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Covid-19 : les conseils des agences de com' pour faire face

Publié par Clément Fages le

Alors que la période de confinement est prolongée jusqu'au 15 avril, de plus en plus d'annonceurs vont être tentés de (re)prendre la parole. Quel ton faut-il adopter ? Comment rester authentique ? Voici quelques pistes.

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La meilleure des communications : l'action

Avant même de penser à reprendre la parole en média, les marques doivent se poser la question de leur capacité d'action face à la crise actuelle. Alors que leur rôle au sein de la société est questionné, et qu'en 2019, tous les annonceurs n'avaient d'yeux que pour la RSE et le purpose, l'épidémie de Covid-19 les place malheureusement au pied du mur. Pour Pierre Gomy, managing director de la division insights de Kantar, qui commentait ce vendredi 27 mars les résultats d'une étude mondiale menée notamment auprès de 500 consommateurs français, la première priorité et d'agir en faveur de la sécurité de ses salariés sur le lieu de travail, la seconde étant de favoriser le télétravail s'il est possible. Adapter son appareil productif ou faire des dons en faveur des hôpitaux, de la recherche ou du gouvernement est une deuxième piste, quand la troisième priorité des Français est le maintien de l'approvisionnement en produits ou en services.

Verser une prime aux salariés les plus exposés, comme l'ont fait de nombreuses enseignes de la grande distribution, produire des masques ou du gel hydroalcoolique, donner ses stocks alimentaires ou aider les acteurs de son écosystème sont une première piste à explorer. "La période est inédite ; c'est une période de crise sanitaire grave, bien sûr, mais comme toute crise elle peut, si elle est gérée correctement, devenir une opportunité pour les marques. Attention, je parle bien d'opportunité et non d'opportunisme ! Cela fait des mois que l'on entend parler de brand purpose ; Denis Gancel parle même de contributing. Or, aujourd'hui, c'est l'occasion pour les marques de montrer, de prouver qu'elles ont une vraie mission au service de leurs consommateurs, au service des citoyens ! Elles peuvent presque se positionner comme des services publics. Tout l'enjeu est de ne pas se précipiter. Il faut prendre un peu de hauteur et s'interroger: Qu'est-ce que ma marque peut faire pour aider les gens ? On va peut-être enfin arriver à l'ère que les publicitaires réclament tous depuis longtemps : communiquer moins mais mieux, pour dire quelque chose de vraiment utile, pour la marque comme pour ses clients, de vraiment attendu", nous explique de son côté Lilith Peper, directrice de la stratégie de l'agence Braaxe.

Pour aller plus loin :

Ces entreprises qui détournent leur savoir-faire pour faire face à la crise

"Agissez d'abord, communiquez ensuite!" Lilith Peper (Braaxe)

Covid-19 : les attentes des consommateurs vis-à-vis des marques

8 initiatives de distributeurs en France et aux USA récompensant l'engagement des collaborateurs

Avoir une communication qui vous ressemble

Les marques doivent-elles nous divertir ? Nous apporter un semblant de normalité au travers de leurs produits et de leurs publicités ? Pas vraiment selon le panel interrogé par Kantar. Comme l'explique Pierre Gomy, 24% des Français sondés attendent d'une marque qu'elle aide ses consommateurs en se montrant pragmatique, 23% qu'elle montre l'exemple et soit un acteur de changement, et 21% qu'elle lutte activement contre l'épidémie. Toutefois, 15% des sondés pensent que les marques doivent aussi chercher à réduire l'anxiété des consommateurs. Se pose alors la question : faut-il continuer à communiquer ou non ? Et sous quelle forme ? Alors que de nombreuses marques ont diminué ou reporté leurs campagnes classiques au profit des réseaux sociaux, Kantar estime qu'une absence de communication pendant six mois peut entraîner une réduction de la notoriété de marque liée à la publicité allant jusqu'à -39%, du nombre de mentions de la marque de -21% et de la notoriété globale de -5% !

De quoi se tirer une balle dans le pied avant la reprise, alors que certaines entreprises seront déjà fragilisées, comme l'explique Jean-Marc Segati, dg de l'agence Big Success : "Il est probable qu'avant l'été presque toutes les activités auront repris leur cours. Pas tout à fait normalement, mais elles auront repris. Dans ce cas, le reste de l'année sera crucial. Chaque mois comptera double. Il n'y a donc aucune raison d'annuler les investissements prévus après mai-juin. Au contraire, le bon sens incite à les renforcer", explique-t-il, rappelant que deux phases successives vont s'enchaîner : la sidération, puis l'acceptation. "Tant que la sidération n'est pas passée, il faut se méfier de tout ce qui pourrait être assimilé à de la récupération. Inutile de préciser qu'une telle perception est très négative pour l'image de marque. Concrètement, la communication en phase de sidération doit correspondre à de l'information, éventuellement assortie d'un peu de divertissement désintéressé." Informer, c'est notamment dire si l'entreprise exerce ou non une activité, afin d'éviter que les clients potentiels se rendent chez la concurrence. "Ce n'est pas être opportuniste, à ce niveau, c'est de la survie." Par ailleurs, les annonceurs peuvent bénéficier d'une situation inédite : face à la désertion des annonceurs, les médias ont plus que jamais besoin de revenus, alors que leurs audiences sont très élevées.

