[Tribune] Covid-19 : accélérateur d'omnicanalité chez les retailers
Les stratégies omnicanales ont pris un virage et des solutions ont émergé en quelques semaines en raison de la Covid-19. Quelles tendances marketing se profilent ? L'enrichissement de l'expérience en ligne et le développement du e-commerce, selon Laurent Blassin, l'auteur de cette tribune.
Je m'abonneLes stratégies omnicanales, privilégiées au sein des directions marketing depuis plusieurs années sous l'impulsion de nouveaux usages consommateurs, ont pris un virage avec la crise du COVID-19. Distanciation nécessaire, nouveau rôle du magasin, explosion du e-commerce : des tendances et solutions encore peu connues ont émergé en seulement quelques semaines. Quelles sont ces tendances qui feront le marketing et l'expérience client des prochains mois ?
La COVID-19 est un accélérateur de l'omnicanalité. La notion d'omnicanalité d'un point de vue marketing a réellement émergé avec l'adoption des smartphones à la fin des années 2010. Leur démocratisation a transformé la façon dont le consommateur s'inspire, se renseigne ou achète un produit ou service. Les innovations ont été principalement portées ces dernières années par la Chine, marché quasi exclusivement connecté à internet via smartphone. Et puis, la crise du COVID est venue tout accélérer : d'une part, les consommateurs ont drastiquement changé leurs comportements en déportant une grande partie de leurs achats en ligne. D'autre part, les retailers ont dû s'adapter au contexte : fermeture des magasins dans un premier temps, puis distanciation physique et nécessité de repenser les expériences en magasin. Ce sont des secteurs entiers qui doivent repenser leur expérience client. Nous commençons aujourd'hui à parler de "no-channel" strategy, pour une expérience la plus transparente possible pour le consommateur entre digital et physique. Deux premières tendances digitales ont été particulièrement remarquées ces derniers mois sur des secteurs où l'expérience physique est clé.
Enrichir l'expérience en ligne
La première tendance répond à un des points de friction historique du digital. En parallèle des chatbots, de nombreuses solutions se développent afin de pouvoir mettre en relation des internautes avec de "vrais conseillers", souvent présents en boutique. L'objectif : continuer à proposer des services personnalisés et conseiller les clients, mais à distance. C'est le cas notamment de la startup Hero, qui travaille aujourd'hui pour de très grands noms tels que Nike ou Levi's, ou Longchamp.
La seconde tendance porte sur la technologie et la réalité augmentée qui a permis de reproduire les expériences physiques. Le secteur de la beauté par exemple, a vu émerger des solutions de virtual try-on, permettant d'essayer du maquillage virtuellement. L'Oréal propose d'ailleurs pour ses marques et partenaires retailers sa propre technologie avec Modiface, startup rachetée en 2018. Des marques ont également poussé l'expérience d'essai virtuel de produits au plus proche de la réalité : c'est le cas de Gucci via sa collaboration avec Snap, permettant de "chausser" les nouvelles sneakers de la marque grâce à un filtre dédié.
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Capitaliser sur le digital et adapter l'expérience
Il faut capitaliser sur le digital pour adapter l'expérience au sein du "nouveau magasin". Malgré la croissance du e-commerce, les consommateurs privilégient toujours les achats physiques : les magasins vont au-delà du simple achat, ils créent du lien social et de l'émotion. Pour autant, le rôle du magasin est en train d'évoluer. On peut souligner deux autres tendances omnicanales, cette fois-ci dans le medium boutique.
Tout d'abord, l'expérience magasin "sans contact" mais aussi "sans couture". Le "sans contact" est devenu un prérequis sanitaire. Sans aller forcément jusqu'à une expérience 100% autonome comme Amazon Go ou plus récemment Boxy en France, le smartphone devient l'outil indispensable même en magasin. Il permet de réduire les "contacts" mais aussi les points de friction. Décathlon, en association avec la startup Mishipay, propose ainsi - aujourd'hui aux Pays-Bas - de payer via son application afin de sortir "librement" du magasin sans faire la queue. Digne successeur du téléshopping, c'est le livestreaming, nouvelle branche du "social commerce" et véritable phénomène de société en Chine - un marché à 129 milliards de dollars sur 2020 - qui commence à se développer doucement en Occident et pourrait devenir une tendance forte ces prochains mois. Le concept est simple : présenter des produits en direct et permettre de les acheter en un clic. H&M avec sa marque Monki s'y est essayé, et Google et Amazon commencent à avancer leurs solutions. Le livestreaming pourrait amener les marques à repenser et optimiser les espaces d'un magasin, en transformant une partie de la boutique moins fréquentée en studio vidéo.
Ces grandes tendances traduisent l'émergence d'un nouvel écosystème de solutions, certaines relativement simples à implémenter pour les marques, d'autres plus complexes techniquement. Pour autant, ces nouvelles tendances omnicanales, nécessaires aujourd'hui, vont avoir un impact profond au sein des entreprises : en magasin, le rôle des conseillers de vente doit être repensé et le personnel doit être formé à de nouveaux outils. Au siège, le rapprochement est plus que nécessaire entre équipes digitales et équipe retail. La limite n'a jamais été aussi fine entre physique et digital !
L'auteur :
Arrivé chez Fabernovel en 2016 après avoir passé plus de 2 ans dans les équipes marketing de Google, Laurent Blassin pilote aujourd'hui l'activité de marketing consulting, accompagnant les clients de Fabernovel sur de nombreux sujets sales & marketing (stratégie média et communication, CRM & fidélisation, e-retail, ...).