DossierJC de Castelbajac veut "rendre le marketing aux artistes"

2 - Jean-Charles de Castelbajac : "Ce qui symbolise le luxe, c'est son unicité"

JC/DC défend une certaine vision du luxe, loin de la communication à outrance.

Le luxe, chacun en a sa propre définition. Quelle est la vôtre?

C'est son caractère unique. Un objet façonné par la main de l'homme, patiemment, et qui ne ressemble à aucun autre. Mais aussi c'est une feuille d'arbre, un cours d'eau. Tout ce qui est originel, en somme. Le luxe qui ne serait que l'incarnation de l'argent, du bling-bling, n'a pas vocation à toucher les sens. Et ce luxe-là est une agression. Tout comme l'est, parfois, la communication outrancière dont abusent les marques. Le véritable luxe communique assez peu ou pas du tout! La posture de la clandestinité, voire de la prohibition, me séduit davantage et fait de moi une sorte d'élu. Et me renvoie à ma propre unicité.

Imaginons qu'aujourd'hui, vous ayez envie de vous offrir quelque chose de luxueux. Ce serait?

Une forêt de chênes séculaires. J'ai vu une annonce dans un catalogue, récemment, pour acheter une forêt datant de Louis XV. Cela m'inspire. Cela correspond à une sorte d'idéal, un rêve. Une forêt, c'est mystérieux, unique et ça renvoie, aussi, à une sorte d'incarnation du danger. On peut s'y perdre, s'y cacher. C'est aussi très long à pousser. Le temps long, c'est aussi ce qui caractérise le luxe. C'est aussi une forme de respect de notre histoire. Nous devrions être davantage attentifs à la préservation des métiers d'artisanat d'art, en créant une internationale de la mémoire transformée. Le Japon ou l'Italie sont engagés dans cette transmission des savoirs.

Quelles sont les maisons qui vous séduisent toujours?

Sans hésiter, Goyard et Hermès. Des maisons qui ne renient pas leur histoire et se souviennent toujours des raisons qui ont fait qu'elles ont été créées. Je pense aussi à Fauré Le Page, par exemple. Mais au-delà de ces maisons admirables, j'observe aussi que la vie de certaines marques peut continuer avec de jeunes repreneurs qui respectent leur histoire. Je citerai, par exemple, Ramdane Touhami, qui a réveillé les marques Buly ou Trudon, Deux des plus anciennes maisons de France. Nous avons de plus en plus besoin de savoir pourquoi nous achetons un produit plutôt qu'un autre. Et si le luxe symbolisait tout ce qui nous manque le plus? Le temps, le silence, la réflexion et la contemplation.