaine réunissant afficheurs et annonceurs. Une étude menée par PQ Media indique que le DOOH pourrait capter un tiers des dépenses globales en communication extérieure d'ici 2025. En ce sens, la crise aura peut-être même été bénéfique, en faisant apparaître tout l'intérêt de la flexibilité de l'affichage digital par rapport à l'affichage print, notamment dans le cadre d'un achat programmatique.
"Les annonceurs qui ont utilisé le DOOH n'avaient qu'à couper leur budget lors des épisodes de "stop-and-go", ou reporter les campagnes ciblant les "malls" vers les univers "rue" ou "transports" en quelques clics, ce qui est bien sûr loin d'être aussi facile avec l'affichage print", indique Laure Malergue, CEO de de la DSP Displayce, plateforme spécialisée dans l'achat et la diffusion de campagnes d'affichage digitale en programmatique qui, malgré la crise, revendique une hausse de son chiffre d'affaires de 20 % en 2020, et de 100 % en 2021 ! 2022 devrait également être un bon cru pour l'entreprise, alors que tous les afficheurs ouvrent leurs inventaires à ce type d'achat, en lançant leur plateforme et en passant des partenariats avec des DSP ou en intégrant leurs inventaires à des SSP existantes. JCDecaux a ainsi déployé en France son offre SSP VlOOH en juin 2021, tandis que Clear Channel a dévoilé début 2022 son LaunchPAD, un outil multi-SSP, et une première collaboration avec la plateforme Hivestack. De son côté, l'inventaire de Mediatransports est aussi proposé à la vente programmatique, via Hivestack et VIOOH.
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"En 2022, nous nous attendons à une explosion du chiffre d'affaires grâce au programmatique. Ce mode d'achat pèse 80 % de la publicité en ligne, et nous nous attendons à ce que cela soit identique en affichage digital. Cela passera par une simplification de la chaîne de valeur, des renforcements et des concentrations, à l'instar du rapprochement de Smartmedia et Phoenix Groupe", indique de son côté Stéphaine Bernat, directrice marketing et customer success de Cenareo, solution qui permet de gérer les contenus diffusés sur des parcs d'écrans.
Vers plus de contexte et de mesure
Les annonceurs habitués à l'achat d'espace via des plateformes programmatiques pourront facilement inclure des campagnes DOOH dans leurs dispositifs, et profiter des nouvelles opportunités de ciblage d'audiences spécifiques en temps réel et de contextualisation liées à l'utilisation de la data. "Il sera par exemple possible pour un partenaire de l'équipe de France de football de rebondir en direct sur un but en achetant tous les écrans disponibles à l'instant T, ou encore à un acteur du pari sportif de mettre en avant les nouvelles cotations. On peut aussi imaginer se brancher aux données de trafic diffusées par TomTom, avec qui nous sommes partenaires, et ainsi cibler spécifiquement les automobilistes bloqués dans les bouchons", indique Laure Malergue, pour qui l'autre intérêt de ce mode d'achat est une gestion beaucoup plus fine des budgets : si l'annonceur constate qu'il ne délivre pas assez, il peut facilement étendre le ciblage et augmenter le nombre d'écrans ou la fréquence des publicités, et inversement. "L'enjeu est le monitoring de la performance, afin de dégager le meilleur ROI possible", appuie Stéphaine Bernat, ajoutant qu'au-delà du "ciblage et de l'optimisation en temps réel, le développement du programmatique va aussi permettre de monétiser des espaces invendus à des tarifs intéressants pour l'annonceur. "
La mesure de la performance est ainsi l'un des principaux sujets de l'année pour les afficheurs : ce 28 avril, un appel d'offres a été lancé pour mener une grande étude économétrique permettant de déterminer le ROI de l'OOH et du DOOH, et surtout de développer une méthodologie propre aux spécificités de ces canaux. L'Union pour la Publicité Extérieure entend ainsi reproduire les démarches initiées par les acteurs de la TV (SNPTV) ou de la presse (ACPM), dont les études placent ces canaux respectifs devant l'OOH en matière de performance... mais où l'OOH apparaît comme un moyen de créer des synergies avec les autres médias. Dans ce cadre, on peut noter l'intérêt de coupler ses campagnes DOOH avec ses campagnes mobiles : soit en retargetant sur mobile une personne étant passée à proximité d'un écran ; soit en déclenchant une pub d'affichage digitale au passage de la cible, identifiée grâce à son device ID. Dans le premier cas, les taux de clic sur les campagnes mobiles augmentent de 15 % selon Outcast, un cabinet de conseil britannique spécialisé dans l'OOH. Dans le second, le taux de mémorisation de la campagne peut augmenter de 22 à 46 % chez une personne identifiée sur mobile et exposée en DOOH, par rapport à une personne exposée "classique" et une personne non-exposée, selon la solution Happydemics.
Quid de la créativité en DOOH ?
Quel sera l'impact de la généralisation du programmatique sur la créativité des campagnes ? Le potentiel de ciblage et de contextualisation du DOOH sera-t-il enfin mis à profit par les annonceurs ? Pour l'instant, malgré la hausse régulière des investissements en affichage digital, le DOOH reste le parent pauvre de la création publicitaire. En témoigne chaque année le palmarès du Grand Prix de la Communication Extérieure. En 2022, les mentions concernant les campagnes digitales se comptent sur les doigts d'une main, tandis que seule une campagne pour 20 minutes était en lice pour le Grand Prix. Une campagne qui avait tous les codes d'une bannière digitale, preuve que les publicitaires ont encore du mal à trouver un langage spécifique au DOOH, et qui ne soit pas simplement l'animation d'une affiche OOH ou la déclinaison d'un film TV ou VoL. À moins que le problème ne vienne des annonceurs et de leur agence média ? C'est ce que laissent entendre certains membres du jury, qui pointent du doigt le manque de collaboration entre les acteurs, et le fait qu'aucun brief ne fasse encore du DOOH une priorité...
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