DossierBig data, big opportunité mais big chantier
2 - Un enjeu pour la création de valeur
Un secteur créateur de valeur pour l'entreprise. Mais à quel prix ?
Ces événements de la vie, comme une grossesse, un divorce ou un déménagement, changent les comportements d'achat des individus. On comprend, dès lors, l'intérêt pour une enseigne de grande distribution, ou autre, d'avoir une connaissance précise de ses clients. Elle est donc incitée à analyser massivement les données démographiques et historiques d'achat de millions de consommateurs.
La statistique fait donc des miracles ? Oui ! Mais peut être trop. Car Andrew Pole n'a pas seulement identifié une liste de 25 produits que les femmes enceintes sont plus susceptibles d'acheter. Il prétend deviner - à quelques jours près - à quel stade de sa grossesse la cliente se trouve quand elle passe en caisse. Les découvertes de ce statisticien vaudraient de l'or, le chiffre d'affaires de Target étant passé de 44 milliards de dollars en 2002, quand Andrew Pole a été embauché, à 67 milliards en 2012.
Revers de la médaille : la chaîne de magasins Target a été victime, fin 2013, d'un "braquage big data". Pas moins de 110 millions d'informations incluant noms, adresses postales, numéros de téléphone, adresses e-mail et coordonnées bancaires ont été subtilisés. Soit les données d'un tiers de la population américaine !
Cette histoire est à la mesure de l'enjeu. Nos entreprises doivent-elles y passer ou s'en passer ?
Face à la crise actuelle de la surconsommation de nos sociétés occidentales, l'approche consommateur se doit d'être ciblée, géolocalisée, personnalisée, reciblée. Pour paraphraser Michel Serres, nous sommes passés d'une société composées de générations qualifiées "d'X, Y ou de Z" à des populations seulement "connectées".
Conséquence : la relation humaine - et plus encore la relation commerciale - n'a plus désormais qu'une seule réalité, laquelle se traduit en collecte massive d'informations. De la récolte à l'analyse, en passant par l'exploitation, la data porte, en dépit de ses excès, de nouveaux espoirs. En espèces sonnantes et trébuchantes.
Ce "big" n'est-il cependant pas un peu flou, voire mal défini ? Créer de la valeur à partir de données est mieux que partir de rien. Mais, en l'espèce, c'est comme rechercher une aiguille dans une meule de foin. Et, en parlant d'en faire "tout un foin", nos analystes n'en feraient-ils pas trop ?
Dans une étude récente (*), IDC démontre, schéma à l'appui, qu'à brève et moyenne échéances, le big data induira au sein des entreprises françaises de plus de 500 salariés des transformations numériques importantes. Modifications qui vont non seulement toucher les métiers du marketing mais qui vont également les amener à rechercher de nouveaux talents.
Seulement voilà : que vont produire, en termes de valeur, ces brillants esprits ? Comme le rappelle Michel Bruley, en charge du marketing chez Teradata Aster, " selon Gartner, 85 % des 500 premières entreprises qui s'apprêtent à investir dans le big data d'ici à 2015 n'y trouveraient aucun avantage ". Ce ne serait donc pas l'eldorado tant attendu.
Pourtant, dans un rapport publié quatre ans plus tôt, le cabinet McKinsey prédisait (**) " une augmentation de 60 % de la marge d'exploitation des retailers qui utiliseraient pleinement ces énormes volumes de données ". Marc Salomone, directeur associé de Brand Advocate, est plus pessimiste sur la réalité de la big data, car selon lui " seul 1 % des entreprises a mis en place une stratégie de ce type ".
Bref, cette querelle de chiffres, puisque IDC table sur un chiffre d'affaires généré par le big data de 23,8 milliards de dollars en 2016 au niveau mondial, contre 8,9 milliards cette année (selon le cabinet Transparency Market Research) montre qu'il y a là une forte appétence.
(*) "How Companies Learn your Secrets", par Charles Duhigg, publié le 16 février 2012.
(**) Observatoire de l'évolution des métiers liés à la transformation du numérique. IDC France, janvier 2014. Enquête téléphonique réalisée auprès d'un échantillon représentatif de 225 décideurs métiers issus d'entreprises de plus de 500 salariés basées en France, dont 75 départements marketing.