DossierBig data, big opportunité mais big chantier
5 - Le big data, un enjeu de société
Une nouvelle relation entre l'homme et ses données.
La mésaventure de notre jeune fille, relatée en début de dossier, met en lumière l'enjeu sociétal que pose le big data. D'autant plus que cette collecte ne s'effectue pas que sur les individus. Elle concerne également l'ensemble des données publiques.
L'action aujourd'hui dirigée en France par Henri Verdier au sein d'Etalab a pour vocation d'accélérer la mise à disposition d'une famille d'informations gratuites estimées à plus de 350 000, lesquelles sont organisées sous la forme de "jeux de données". Les données publiques sont variées et concernent aussi bien l'État que les collectivités locales. Les éléments de la vie de tous les jours y figurent également : points d'intérêt, liste des prénoms recensés au sein d'une commune, arbres remarquables...
Bref, nous décrivons notre société sous la forme de données. Nous sommes ici au coeur du big data public. Ces données ont pour vocation d'être croisées librement avec d'autres collectées à des fins privées. Ces dernières, nous l'avons vu, peuvent poser directement ou indirectement préjudices aux personnes concernées.
Nous n'allons pas ici entrer dans le champ juridique car les données, comme leur usage, bénéficient normalement de nombreuses protections et de tout un ensemble de dispositifs légaux (droits d'auteur, concurrence déloyale, contrefaçon des droits de la propriété intellectuelle, protection de la vie privée...) résumé parfaitement par l'avocat Gérard Haas dans un Livre Blanc récemment publié et intitulé "Marketing digital : loi, confiance et performances" (*).
Mais est-ce suffisant ? Bernard Ourghanlian, directeur technique et sécurité de Microsoft France, aimerait que l'on n'oublie pas " la responsabilité de celui qui manipule le big data ". Pour lui tous les acteurs doivent " adhérer au principe d'éthique et de responsabilité ". Toutefois, notre spécialiste de la sécurité constate qu'il existe un énorme vide juridique. " La logique du consentement initial a explosé. " Et d'inviter les politiques à trouver des sanctions, sans lesquelles tous les excès seront permis.
Car nous n'aurions encore rien vu ! " Vis-à-vis du public, la transparence est aussi le meilleur gage que ces données puissent être valorisées sans que cela provoque un rejet ", note Jérôme Besson. Toutefois, les initiatives concernant la transparence des données sont hélas bien faibles, comme celle proposée en Angleterre avec Midata et en France avec MesInfos (**). Mais c'est un sujet sur lequel un marketeur ne pourra à l'avenir plus faire l'impasse. Sauf à risquer d'anéantir la relation de confiance engagée avec ses clients. Vous voilà prévenus !
L'expert Arnaud Massonnie - Fifty-five
Réconcilier les données digitales avec les données off line
Arnaud Massonnie, cofondateur et directeur général de la société Fifty-five, est au coeur du développement produits de son entreprise. Entrepreneur dans l'âme, il a à son actif un brevet et trois start-up internet, dont un passage chez Google. Son ambition est de " décomplexifier une direction marketing sur l'activation data ". Ce qu'il propose à ses clients, c'est de " travailler son ordonnancement produits ", " de travailler son média ", " d'adapter le CRM au datamining ".
Pour lui, le " big data est une promesse de valeur d'usage ". Mais pour y arriver, il faut selon lui disposer aussi bien d'une expertise métier que d'une très bonne connaissance technologique. Et de résumer ce qu'il propose par une promesse simple : " Enrichir la connaissance utilisateur pour améliorer le parcours client. "
Selon Arnaud Massonnie, la réussite d'un projet big data implique " d'être modéré dans l'ambition de ses projets ". Et de mettre le doigt où ça coince chez ses clients, car souvent, " on est au début de la fin des silos du off line et du on line ". Pour accompagner la transformation digitale des entreprises, il faut définir des cycles d'accompagnement avec des projets. Et surtout, ne pas oublier qu'un projet doit " aboutir à un bon pilotage des données business ". Ce n'est qu'après qu'il est possible " d'aller un cran plus loin ". Il ne s'agit tout de même pas de partir d'une page blanche : " Le débat porte sur l'expertise et les outils associés pour enrichir ou compléter l'écosystème technologique de nos clients. " Et de rappeler que " le digital est un outil fantastique pour l'analyse des données marketing ".
(*) Réalisé par Jean-Paul Lieux, cofondateur de Dolist, et Gérard Haas, avocat à la Cour.
(**) L'initiative MesInfos, de la Fing (Fondation internet nouvelle génération), propose à un petit nombre d'entreprises et d'administrations pionnières d'expérimenter ce qui pourrait constituer la base d'une transformation profonde de la relation entre les organisations et leurs clients ou usagers : le partage et la réutilisation des données personnelles avec les individus qu'elles concernent.