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Euro 2016: Quelles opportunités pour les marques ?

Réponse avec Michel Desbordes, professeur à l'INSEEC et spécialiste du marketing sportif, qui analyse les opportunités pour les annonceurs et les clubs à l'approche de l'Euro 2016.

Publié par Paul Monin le | Mis à jour le
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Euro 2016: Quelles opportunités pour les marques ?

e-marketing : Soupçons de corruption dans les plus hautes sphères de la Fifa, polémique autour de la sex-tape du joueur Mathieu Valbuena... Ces scandales à répétition dans le monde du football ne freinent-ils pas les sponsors ?

Michel Desbordes, professeur et responsable du pôle Sport&Entertainement du groupe INSEEC

Michel Desbordes, professeur et responsable du pôle Sport&Entertainement du groupe INSEEC

Michel Desbordes, professeur à l'INSEEC et spécialiste du marketing sportif : Sur le long terme, la réponse est non. Les marques qui investissent, comme des banques ou des assurances, s'engagent sur dix, quinze ou vingt ans. Mais il est clair que cela ne fait pas de bien au football dans son ensemble. Il y a eu quelques mauvaises périodes : Knysna en 2010, lors de la Coupe du monde en Afrique du Sud lorsque les joueurs ont refusé de descendre du bus, puis l'affaire Zahia. Depuis, l'image de l'équipe de France s'est améliorée. Le football est un sport surexposé médiatiquement, que ce soit sur les bons ou les mauvais aspects. Les marques en sont conscientes. Et ce n'est pas le seul sport à connaître des scandales : Tiger Woods dans le golf, le dopage sur le Tour de France... L'affaire Festina n'a pas eu de conséquences néfastes pour la marque, mais au contraire, a plutôt contribué à augmenter la notoriété de la marque.

  • Les marques qui sponsorisent des clubs ou des joueurs parviennent-elles à mesurer le ROI ?

En investissant dans le football, les marques cherchent toujours à atteindre les mêmes objectifs. Le premier consiste à augmenter sa notoriété : la compagnie Emirates, par exemple, était encore inconnue en France il y a une dizaine d'année. Grâce à ses partenariats avec des clubs comme le PSG ou Arsenal, elle a réussi à se créer une présence dans l'esprit du consommateur européen. Le second vise à faire aimer, car si certaines marques sont connues, elles ne sont pas pour autant appréciées. En s'accolant des clubs sportifs, une marque associe à son nom des valeurs de dynamisme, de performances. Mais le point-clé essentiel réside dans l'augmentation des ventes.

Or, si les deux premiers objectifs sont facilement mesurables via des enquêtes d'opinion et de notoriété, il est en revanche difficile d'évaluer les conséquences du sponsoring sportif sur les ventes. Pour calculer le retour sur investissement, il est nécessaire d'effectuer des études ad hoc auprès des consommateurs, en croisant les variables. La population des supporters doit être étudiée en priorité, chaque année pour pouvoir déterminer les évolutions sur le long terme. Ces études nécessitent des calculs fins et ont un coût élevé, que seules les grandes marques, qui en ont les moyens, peuvent se permettre.

  • Mais le marketing du football est-il en souffrance ?

"La performance sportive est toujours au coeur des attentes"

Non, car les audiences des matchs sont toujours bonnes. Il ne faut pas se focaliser sur ces scandales ; la performance sportive est toujours au coeur des attentes. Dans le cyclisme, des enquêtes d'opinions montrent que ce sport est toujours perçu comme très difficile, malgré les scandales du dopage. Ce n'est donc pas une variable-clé pour les sponsors, qui sont dans l'ensemble détaché de ces problèmes. Ce sont des partenaires financiers, comme des actionnaires, et n'ont pas d'impératifs sportifs.

  • Comment les clubs de football utilisent-ils les outils numériques pour acquérir ou fidéliser de nouveaux clients ?

L'utilisation des outils numériques, comme la gestion de la billetterie avec un logiciel CRM est plutôt l'apanage des grands clubs. Le PSG parvient à remplir le stade à chaque mach. Les petits clubs, en revanche, ne sont pas encore à ce niveau et doivent progresser. Les stades de Lille, Nice ou encore Bordeaux, ne sont pas pleins. Et ils ne pourront pas continuer avec un taux de remplissage de 60 ou 70%. Un stade doit tendre vers le 100%, quel que soit le niveau de l'équipe ou sa place dans le classement du championnat. C'est un enjeu majeur pour les clubs, qui sont dépendants des revenus de la billetterie. Intégrer des outils de gestion de clientèle est devenu absolument fondamental.

