LES CLUBS DE FOOT S'EQUIPENT EN CRM
Soucieux de fidéliser leurs abonnés et sympathisants, les clubs de football ont désormais recours aux techniques marketing dites classiques : programmes de fidélité, cartes cobrandées, Web 2.0 et marketing mobile. Un phénomène finalement assez récent.
Avec plus de 2,3 millions de licences délivrées, le football est le sport le plus populaire de l'Hexagone. Universel par excellence, le ballon rond n'est pas seulement pratiqué, il est aussi et surtout regardé, que ce soit devant sa télévision (les audiences et la bataille des chaînes autour des droits en témoignent) ou au stade.
Souvent taxé de sport business en raison des sommes pharaoniques dépensées par les clubs pour attirer puis rémunérer des joueurs, le football est devenu, au fil des ans, une industrie - presque - comme une autre réunissant annonceurs (les clubs) et clients (les supporters). Presque, car un élément influe sur les logiques marketing habituelles : la passion. «Il existe, dans le football, un côté passionnel et irrationnel. Par rapport à d'autres clients, les supporters ne changent pas de club comme ça», explique Xavier Pierrot, responsable billetterie de l'Olympique Lyonnais. Malgré cet attachement naturel, les clubs ont choisi d'investir dans la relation client, afin d'apporter une dimension communautaire supplémentaire à cette cible.
Xavier Pierrot / Olympique Lyonnais
«Nous parlons désormais aux supporters comme à des clients.»
DEPLOIMENT DU COBRANDING
L'autorisation du cobranding depuis octobre 2007 a ouvert la voie à une nouvelle forme de fidélisation. Trois clubs de Ligue 1 ont lancé leur carte : l'Olympique Lyonnais (en janvier 2009 avec GE Money Bank), puis l'OGC Nice et le Racing Club de Strasbourg (en juin dernier, avec, pour les deux, l'organisme de crédit en ligne Oney). «Ces cartes résultent d'une demande des clubs qui cherchent à fidéliser, des banques qui souhaitent se diversifier et des clients finaux qui ont un besoin d'attachement», estime François Delaigue, business developer senior chez Oney. A chaque fois, la logique est la même : les porteurs de cartes bénéficient d'avantages exclusifs dans la sphère du club et chez des partenaires. Plus globalement, les clients cumulent des points à chaque achat réalisé avec la carte. L'Olympique Lyonnais a même apporté une touche personnelle avec l'attribution de points de fidélité supplémentaires pour les matchs de l'équipe professionnelle (un point pour un match nul, trois pour une victoire). « Nous n'avions pas de programme de fidélité. Nous attendions le cobranding, qui nous permet d'utiliser cette carte de paiement ailleurs que dans le groupe. L'objectif de cette dernière est clairement de dégager du chiffre d'affaires», précise Xavier Pierrot. D'ici la fin de l'année, le club espère émettre 6 000 cartes Club OL, parmi les abonnés et les aficionados.
PROSPECTION ET FIDELISATION
Cette réalité économique a d'autant plus d'importance pour l'OL que celui-ci possèdera, dans quelques années, son propre stade de 60 000 places, quand l'actuel n'en compte que 40 000. Un projet qui l'a poussé à investir dans le CRM et la segmentation de sa base de données. Objectif : mieux connaître les clients, leur proposer des offres ciblées et les convaincre de se rendre au stade. Pour cela, le club a choisi de centraliser sa base de données de manière à rassembler les informations clients issues de toutes les filiales (OL Voyage, OL Images...). Au total, il compte plus de 24 500 abonnés, soit 50 % des spectateurs présents dans le stade. A Lille, même logique : le LOSC disposera en 2012 de son Grand Stade avec une capacité bien supérieure aux 17 000 places actuelles. «Plus que nos 350 000 spectateurs annuels, ce sont les 1,4 millions d'habitants de la métropole lilloise qui nous intéressent. Notre challenge est de fidéliser notre public actuel et de prospecter de nouveaux publics pour remplir notre futur stade», résume Valérie Ducamp, responsable développement produits au LOSC. A cet effet, le club travaille avec l'agence ETO sur les problématiques de connaissance client et, pour collecter de l'information, a notamment développé les jeux-concours ainsi que l'e-mailing viral. Disposant aujourd'hui de 100 000 contacts en base, il espère atteindre les 200 000 d'ici à 2012.
