[Tribune]« Unique en son genre » : quand le marketing genré doit faire place au marketing sociobiologique
« Genre » c'est un terme qu'on entend souvent chez les ados. Un terme familier pour dire « non mais, tu me prends pour qui ?». Justement, pour qui nous prend-on réellement ? Nous les consommateurs (a)sexués, homme, femme, lui, elle, ielle... Qu'il est difficile encore de sortir des stéréotypes de genre, de naviguer en dehors de la norme préétablie par l'Histoire et la culture.
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L'ARCOM dans sa future étude[1] sur le genre met le doigt sur un chiffre simple : 20% des garçons jouent régulièrement à la poupée vers 2 ans... pourtant les garçons ne représentent que 4% des personnages qui jouent à la poupée dans les publicités.
Et l'on ne peut pas nier les efforts des marques à réinventer le jouet (exemples de Mattel avec sa poupée non genrée, d'Oxybul avec ses jeux d'imitation non genrés...) et à s'engager pour une filière plus égalitaire avec notamment la signature d'une charte signée en 2019 à l'initiative de la FJP (Fédération Française des industries Jouet Puériculture).
De nombreuses enseignes de la distribution ont également suivi la « tendance » en abrogeant les rayons garçons-filles préférant une clé d'entrée du rayon par typologie de jouets en magasin.
Cela fait maintenant plus de 10 ans que de nombreuses études ont prouvé que l'orientation genrée des jouets était un enjeu sociopolitique. Dans la recherche d'une égalité légitime de l'homme et de la femme, continuer à présenter une dichotomie dans les jouets renforce ce sentiment d'opposition.
Alors pourquoi est-il si compliqué de faire accepter le changement dans nos messages de communication et de publicité lorsqu'il s'agit de jeux et jouets pour enfants ?
Certainement parce-que l'on touche au sacro-saint culturel et historique du « je ne veux pas que mon fils joue à la poupée » ; « on ne pleure pas quand on est un garçon, ce n'est pas viril » ... Ecrit de cette manière dans un article comme celui-ci, cela parait rétrograde non ? Et pourtant c'est tous les jours que nous pouvons entendre ce genre de propos... « Genre », c'est énervant !
Faire du marketing non genré n'est pas une tendance mais bien le résultat d'un fait de société qui correspond à une génération (Z) dite « gender fluid » (dont le genre fluctue entre masculinité et féminité). Et dans tout changement sociétal, il faut faire coïncider nos actions aux grands mouvements de pensée... au risque d'être attentistes et de nécessiter une « Révolution » pour faire acter le changement.
Pour cette année 2023 qui se prépare, on aimerait quand même que cela se fasse en douceur !
Car depuis tout temps, l'objectif du marketing est de pouvoir déceler en amont les nouvelles tendances de consommation et de société, de décrypter les attentes des consommateurs (qu'elles soient sociologiques ou économiques) pour leur parler vrai et pour qu'ils se reconnaissent dans les messages publicitaires. Adopter une communication responsable réside de facto dans le fait de prendre en compte ces changements sociobiologiques pour réussir à faire bouger les lignes !
A nous donc, agences et marques, d'innover, de bousculer les codes, de prendre des risques en en créant de nouveaux, plus en accord avec le marché et ses mouvances.
Et pour y arriver, une chose reste à faire : se convaincre que ce sont les seules « voie » et « voix » possibles. Alors oui cela surprendra, cela choquera... au début... puis après on s'affranchira de la norme. L'objectif étant de montrer à nos enfants, à nos ados, le vrai miroir de la société actuelle.
Les aider à grandir dans l'abdication des préjugés, des stéréotypes de tout genre, sexuels, religieux, physiques... C'est une mission que les marques doivent relever.
OSONS la sociobiologie en remplacement du marketing de genre !
Stop au ciblage de mauvais genre
Abroger le ciblage de genre pour un ciblage « centres d'intérêt » ; penser « usage » plutôt que « user ». Cela constitue une révolution notamment dans la gestion de la data et des campagnes affinitaires. Mais si on y réfléchit de plus près, nous devons nous poser la question : mon produit/service est-il exclusivement dédié à un genre particulier ou bien correspond-il plutôt à un usage spécifique ?
La TV segmentée par exemple en prend le chemin ; elle se concentre plus sur le comportement et les centres d'intérêt de l'audience plutôt que l'âge et le genre. Il en est de même sur les réseaux sociaux dont les algorithmes font la part belle aux comportements de l'audience, à ses habitudes et envies.
Eviter le gender washing
L'erreur à commettre dans l'ultra ciblage est d'aller trop loin dans les spécificités de genre car pour certains produits qui ne s'adressent qu'à un genre particulier, on aura tendance à justement exagérer les caractéristiques de genre pour être sûrs de les toucher. Or cela produira l'effet inverse en stéréotypant ce genre. Donc le dosage doit être équilibré et en accord avec vos intentions de marque et d'entreprise.
Lifestyle & genderless
Préférer spécifier un lifestyle plutôt qu'un genre. Vous ciblez plus large et plus en accord avec les centres d'intérêt de votre audience et activez l'émotionnel client en le touchant en plein coeur.
D'ailleurs, le secteur de la mode fait figure d'exemple dans l'appropriation des idées et des valeurs de notre société par un effet miroir. Les nouveaux codes du no gender s'affichent depuis plusieurs années, en proposant un style unisexe et neutre.
Des campagnes inclusives pour de vrai
Les campagnes inclusives restent encore trop marginales aujourd'hui. La communication responsable nous engage sur notre responsabilité à montrer à la société une image de ce qu'elle est réellement ; qu'il y ait des minorités ou pas, l'inclusion ne doit pas être une excuse marketing mais bien une valeur humaniste qu'il faudra prouver à la fois en interne (régit d'ailleurs par la loi) qu'en externe car les consommateurs attendent de réels engagements de valeurs.
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Plus nous serons nombreux à adopter des partis pris inclusifs, plus cela deviendra la « norme ».
Pour réussir cette transformation, agences et annonceurs doivent travailler de concert et en confiance pour que chaque campagne réponde à des critères qui réfutent toute stigmatisation. Et même si cela nous parait évident, oser assumer un parti pris non genré n'est pas simple et cela nécessite un engagement fort et une parole exemplaire.
C'est d'ailleurs le premier accord Toltèque : que votre parole soit impeccable !
A méditer pour cette nouvelle année.
Shirley CURTAT-CADET, Directrice et Fondatrice de Com' des Enfants, agence conseil en marketing générationnel.
Vice-Présidente AACC Customer Marketing.
Experte des cibles enfants & famille depuis 15 ans, Com' des Enfants accompagne de grands comptes comme Burger King, Universal, Club Med, Laboratoires Gilbert, Materne, Playgro... dans l'anticipation des changements sociétaux par un marketing ciblé, engagé et respectueux des valeurs humaines.
[1] Étude à paraitre en janvier 2023.