[Tribune] AR marketing : une révolution à venir?
Il n'est plus nécessaire de présenter la réalité augmentée (AR). Déjà une réalité, la technologie est pourtant encore peu utilisée dans le marketing. Henri Danzin, co-président de l'agence Oyez, membre de l'AACC, s'interroge sur les causes de cette difficile émergence.
Je m'abonneSi, tout comme les 379 millions d'utilisateurs dans le monde en 2018*, vous avez joué à Pokemon Go, vous avez déjà une idée claire de ce qu'est la réalité augmentée (AR). Comment expliquer un tel succès ? En dehors de la puissance de la marque Pokemon, cette application a un côté magique : elle permet de faire apparaître sur l'écran de votre smartphone, d'étranges petits animaux qui viennent se superposer à l'environnement réel filmé par la caméra, le décor réel devenant le décor du jeu. Amusante et incroyablement addictive, cette application est pourtant bien l'arbre qui cache la forêt. La réalité augmentée a encore du mal à émerger.
Le Boston Consulting Group a d'ailleurs sorti en avril 2018 une intéressante étude traitant des opportunités de l'AR marketing sur mobile. Intitulée "Augmented Reality : Is the Camera the Next Big Thing in Advertising ?", celle-ci souligne notamment le potentiel de cette technologie, mais également les nombreux obstacles qui doivent être levés pour que les marques et distributeurs l'intègrent largement dans leurs stratégies digitales.
Une technologie à la recherche de son support
Utilisable quasiment exclusivement sur mobile, il faut bien reconnaître que la réalité augmentée a tout du gadget. Pourtant, certains semblent voir l'AR comme une nouvelle étape majeure de la révolution digitale. En 2017 Tim Cook, CEO d'Apple, déclarait : "La réalité augmentée me passionne car je peux en voir l'application partout". Et en effet, un dispositif qui permettra de superposer facilement des interfaces et des contenus digitaux sur notre monde réel ouvre quelques perspectives !
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Reste la question du support. Et c'est pour cela que certaines des GAFAM se sont attelé à la mise au point de lunettes. En effet, quoi de plus facile et pratique que des lunettes pour superposer monde digital et physique ? Plusieurs acteurs sont déjà présents sur le marché avec de véritables jouets pour geek : écrans transparents, senseurs, caméra 3D capable d'analyser l'espace... Trop cher, encombrants, trop futuristes, trop bizarres... aucun n'a réellement émergé auprès du grand public. Mais tout pourrait vite changer.
Marketing post-écrans
Malgré ces demi-succès, ce que les géants de la tech commencent à proposer avec leurs "AR Glass" ne sont rien d'autre que des environnements digitaux post-écran (où il n'y a plus de mobile, tablette, TV...), dans lesquels l'utilisateur est totalement libre de se mouvoir et où tout peut devenir un écran. Compliqué à imaginer ? C'est pourtant ce futur débarrassé de nos écrans physiques que le film de sciences-fictions Minority Report nous a permis d'entrevoir. Dans ce film tourné en 2002, Spielberg utilise des "AR lens" (lentilles de contact) pour opérer sa magie. Le résultat serait sensiblement le même avec des lunettes : le virtuel se fondrait totalement dans le réel.
17 ans après sa sortie, les scènes se déroulant dans le centre commercial (notamment celle dans le magasin GAP) continuent à faire rêver bien des professionnels du marketing. Et pourtant, depuis peu, la réalité a commencé à rejoindre la fiction (du moins dans les laboratoires). La "AR shopping expérience" de Mastercard donne une petite idée de l'état d'avancement des recherches dans ce domaine : guider un client dans un magasin, associer des contenus à un produit ou à un packaging, payer sans passer en caisse... Mais on pourrait également imaginer demain un catalogue papier avec des fonctions e-commerce, des clients projetés dans un univers de marque immersif directement dans un magasin et, pourquoi pas, des allées de supermarché transformées en piste de bowling... Tout devient possible car tout devient "virtualisable" ou "augmentable". Bref, le potentiel est infini autant pour les créatifs que les CMO.
AR marketing en 2019, est-ce trop tôt ?
Google, précurseur sur cette technologie, a connu un échec commercial avec sa première génération de "Google Glass", lancées trop en avance (2011). L'expérience utilisateur était intéressante mais le prix, le design étrange et surtout la caméra qui filmait en permanence ont rebuté les clients (certains lieux publics ou magasins aux U.S en avaient interdit l'usage à la demande de la clientèle). Où en sommes-nous 8 ans plus tard ? Instagram et Snapchat sont passés par là ainsi que les 1,3 milliard de photos prises sur mobile et autres vidéos issues de "Dashcam" ou "Actioncam" dans le monde en 2017. Bref, se filmer ou être filmé est de moins en moins un problème et en particulier pour les millennials (notamment en Asie où le phénomène explose). Aux évolutions générationnelles et d'usages s'ajoutent de réels progrès techniques et les investissements en R & D qui continuent à croître (notamment en chine : 7G$ en 2018). Sans compter les annonces d'analystes qui voient Apple sortir des lunettes dès 2020.
Ikea propose une app mobile d'AR plutôt convaincante permettant de visualiser les meubles chez soi avant de les acheter. Pour les professionnels du marketing, c'est donc sans doute maintenant, avec un temps d'avance, qu'il faut commencer à tester et apprendre. Il existe pour cela des kits software parfaits pour se faire la main sur mobile (Apple, Facebook, Amazon...), des kit hardware de lunettes complètes (Microsoft Hololens, Magic Leap...) et des projets open source très prometteurs. Notamment, le projet North Star initié par la société Leap Motion qui permet d'imprimer en 3D des AR glass pour commencer à tester des usages et services. Ce sont également des technologies de rupture très enthousiasmantes pour les jeunes talents du code, à une époque où cette ressource se fait rare.
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Il est impossible d'affirmer aujourd'hui avec certitude que les lunettes AR seront la "next big thing". Mais, comme dans les débuts de la technologie tactile, il y a quelque chose de magique dans la réalité augmentée qui en décuple le potentiel marketing et créatif. La question de la protection de la vie privée devra être une priorité absolue pour rassurer face à ces gadgets bardés de caméras. Les pires scénarios peuvent être imaginés. Mais ne nous leurrons pas, comme toujours, c'est bien l'utilisateur qui choisira de voir ou non ce qu'on lui propose et il faudra être à la hauteur, car une paire de lunettes, ça peut très bien se ranger au fond d'une poche.
* Source : statista
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L'auteur : Henri Danzin. Formé à l'ENSAD, Henri Danzin est creative technologist et co-président de OYEZ, agence de customer marketing spécialisée dans le commerce connecté, qui accompagne ses clients depuis 2011 dans la transformation de leurs modèles de commerce et leurs stratégies omnicanal.