Recherche

Les annonceurs peuvent-ils sauver la presse traditionnelle en France ?

L'Udecam (Union des Entreprises de conseil et d'Achat Media) et l'ACPM (Alliance pour les Chiffres de la Presse et des Médias) ont organisé, mardi 23 avril, un colloque réunissant de nombreux dirigeants de groupes médiatiques français pour aborder l'enjeu publicitaire du secteur.

Publié par Matis Demazeau le - mis à jour à
Lecture
5 min
  • Imprimer
Les annonceurs peuvent-ils sauver la presse traditionnelle en France ?

"Sans publicité, il ne peut y avoir de grands sites d'information en France." Par ce constat implacable et alors que plus d'un quart du chiffre d'affaires de l'ensemble des médias en France est généré à travers la publicité, Marc Feuillée, directeur général du Figaro, synthétise l'une des principales problématiques que rencontre le secteur des médias, largement abordée lors du colloque Démocratie, Information & Publicité organisé, mardi 23 avril à La Sorbonne, à l'initiative de l'Udecam et de l'ACPM. Les deux organisations ont ainsi réuni, pendant toute une matinée, les grands éditeurs de la presse d'information hexagonale afin de "créer une prise de conscience du marché et organiser, entre agences et éditeurs, un front uni de solutions prochaines".



Trop d'investissements publicitaires sur les plateformes sociales ?

Ce n'est un secret pour personne : le marché des médias traditionnels va de mal en pis. Comme le souligne Pierre Louette, PDG du groupe Les Echos - Le Parisien, la presse française a perdu, en une seule décennie, près de la moitié de ses revenus. À l'horizon 2030, le recul supplémentaire du secteur est même estimé à 30 % (source : Arcom).

Selon l'ensemble des intervenants du colloque (parmi lesquels figurent notamment Louis Dreyfus, CEO du Monde, Contance Benqué, présidente de Lagardère News, Dov Alfon, directeur de la rédaction et de la publication de Libération ou encore Alain Weil, président de L'Express), ce phénomène - qui n'épargne (presque) aucun média français - trouve principalement son origine dans l'émergence des réseaux sociaux et des Gafam.

Selon eux, les investissements publicitaires sont de plus en plus absorbés par les plateformes sociales au détriment de la presse traditionnelle. "Les réseaux sociaux sont aujourd'hui capables de fournir aux annonceurs des KPI (indicateurs clés performance) très alléchants. Pour cela, ils jouent sur l'émotion et génèrent, ainsi, de l'attention. C'est cela qui intéresse les annonceurs car ils peuvent ainsi facilement délivrer leur message publicitaire, expose Jean-Nicolas Baylet, DG de La Dépêche du Midi. Et étant donné que les réseaux sociaux ne vivent que de la publicité, ils cherchent uniquement à répondre aux demandes des annonceurs. Et le danger d'une société qui fonctionne ainsi, c'est qu'elle reste superficielle", poursuit-il.

Un appel à la "responsabilité des annonceurs"

Cette analyse est unanimement partagée par les intervenants du colloque : "L'arrivée du numérique a profondément chamboulé la façon dont les personnes s'informent, qui se caractérise par un abandon progressif des médias traditionnels. Cela est problématique car les médias ont deux missions : évidemment celle de maximiser le profit mais aussi celle d'informer. Les réseaux sociaux et les Gafam ne présentent que la première", affirme Nathalie Sonnac, présidente du Conseil d'Orientation et de Perfectionnement (COP) du Centre de liaison de l'enseignement et des médias d'information (CLEMI).

De quoi nourrir certaines inquiétudes : "Il n'y a pas de liberté ni de démocratie sans la presse", prévient Raphaël Enthoven, co-fondateur du média Franc-Tireur. "Les journalistes ont beaucoup de défauts mais vous ne trouverez jamais autant de bêtises dans la presse française que vous en trouverez sur Twitter", surenchérit Étienne Gernelle, directeur du Point.


C'est là que les marques ont un rôle à jouer. "J'en appelle à la responsabilité des annonceurs. Aujourd'hui, 80 % de la publicité digitale est captée par les Gafam. C'est inquiétant pour nous et pour la société ! Et je souhaiterais donc qu'il y ait en France des investissements plus responsables", soutient Contance Benqué, présidente de Lagardère News.

Du point de vue des marques, investir dans une presse française traditionnelle et diversifiée peut également présenter plusieurs avantages : "Les annonceurs ont tout intérêt à ce que le paysage médiatique traditionnel survive face aux géants du numérique car cet environnement de qualité apporte de la crédibilité et de la légitimité à leurs messages. De même le pluralisme des médias est crucial car il permet aux marques de toucher une cible plus étendue et plus diversifiée", assure Hervé Navellou, président de l'Union des Marques et de L'Oréal France.

La publicité de plus en plus cruciale pour la survie des médias traditionnels

Un autre phénomène préjudiciable pour le secteur a également été identifié : les Français ne sont majoritairement pas prêts à payer pour s'informer. Selon Nathalie Sonnac, 86 % des consommateurs hexagonaux ne sont abonnés à aucun média d'information, que ce soit en format papier ou digital. "Nous voyons bien que le modèle économique traditionnel du secteur qui se finançait en grande partie à travers la vente au numéro ne fonctionne plus. Il faut donc trouver un autre business model pour que les médias puissent continuer à jouer leur rôle de garants de la démocratie", plaide-t-elle. D'où l'importance des revenus générés par la publicité pour la survie de la presse hexagonale...

Sur le même thème

Voir tous les articles Presse

Livres Blancs

Voir tous les livres blancs

Vos prochains événements

Voir tous les événements

Voir tous les événements

S'abonner
au magazine
Se connecter
Retour haut de page