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"Pivoter vers l'industrie circulaire est un investissement et non un coût", Emmanuelle Ledoux (INEC)

Rencontre avec Emmanuelle Ledoux directrice générale de l'institut national de l'économie circulaire (Inec). Elle coécrit avec Grégory Richa "Pivoter vers une économie circulaire" aux éditions Dunod. L'ouvrage donne un éclairage pour transformer la production industrielle mondialisée vers un modèle circulaire.

Publié par Maëlle Chetal Gaillard le - mis à jour à
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'Pivoter vers l'industrie circulaire est un investissement et non un coût', Emmanuelle Ledoux (INEC)

Comment définissez-vous le concept de circularité ?

La circularité affiche l'ambition d'utiliser moins de ressources et de rester dans le cadre des limites planétaire. Aujourd'hui seule 8,6 % de l'économie est circulaire mais je persiste à croire que si 15 % des industriels adoptent une dynamique circulaire, la concurrence suivra et évoluera vers ce modèle. Cette transformation globale passe par l'allongement des cycles d'utilisation de la matière en instaurant la réparabilité des produits. Adopter une vision en amont et aval paraît dès lors essentiel.

Quelles sont les implications prévisibles pour le secteur de la supply chain ?

L'épuisement des ressources des matières premières dans notre modèle industriel a un impact déterminant pour les "supplychain". La consommation de masse observée depuis 70 ans pousse à extraire, produire et jeter toujours plus de ressources. Mais le dépassement des limites planétaire chamboule aujourd'hui nos industries et fragilise les chaînes d'approvisionnements. Pivoter du modèle économique linéaire vers un standard circulaire fondé sur les ressources durables et locales peut être bénéfique à l'environnement et à l'industrie. Allonger la durée de vie des produits et réutiliser les ressources pour éviter les déchets permet de diminuer la consommation de matière des industries, les émissions carbone et créé des emplois locaux et pérennes. Ce pivot peut alors être perçu comme un investissement sur le long terme et non comme un coût.

La pandémie puis la guerre en Ukraine provoquent des pénuries et nous poussent à réfléchir à d'autres sources d'approvisionnement. Tendre vers une industrie circulaire sécurise l'approvisionnement de l'industrie et permet de pérenniser le modèle économique.

Comment face à ces défis, le marketing évoluera-t-il, de votre point de vue?

Il est indéniable que les industries ont un rôle à jouer dans la consommation des individus. Le démarketing tend par exemple à décourager les consommateurs d'acheter un bien ou un service. Cette stratégie théorisée en 1971 par Kotler et Levy peut tout à fait répondre aux pénuries que nous vivons.

L'économie fonctionnelle permet d'améliorer l'écoconception du produit, sa durabilité et veille à la disponibilité des pièces de rechange"

En jouant sur l'effet prix, ou en amenant les consommateurs à consommer moins mais mieux, nous jouons sur ce démarketing. Cette stratégie s'appuie sur une démarche holistique avec un volet consacré à l'écoconception, un autre à l'EIT [écologie industrielle et territoriale] et en s'appuyany sur un modèle économique de fonctionnalité. Dès lors que nous passons du côté d'une économie fonctionnelle, les industriels travaillent à l'écoconception du produit, sa durabilité et veillent à la disponibilité des pièces de rechange.

Où en sommes-nous de ce modèle circulaire ?

Bien qu'un indice de réparabilité d'un produit soit créé, cette dynamique ne semble pas concerner l'ensemble des produits du quotidien. La réparabilité des produits a certes du sens sur le gros électroménager mais pas le petit électroménager. Réparer un grille-pain à 30 euros reviendra par exemple bien plus cher que d'en racheter un neuf. Les produits de seconde main se doivent d'être présentés 30 % en deçà du prix du neuf. Le modèle circulaire s'appuie véritablement sur la main-d'oeuvre, celle-ci engendre un coût parfois plus élevé que le coût de fabrication initial. Pourtant le prix des produits de seconde main constitue la principale source d'attractivité : le prix de l'occasion se doit d'être 30 % inférieur à celui du neuf.

Pour pivoter vers une industrie circulaire il est impératif de modifier les chaînes de valeurs : de la génération des ressources jusqu'aux usages individuels tout en pensant à la seconde vie des produits.

Nous nous trouvons aujourd'hui à un moment crucial où se met en place la responsabilité de tous. La question de l'acceptabilité est centrale : si nous souhaitons véritablement une réindustrialisation, il est primordial de rouvrir les usines, pour tendre vers l'économie circulaire il est vital d'élargir les filières de recyclage, au même titre qu'il est nécessaire de proposer davantage de formations aux réparateurs.


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