Reste à savoir comment communiquer une fois que l'on veut dépasser le stade de l'information. Pour Nicolas Dumenil, directeur de la création chez We Are Social : "avant d'agir, il faut prendre le temps d'observer les gens et leurs réactions. Elles en disent beaucoup, des concerts d'applaudissement sur les bords des fenêtres aux réunions virtuelles entre amis... On sent qu'il y a un besoin de s'ouvrir aux autres, et ces signaux doivent être pris en compte par les marques au moment de penser à une prise de parole. Il faut trouver de nouvelles manières de créer du lien social. Les gens débordent d'imagination au moment de créer des contenus sur les réseaux sociaux, ou de relayer certains comportements de gens confinés ou de gens qui font leurs courses... C'est une crise sanitaire, mais pas une crise créative."

Pour aller plus loin :

TV, radio, presse et social media : l'impact publicitaire du confinement détaillé

Seulement 8% des consommateurs veulent que les marques stoppent leurs publicités

Jean-Marc Segati (Big Success) : "Soyez pragmatiques et continuez à communiquer !"

"Réinventer les codes du lien social": Sandrine Plasseraud (We Are Social)


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Préparer l'après, et réfléchir à la place de sa marque dans la société

C'est un message qui revient constamment dans les différents témoignages des professionnels que nous avons sondés : il faut dès à présent sonder l'après. Cela tombe bien, car beaucoup n'ont que ça à faire actuellement ! "Pour la première fois depuis longtemps, les marques ont un peu de temps devant elles pour penser, façonner, dessiner la place qu'elles occuperont au sein de la société, au-delà de leur simple fonction commerciale. Prenons ce temps off comme une opportunité." Pour cela, il appelle à "prendre le temps d'agir, rester humble et cohérent avec sa ligne de conduite", afin de préparer l'après", alors que les marques s'inscrivent désormais dans un contexte d'appel à la déconsommation, sous fond de crises écologiques et sociales qui, après les gilets jaunes, sont mises en relief par cette période de confinement, explique ainsi Wilfried Klucsar, co-fondateur de l'agence Dix Sept Paris.

Il est rejoint sur ce point par Gautier de Richoufftz, président de l'Agence Hands : "au-delà du court-terme, nous devons tous prendre la mesure du changement sociétal qui s'opère et de la place de l'homme dans son environnement, de la place de l'homme dans le monde. C'est plus que jamais notre rôle d'agence d'accompagner les marques et les entreprises dans cette mutation." Il conseille aux marques de "trouver le juste équilibre entre témoigner l'empathie qui sied à un moment de bouleversement émotionnel pour les audiences, et les distraire en continuant à produire du rêve ou du jeu. De façon plus générale, les marques doivent maintenir coûte que coûte leur activité et leur production et quand elles en ont les moyens acheminer leurs produits." Reste que cette crise va marquer durablement la façon de faire du business. Au-delà de la plus que probable récession économique, qui va impacter la production et la consommation de biens et services, les marketeurs vont se confronter à de nombreuses et nouvelles problématiques : comment communiquer dans cette année olympique qui n'en est plus une ? La consommation va-t-elle vraiment être dopée lors de la fin du confinement par un effet de rattrapage ? Ou va-t-elle être marquée par la décroissance, les gens adoptant de nouveaux comportements plus responsables, ayant fait des stocks ou vus leurs revenus diminuer... Enfin, va-t-on observer comme en Chine l'adoption de nouveaux comportements omnicanaux, avec une consommation accrue de produits frais via Internet ? La fin du confinement sera-t-elle également plombée par les faillites à répétition de petits commerces, bars et restaurants, comme le soulignait Kantar lors de la présentation des résultats de son étude ?

En attendant de trouver les réponses à ces questions, on retiendra la tribune de Pierre Calmard, dg du pôle média de Dentsu France, qui en appelle à une renaissance : "pour les agences, dont les résultats économiques sont mis à mal depuis plusieurs années, la crise actuelle peut constituer une opportunité, voire une chance. Nous démontrons déjà collectivement une capacité de réaction rassurante. Nous avons adapté en un temps record nos organisations à un télétravail généralisé [...] Nous conseillons nos clients sur les stratégies à adopter dans ce contexte inattendu, reportant des campagnes, adaptant les leviers et les messages, reformatant les approches. Nous gérons, mais nous gardons le regard braqué sur l'avenir. Car ce qui compte, c'est l'après. Quelle que soit l'ampleur de la crise, nous en sortirons un jour. Les marques ont leur rôle à jouer - et elles ont déjà pour la plupart déjà agi pour le bien commun, avec célérité et pertinence [...] À l'heure de la reprise, seront gagnantes les marques qui n'auront pas oublié de communiquer, tout en ayant réussi à adapter leurs messages. Le silence n'est pas toujours d'or, il peut être coupable. Être présent dans les moments difficiles, dans le quotidien des Français, fut-il meurtri, marque une occasion de démontrer ce que les consommateurs recherchent désormais avant tout: le respect. Il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour." Lui aussi en appelle à soigner les médias. "Le jour d'après, la pire situation serait de se retrouver collectivement prisonniers d'un petit nombre de plateformes ou de médias globalisés, dans un oligopole de pensée qui risque de déteindre très vite sur un cartel de solutions dictant formats, tarifs et conditions d'accès aux consommateurs."

Pour aller plus loin :

"Rester humble et cohérent avec sa ligne de conduite": Wilfried Klucsar (Dix Sept Paris)

"Tirer profit du temps qui nous est donné pour préparer demain": Gautier de Richoufftz (Hands)

Pierre Calmard: "La renaissance doit tous nous guider collectivement"

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