Comment monétiser l'audio numérique?
Grâce aux possibilités en termes de format, de distribution et de monétisation offertes par le numérique, l'audio, un temps resté comme dans l'ombre des autres médias, fait valoir sa voix de support publicitaire de choix.
Je m'abonneLa presse, l'affichage et, depuis peu, la télévision, tous ces médias publicitaires ont réalisé ou au moins entamé leur transformation numérique. Et la radio dans tout ça? "Pendant longtemps, l'audio n'a pas eu la part belle dans le numérique, regrette Olivier Lendresse, directeur du numérique du pôle radio de Lagardère (Europe 1, Virgin, RFM). À présent, le marché répond aux nouveaux usages, portés par le smartphone, pour faire de l'audio numérique une réalité en France."
Parmi ces nouveaux usages: la consommation à la demande, l'écoute en mobilité ou encore le multitasking. Pourtant le podcast, ce format audio consommable en ligne à la demande, n'est pas une nouveauté puisqu'il est apparu en 2002 lorsque les flux RSS, inventés deux ans plus tôt, ont permis l'ajout de fichiers vidéo et audio. "Le marché s'est techniquement ouvert en 2005 avec l'intégration des podcasts sur iTunes, la plateforme d'Apple, suivie par la naissance de deux acteurs majeurs du streaming audio: Spotify (2006) et Deezer (2007), mais les usages n'ont pas pris tout de suite", se souvient Jean-Pierre Cassaing, directeur du département audio d'Havas Media.
L'Hexagone commence à rattraper son retard sur d'autres pays plus matures comme les États-Unis.
On distingue podcasts de réécoute, soit la rediffusion en ligne d'émissions de radio FM (par exemple Les Grosse Têtes de RTL qui génère 25 millions de téléchargements mensuels), et podcasts natifs, rendez-vous audio créés pour le Web (en France, Arte Radio en fut le pionnier en commençant à produire dès 2002 critiques de films et documentaires).
Mais le marché a mis du temps à se structurer, tant du côté des acteurs traditionnels de la radio (France Culture a lancé en septembre 2017 le podcast natif Superfail présenté par Guillaume Erner) que des nouveaux entrants (les réseaux Binge Audio et Nouvelles Écoutes, qui totalisent chacun plus de 400.000 écoutes mensuelles, sont nés courant 2016). L'Hexagone commence ainsi à rattraper son retard sur d'autres pays plus matures comme les États-Unis.
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Sur le continent américain, 24% de la population écoutent des podcasts chaque mois selon une étude de l'institut Edison Research. Et côté monétisation, l'audio numérique a rapporté 220 millions de dollars de recettes publicitaires en 2017, soit une croissance de 85% en un an, d'après les données de PwC pour l'IAB US. De quoi inspirer les acteurs français: en novembre dernier, les trois fondateurs de la jeune société LouieMedia (Mélissa Bounoua, Charlotte Pudlowski et Alexandre Mognol, des anciens de Slate France et de son podcast référent Transfert) se rendaient à New York pour un séminaire thématique. Le principe: piocher les bonnes pratiques du New York Times ou de Buzzfeed tant sur le plan éditorial que commercial. Sur ce dernier point, il y a en effet "un travail d'évangélisation à faire auprès des annonceurs français pour leur faire connaître ce format engageant et ses possibilités publicitaires", explique Melissa Bounoua.
L'audio, format publicitaire roi... sans couronne
91%. C'est la part des deux milliers de Français, interrogés par l'institut CSA dans le cadre d'une étude pour Havas media, qui consomme des contenus audio deux à trois fois par mois. L'enquête menée en septembre 2017 relève que 66% de cette écoute se fait sur des supports numériques (12% exclusivement), dont 20% au format podcast. "Les Français sont très attachés au son, le podcast est un format d'avenir grâce au saut technologique apporté à la radio hertzienne", commente la cofondatrice de LouieMedia.
Le podcast: "média de la fidélité et de l'engagement". Gabrielle Boeri-Charles Binge Audio
Avec ses particularités que sont une écoute choisie, une consommation personnelle, une propension à s'abonner aux émissions, ou encore une incarnation des programmes (Charles-André Touré, cofondateur de la régie publicitaire StayTuned Advertising, décrit les podcasters comme "des influenceurs, des sortes de Youtubeurs CSP+"), le podcast se targue d'être "le média de la fidélité et de l'engagement", dixit Gabrielle Boeri-Charles, cofondatrice de Binge Audio. Les contenus produits par l'entreprise (NoCiné, MDR, Les Couilles sur la table...) sont ainsi écoutés en moyenne à 80% de leur durée totale selon les statistiques Apple, ce qui témoigne d'"une relation de valeur dans l'économie de l'attention". Plus captive, la cible des podcasts est aussi "plus jeune, plus active, plus CSP+ que les auditeurs classique de la radio", remarque Olivier Lendresse. Mais aussi plus niche: le ton y est beaucoup plus libre que sur une antenne de grande écoute, ce qui fait par exemple du sexe un sujet récurrent du podcast Transfert créé par Slate et aujourd'hui produit par LouieMedia, du féminisme le sujet de fond du programme La Poudre de Nouvelles Écoutes, tandis que Binge Audio consacre une émission à l'histoire médiévale, Passion médiévistes.
Une aubaine en matière d'audience, notamment pour la radio traditionnelle, comme le détaille Serge Shick, directeur du marketing stratégique et du développement de Radio France: "Si dans un premier temps, la stratégie du groupe a été de proposer de la radio en réécoute dans une logique de service et par conséquent de fidélisation des auditeurs, la création en cours de podcasts natifs résulte d'une volonté de renouveler voire de rajeunir les audiences." À l'inverse, le service audio public n'exclut pas de s'autoriser à rediffuser à l'antenne les contenus natifs.
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