Pour faire le poids face à Amazon, Walmart devrait se dédoubler
Le géant du retail Walmart, spécialisé dans la grande distribution, montre des signes de faiblesseaux États-Unis. En cause? L'adaptation insuffisante du groupe aux nouveaux services, notamment l'e-commerce et le click and collect, et une mauvaise connaissance client, selon Tien Tzuo, p-dg de Zuora.
Si la machine Amazon ramasse tout sur son passage, difficile d'en dire autant du géant Walmart, dont les résultats sont peu rassurants. La croissance du groupe augmente de quelque 0,7% au premier semestre. Les ventes e-commerce du groupe s'affichent à +11,8%, alors que l'intégralité du secteur a fait un bond de 15% sur la même période. Qui imaginerait aux États-Unis un monde sans Walmart? Ce serait comme imaginer la France sans Carrefour... 90% des Américains vivent à moins de 20 minutes d'un supermarché Walmart et l'enseigne emploie plus 1,5 million de personnes, prêtes à accueillir jusqu'à 140 millions de clients toutes les semaines dans 5000 grandes surfaces.
Et pourtant, un monde sans Walmart pourrait bel et bien exister. Poussé par une véritable lame de fond d'une évolution des comportements de consommation, le phénomène de l'achat en ligne ou de l'abonnement devient la norme. Même si Walmart a racheté Jet.com, le géant devra passer à la vitesse supérieure et se décider à effectuer des changements radicaux. Walmart pourrait commencer par transformer la moitié de ses hypermarchés en centres logistiques uniquement dédiés à l'e-commerce avec un click and collect et des services de livraison. Certes, passer à une infrastructure e-commerce ne sera pas simple, mais ce n'est pas impossible.
Les retailers doivent s'adapter à la montée de l'e-commerce
À titre de comparaison, dans l'Hexagone, le groupe Monoprix cherche de plus en plus à se faire une place dans le secteur de l'e-commerce. Le 22 août dernier, l'enseigne nommait à sa tête Régis Schults - le pro de la digitalisation, ayant dernièrement fait ses preuves chez Darty. Résultat? Les magasins Monoprix évoluent: wi-fi en libre accès, vendeurs équipés de tablettes, click and collect... Avec la flexibilité, la rapidité et les prix attractifs au coeur de sa démarche, le géant français ne regarde pas à la dépense (on a d'ailleurs appris l'achat d'un dépôt de 7000 m2 dédié à l'e-commerce) et ne recule devant rien pour rivaliser avec Amazon, qui lançait dernièrement en France sa boutique "Épicerie et boissons alcoolisées".
Walmart doit changer de système maintenant si l'enseigne veut connaître aussi bien ses clients qu'Amazon. Et le meilleur moyen d'y parvenir aujourd'hui est de s'y connecter, avec une expérience en ligne qui doit être prioritairement soignée. L'e-commerce représente, il est vrai, 10% à peine des ventes du retail mais dans dix ans, qui fera encore dix kilomètres pour acheter du shampoing dans un hypermarché?
Walmart fait pourtant de la vente en ligne depuis 15 ans, mais ne sait toujours rien du client qui rentre de son magasin. L'enseigne propose des options pour la collecte et la livraison de colis et quelques programmes de fidélité, mais l'e-commerce ne représente que 3% de son chiffre d'affaires. Les consommateurs d'aujourd'hui veulent plus que des réductions et des échantillons gratuits. Ils veulent être connus des enseignes, qu'elles cernent leurs besoins et qu'elles développent des offres et des services personnalisées autour de ces besoins: ils veulent obtenir les produits désirés, quand ils veulent et comme ils veulent.
La connaissance client, un enjeu majeur
Et qu'est-ce qu'Amazon connaît à propos de ses clients? Absolument tout. Amazon sait sur quel article ils cliquent, ce qu'ils ont acheté ou même ce qu'ils aiment acheter. Ça ne s'arrête pas là: Amazon propose maintenant la livraison en deux heures dans les grandes villes ou le jour même dans les agglomérations plus petites. La moitié des foyers américains y est déjà abonnée.
Amazon ne s'intéresse pas à telle ou telle catégorie de clients... L'entreprise les veut tous. Il n'est pas surprenant que le groupe soit devenu en août dernier la quatrième plus grande entreprise publique au monde après Apple, Alphabet et Microsoft (en prenant au passage la place d'Exxon Mobil dans le classement). Ce n'est donc pas une coïncidence si ces quatre entreprises parviennent à faire de l'abonnement leur fonds de commerce.
L'avenir de Walmart sera donc bel et bien de s'engager en accordant la première place à l'e-commerce et de mieux connaître ses clients. Et de mettre ses vendeurs dans des camions de livraison.
Tien Tzuo est le fondateur et le p-dg de Zuora, spécialisé dans les solutions de commercialisation, de facturation et de comptabilité pour l'économie de l'abonnement. Tien Tzuo a fondé Zuora en 2007. Avant cela, Tien Tzuo était l'une des "forces d'origine" de Salesforce. Lors des neuf années passées au sein de Salesforce, il a conçu le système de facturation d'origine de la société et a occupé différents postes de cadre dans des organisations technologiques, stratégiques et de marketing. Il a notamment établi l'organisation marketing et la gestion de produit lorsqu'il a occupé le poste de directeur marketing pendant deux ans et, plus récemment, le poste de directeur de la stratégie. Tien Tzuo est titulaire d'une licence en génie électrique de l'université Cornell et d'une maîtrise en gestion des affaires de la Graduate School of Business de Stanford. Il a été nommé finaliste dans la catégorie Directeur marketing de l'année par le CMO Council et le BusinessWeek Magazine lorsqu'il travaillait chez Salesforce. Tien Tzuo fait partie du conseil d'administration de Network for Good.
Pour aller plus loin:
[États-Unis] Walmart lance une "bombe" sur le marché des solutions de paiement mobile
Audience: les 50 premiers retailers en France
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