Marks & Spencer veut "être le retailer le plus data-driven du marché"
Marks & Spencer a déployé, depuis 2019, sa stratégie data. L'enseigne souhaite devenir le retailer le plus data-driven du marché, avec, notamment, une académie dédieé à la problématique. Interview de Jeremy Pee, Chief Digital & Data Officer de Marks & Spencer (M&S).
Je m'abonneEmarketing.fr : En quoi consiste la stratégie data de Marks & Spencer mise en oeuvre en 2019 ?
Jeremy Pee, Chief Digital & Data Officer de Marks & Spencer (M&S) : Nous souhaitons être le retailer le plus "data-driven" du marché, en donnant à chaque collaborateur les moyens de prendre des décisions plus rapides et plus éclairées pour nos clients. Notre stratégie se concentre sur 4 piliers stratégiques : centraliser nos données dans une plateforme cloud unifiée - que nous appelons BEAM -, améliorer la qualité des données pour accroître la compréhension et la confiance des collaborateurs de M&S dans les données, tirer le meilleur parti des données pour développer et attirer les talents, et, enfin, créer de la valeur business en déployant à l'échelle de la data science et de l'intelligence artificielle (IA).
Parallèlement au lancement de la stratégie data en 2019, nous avons investi dans une équipe de data science qui se concentre sur 2 domaines clés : la data science client et la data science de l'entreprise. La data science client est le domaine le plus mature, dans lequel l'équipe crée des algorithmes de décision et des modèles de data science qui alimentent "Sparks". Sparks englobe notre programme de fidélité, le marketing personnalisé et notre parcours client numérique à travers l'application, le web et l'in-store. Les données nous aident à comprendre les préférences des clients à partir de leurs historiques d'achats, de leurs comportements en ligne ou de leurs réponses antérieures aux communications et aux offres marketing.
Comment l'IA améliore l'expérience des client de M&S ?
Nous personnalisons les expériences en ligne de nos clients en utilisant un certain nombre de fonctions, telles que les moteurs de recommandation, les modèles de propension et notre moteur de décision. Ce dernier vise à identifier la prochaine meilleure action vis-à-vis de nos clients afin qu'ils restent fidèles à M&S. Cela garantit la priorité que nous donnons à la relation de long terme avec nos clients plutôt qu'aux expériences qui ne génèrent que de la valeur à court terme, et cela se traduit, en fin de compte, par plus de bénéfices pour nos clients et pour M&S.
Nous avons également commencé à élaborer des cas d'usage exploitant les comportements des clients en temps réel, afin de fournir de meilleures recommandations et expériences en ligne, par exemple en identifiant la démarche d'un client et en adaptant l'expérience en fonction de ce qu'il est venu chercher.
Pouvez-vous nous citer des exemples concrets ?
Il y a deux cas d'utilisation qui nous passionnent le plus. Le premier consiste en la sélection de l'audience basée sur un modèle qui prédit la probabilité d'ouvrir, de cliquer et de se désabonner de toute campagne marketing en ligne au niveau du client individuel. Nous l'utilisons pour sélectionner automatiquement l'audience de nos campagnes d'e-mailing en fonction d'un ensemble de paramètres. Cette approche génère une augmentation de 10 % de chacune des métriques par rapport à la base de référence, tout en étant 5 fois plus efficace.
Le second cas d'usage se nomme "xiCLV" ("expected incremental customer lifetime value"). Il s'agit de la prédiction de la valeur à un an des actions du client, par exemple le téléchargement de notre application, l'achat dans une nouvelle catégorie de produits. Nous l'utilisons maintenant dans la prise de décision en temps réel pour donner la priorité à différents éléments de contenu au niveau du client. Cela nous permet de donner la priorité à la valeur à long terme, même si un client est moins susceptible de s'engager à court terme.
Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez par rapport au déploiement de l'IA ? Est-ce plutôt le passage à l'échelle ou l'unification des données ? Avec qui travaillez-vous pour cela ?
Notre plateforme cloud est Azure et nous utilisons Databricks pour ingérer, transformer et unifier les données. La qualité des données est probablement notre défi numéro un, tandis que le "data lineage" (la "ligne des données", un processus qui fournit une cartographie du système d'information, NDLR) devient également très important. Les coûts de calcul deviennent de plus en plus problématiques à mesure que l'équipe s'agrandit et que le nombre de cas d'usage sur lesquels nous travaillons augmente. Nous nous concentrons sur la "parallélisation" des workflows importants, afin de pouvoir entraîner un grand nombre (environ 1 million) de modèles en quelques heures à un coût de calcul raisonnable.
Vous formez vos employés à la data science depuis 2020 : pourquoi est-ce important ?
Outre les défis techniques liés au passage à l'échelle, nous sommes également confrontés à un défi de taille du marché, à savoir attirer et retenir les talents. Pour aider à résoudre ce problème, et dans le cadre de notre stratégie visant à développer et à entretenir les compétences et les talents en matière de données dans toute l'entreprise, nous avons lancé en 2020 une data académie, nommée "BEAM". Cette académie a récemment remporté le prix "becoming literate" lors de DataIQ 2022. Nous avons lancé un programme de formation en data science et en IA de niveau 7, le premier du secteur, avec deux cohortes en cours de formation et une troisième qui sera mise en service ce trimestre.
Ce programme accompagne 20 collègues de l'entreprise et entretient un futur pipeline de talents internes. Il s'agit du troisième programme de formation sur les données lancé chez M&S, parallèlement à nos programmes data de niveau 3 et de niveau 4, qui aident plus de 300 collègues à se perfectionner dans ce domaine. Nous organisons des réunions mensuelles et des hackathons semestriels de 24 heures, auxquels tous les collègues peuvent assister et participer. Notre équipe de data science fait régulièrement des présentations, participe à des panels et dirige des équipes de hackers. Nous avons également lancé notre programme pour les diplômés en data science, et cinq d'entre eux ont rejoint notre équipe en septembre.