L'INCONTOURNABLE 2.0
L'essor des canaux numériques a, comme partout ailleurs, bouleversé la communication entre les clubs et leurs clients. Dans la Ville rose, le Toulouse Football Club,
TFC (6 500 abonnés), reste un précurseur en matière de nouveaux médias. Déjà, en 2006, il était le premier à proposer aux spectateurs des billets dématérialisés sur mobile via des codes 2D. En juillet dernier, c'est dans le domaine du Web 2.0 qu'il s'est distingué, avec le lancement de www.tfc.info. «Chaque initiative répond à une logique de service additionnel pour nos clients. Ce site résulte d'une idée simple : faire du club une véritable communauté en rassemblant les supporters et en travaillant sur une base de données de membres», explique Jean-François Soucasse, dg du TFC. Conçu par l'agence X-Prime, le site intègre une encyclopédie collaborative, un réseau social, des vidéos, une boutique en ligne' «Nous souhaitons favoriser l'image du club, mais aussi connaître tous nos clients afi n de mettre en place les moyens de les fidéliser», ajoutet-il. Toujours soucieux de garder un temps d'avance sur les nouvelles technologies, le TFC devrait très bientôt lancer une application mobile pour ses supporters technophiles. Longtemps concentrés sur leurs seuls abonnés, unique segment sur lequel ils détenaient des informations, les clubs ont donc décidé d'élargir le spectre du marketing à leurs supporters en général. «Cet aspect marketing n'existait pas dans les clubs, nous sommes tous en train de combler notre retard.Nous parlons désormais aux supporters comme à des clients car ils attendent davantage de nous qu'il y a dix ans», estime Xavier Pierrot (OL). Un besoin de reconnaissance qui vient confi rmer à nouveau que le supporter de football est avant tout un client qu'il convient de traiter comme tel.
40%
C'EST LA PART D'ABONNES AU LOSC QUI ONT CHOISI UNE FORMULE D'ABONNEMENT SUR TROIS ANS.
FOCUS
LE CAPITAL MARKETING DU PSG
Avec une cellule marketing d'une dizaine de personnes et une base de clients unique, le PSG se montre particulièrement mature en termes de CRM. En janvier dernier, le club a souhaité redynamiser sa stratégie marketing en accueillant Michel Mimran, ex-directeur marketing et commercial du pôle jeunesse de Lagardère Active. «Les objectifs sont les suivants : mettre en place un programme relationnel, renforcer les valeurs du club et travailler sur les médias de communication », résume-t-il. Comme tous les autres clubs français, le PSG s'est longtemps concentré sur sa base d'abonnés (23 000 aujourd'hui), une cible fidèle par nature. Désormais, il souhaite aller plus loin avec un programme construit pour les simples sympathisants, qui comprend le lancement d'une carte de fidélité payante, proposée à tous les supporters et ouvrant droit à divers avantages. « Le Welcome Pack, avec des produits inédits réservés aux souscripteurs, vaudra largement la valeur de la carte », précise Michel Mimran. Conçu en collaboration avec le cabinet Vertone, ce programme doit être mis en oeuvre par l'agence The CRM Company. «Son objectif est avant tout relationnel. Auparavant, le club distinguait les abonnés et tous les autres. Nous avons ajouté un palier supplémentaire», explique Hugues Charmet, chef de groupe de l'agence. Ainsi, depuis septembre, en plus de s'adresser aux abonnés (qui bénéficieront d'ailleurs par défaut et gratuitement du nouveau programme) et aux simples sympathisants, le CRM du PSG vise aussi la cible des adhérents au Welcome Pack. Parallèlement à ce dispositif, pour lequel il espère enregistrer plusieurs dizaines de milliers de porteurs, le club devrait lancer une application iPhone, dans la continuité du site mobile créé cet été. De même, une carte bancaire cobrandée aux couleurs du club devrait être proposée aux supporters avant la fin de l'année.