Damart prend un coup de jeune
Pour remédier à l'étiquette senior qui lui colle à la peau et attirer une clientèle plus jeune, Damart a mis l'accent sur un ton plus moderne, et quelques innovations, à l'occasion de son 65e anniversaire.
Damart, c'est l'invention du Thermolactyl en 1953. C'est la chanson culte d'Henri Salvador de 1963, "Le travail, c'est la santé, Thermolactyl, c'est la conserver" . C'est le slogan "Froid, moi ? Jamais !", tiré d'une grande saga de pub TV en 1971. Une marque iconique en somme, qui tend aujourd'hui à se réinventer. Leader du prêt-à-porter chez les seniors depuis plus de 60 ans, Damart s'est lancé à partir de 2013 dans une opération séduction de grande ampleur à destination d'une cible rajeunie : "Pour exister dans 10 à 15 ans, nous avons dû revoir notre copie. L'objectif est de dépoussiérer notre image, quelque peu vieillotte et méconnue du grand public, reconnaît Christine Bocquet, directrice marketing de Damart. Nos produits sont pourtant unanimement reconnus comme de grande qualité, puisque les avis et les retours de notre clientèle que nous mesurons via des questionnaires et des mailings, sont toujours très positifs", commente la professionnelle.
Pour preuve, le Thermolactyl, créé par les frères Despature, fondateurs de la marque, sur une vision avant-gardiste du sous-vêtement réchauffant (à partir d'une fibre synthétique) est aujourd'hui encore la grande force de Damart. Un héritage familial que l'entreprise roubaisienne, fondée sur le modèle de la vente par correspondance (VPC), n'oublie pas, mais qui n'est plus suffisant : "Pour élargir notre cercle de clients, nous avons fait le choix de changer de modèle économique, mais sans toutefois oublier nos racines", glisse Christine Bocquet.
Redéploiement de ses offres
Afin de joindre l'acte à la parole, le fleuron de la réussite industrielle du Nord de la France a donc, depuis cinq ans, opéré un virage à 360 degrés, en révolutionnant totalement son business model. À commencer par donner les clés de la maison à des créateurs reconnus. Le coup d'essai se transformant en coup de maître quand les charentaises signées Andrea Crews, s'arrachent chez Colette. Le succès de la doudoune Damart orchestrée par la marque Modetrotter en 2015 et la lingerie glamour de Chantal Thomass en 2016 ne font que confirmer cette appétence.
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L'offensive lancée, Damart débute sa quête de l'omnicanalité, cherchant à accroître sa présence en magasin et sur le web pour répondre au modèle de décroissance de la VPC : "Nous avons retravaillé tous les plans commerciaux, avec une nouvelle configuration du parc magasins, pour un coût très conséquent. Nous sommes passés d'une position 3-4 relativement excentrée du centre-ville, à des emplacements 1-1 bis positionnés en plein coeur des axes marchands", relate Christine Bocquet.
Un premier concept-store à Lille inauguré en novembre 2017 avec 420 m² de surface, reflète le changement de dimension souhaitée de la marque, avec une croissance espérée de plus de 20 % au rayon des textiles intelligents : "Nous avons mis en place au premier étage de la boutique le LAB innovation, pour permettre aux clients de partager des innovations produits et d'être au coeur des événements avec des blogueuses". Le lancement du premier flagship au coeur de Paris dans le quartier du Châtelet en août 2018 ouvre également de nouvelles perspectives à l'international, dans la lignée de la conquête du marché espagnol et italien.
S'appuyant sur un réseau de distribution de 150 magasins, la marque active aussi sa présence dans les grands magasins (Galeries Lafayette), sur les sites d'e-shopping (Sarenza, La Redoute), développe l'e-commerce avec Amazon et fait le pari plus traditionnel - mais en adéquation avec ses clients - du télé-achat. En bref, toute une panoplie qui continue à doper ses ventes : "Au bout de trois ans, nous sommes arrivés à recruter des client(e)s plus jeunes. Si en magasin, la moyenne d'âge oscille entre 60 et 65 ans, sur le web, la moyenne a baissé à 57 ans grâce notamment à des programmes de fidélité et des opérations promotionnelles", se félicite Christine Bocquet.
Les 65 ans en grande pompe
Forte d'une nouvelle légitimité, Damart a vu les choses en grand pour l'année de ses 65 ans. En laissant le champ libre à un collectif de créateurs français d'incarner le nouveau visage de la marque, à l'instar de Mademoiselle Agnès. L'icône du journalisme de mode a ainsi réalisé avec Emma de Caunes une campagne publicitaire vidéo quelque peu loufoque pour secouer les idées reçues d'une marque un tantinet âgée et dépassée.
L'entreprise textile nordiste s'est ainsi attachée à lancer plusieurs collaborations dont celle de la "French Collection", une série limitée de vêtements fabriqués en France : "C'est l'occasion de revendiquer notre marque, de montrer nos différentes activités pour nos 3 millions de client(e)s". L'année 2018, placée sous le signe de l'éclair, symbole de la marque, est aussi l'occasion de fêter les 10 ans de Damart Sport : "La technologie de Damart avec son textile anti-frisson est adaptée aux sportifs. C'est un enjeu fort, d'autant plus que nous arrivons à cibler les 45 ans et plus avec ces produits".
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Si le groupe Damartex - qui concentre 11 marques dans les pôles textile et lifestyle dont Damart - a essuyé une baisse de 2,4 % de chiffre d'affaires sur l'exercice 2017-2018, l'enseigne s'accroche tant bien que mal avec une baisse relative de 0,4 % : "Nous nous maintenons à flot, en résistant plutôt bien au dernier semestre qui a été catastrophique pour le marché du textile, avec les aléas climatiques ou la grève de la SNCF. Chaque jour de grève causait ainsi une perte de 30 % des ventes", partage la directrice marketing. Victime collatérale de la canicule de l'été 2018, Damart a connu un chiffre d'affaires en baisse de -27 % sur le mois d'août : "Nous faisons près de 60 % de notre résultat sur la période octobre-février. Au regard de cette nouvelle donne climatique qui semble s'installer, être performant toute l'année doit devenir notre leitmotiv", martèle Christine Bocquet.
Après ce grand coup de balai pour "devenir à terme la marque préférée des Français de plus de 55 ans", la mythique enseigne tricolore puise son réveil sur une expansion wholesale et web affirmée. Mais le chemin reste encore long pour être remis au goût du jour : "Nous avons conscience qu'il est difficile de faire changer les moeurs et qu'il nous faut encore au moins cinq ans pour arriver à moderniser notre image, mais les résultats demeurent encourageants", admet la directrice marketing.
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