Les clubs anglais sont très forts en la matière. Pour remplir les stades, ils ont développé des techniques de yield management proches de celles employées par les compagnies aériennes pour optimiser le remplissage des avions, couplées avec des programmes de fidélisation élaborés.

  • Quelles sont les grandes tendances qui se dessinent dans le marketing du football ?

Les clubs, à l'avenir, devront vendre plus qu'un simple billet, mais une expérience immersive et différenciante. L'objectif est de parvenir à les faire arriver plus tôt au stade et repartir plus tard, pour favoriser la consommation. Cela implique l'élaboration d'un parcours client riche. Et pour faire changer les comportements, les outils numériques sont d'une grande utilité. En Allemagne, l'Allianz Arena, le stade du Bayern Munich, a développé des services qui favorisent la venue du supporter. Par exemple, ils envoient plusieurs heures avant le début du match, par téléphone ou email, les itinéraires idéals pour se rendre au stade en métro ou en voiture. Les clubs deviennent des entreprises de service comme les autres.

Les clubs cherchent également à diversifier leur clientèle : un des grands enjeux pour les stades français est de faire en sorte que les femmes et les enfants viennent. Un homme seul consomme beaucoup moins qu'un homme accompagné par sa famille. Dans cette optique, les Quatari ont beaucoup fait pour éradiquer le hooliganisme dans le PSG et renforcer la sécurité. Outre l'aspect moral de cette question, il y a des enjeux business. Aujourd'hui, les enfants sont de retour au Parc des Princes, car les conditions le permettent. En cela, on se rapproche beaucoup du modèle américain, où les matchs de basket de la NBA vont se voir en famille.

  • Quel regard portez-vous sur le nouveau " stade connecté " construit par le club de football de Lyon ?

Lyon est un cas intéressant, car c'est le premier club qui fait construire son propre stade [le Stade de Lumières, inauguré le 9 janvier 2016 NDLR] alors que des clubs comme Bordeaux, Marseille, Lille ou Nice, sont passés par un Partenariat public Privé. Lyon va donc devoir répondre à une problématique simple : remplir ce nouveau stade, dont la capacité sera de 58 000 places, via la vente de billets. A cela s'ajoutent aussi les 6000 places VIP et les loges : l'OL va devoir stimuler les entreprises de la région, dénicher de nouveaux sponsors, et certainement trouver un partenaire pour le " naming " de son stade, à l'image de l'Allianz Arena du Bayern Munich en Allemagne, ou Emirates qui a donné son nom au stade d'Arsenal. L'OL représente assez bien l'ensemble des enjeux marketing et financiers auxquels doivent faire face actuellement les clubs du même type.

  • À l'approche de l'Euro 2016, quelles sont les perspectives pour les marketeurs ?

La seule tendance notable que je remarque, c'est l'apparition des " Fan Zone ", ces endroits en dehors du stade où les supporters qui n'ont pas de billet se réunissent pour regarder le match diffusé sur des écrans géants et consommer le spectacle ensemble. C'est une réponse à la contrainte du stade, dont le nombre de place reste limité. Ce type de pratiques avait rencontré un grand succès au Brésil au cours de la coupe du Monde 2014. J'ai été frappé par le nombre de supporters français venus pour vivre l'expérience dans ces fans zones comme sur la plage de Copa cabana, où l'ambiance y était toute aussi bonne que dans les stades.

C'est une tendance marketing lourde, et un enjeu majeur pour la France qui va organiser l'Euro 2016, et qui va devoir accueillir de nombreux supporters européens qui auront fait le déplacement. Mais j'ai peur que suite aux attentats de novembre 2015, les aspects de sécurité l'emportent et que ces Fan Zone soient compromises, alors qu'elles véhiculent des opportunités marketing et business très importantes.

Pour aller plus loin...

"Marketing du football", Michel Desbordes et Nicolas Chavanat, ed. Economica, 624 pages, 49€.

Destiné aux professionnels du football et à tous les acteurs socioéconomiques en lien avec ce secteur, cet ouvrage rassemble les éclairages de nombreux experts et traite des diverses problématiques marketing liées au développement des clubs, étayées par des études de cas de clubs français et européens.

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