Le pouvoir économique des marques, en quête de sens ?
La 2e édition de la conférence le Pouvoir économique des marques, organisée par l'AACC le 2 juillet 2019, a montré un secteur de la publicité et des marques en quête de sens, mais aussi d'un nouveau modèle économique et d'innovation face au digital et aux nouvelles attentes des consommateurs.
Je m'abonneDu sens, du sens, du sens... Alors que depuis des années la notion est répétée et recherchée par tous les intervenants de conférences liées à la communication, à la publicité ou au marketing, il semblerait qu'elle commence à s'imposer de façon plus concrète, tant dans ces événements que dans les actions mises en place par les marques.
La deuxième édition de la conférence le pouvoir économique des marques, organisée par l'AACC, en a offert le 2 juillet l'illustration. D'abord dans le discours d'ouverture de Bruno Le Maire. Le ministre de l'économie a dressé en quelques minutes la liste des enjeux pour les acteurs de la filière communication : donner du sens à la publicité, soit offrir plus de transparence aux consommateurs sur les produits achetés, mais aussi donner de la valeur et défendre les filières, tant celle de la communication que celle des industries créatives, face aux appétits des géants du digital, justifiant au passage la taxe GAFA mis en place par la France (qui ne sera levée selon lui que quand l'OCDE aura mis en place une taxation similaire) et le RGPD européen... Bien que ce dernier les renforce peut-être plus qu'il ne défend ces industries. En ce sens, les représentants des filières, à commencer par Mercedes Erra (vice-présidente de la Filière Communication) et Laurent Habib (président de l'AACC), doivent remettre au ministre des propositions en septembre, en vue de rendre la publicité plus transparente et de combattre la prépondérance des GAFA.
Ce dernier a également mis en avant le rôle des marques :
- D'abord en matière de publicité : "J'aime les marques pour leur puissance créative et culturelle. Mais elles doivent aussi, tout comme la publicité, donner du sens à leur produit et à l'acte de consommation. Je préfère ces publicités, qui partent d'une réflexion autour de la marque, à celles qui forcent l'acte d'achat et détruisent la créativité à grand renfort d'algorithmes et de données personnelles", a développé Bruno Le Maire, après s'être dit plus tôt "exaspéré par les publicités agressives", et parfois mal renseignées, en "radio, télévision ou sur les smartphones. Nous sommes assaillis par des publicités dont le niveau est souvent... je préfère taire l'expression."
- Mais aussi dans l'évolution de la société : "La loi PACTE et la notion de "raison d'être" représentent un changement fondamental de ce que sont les entreprises dans notre société. Saisissez-en vous !" a-t-il rappelé, alors que selon lui "la consommation de masse est terminée. Elle ne se suffit plus à elle-même, elle est même devenue un acte critiquable. Pour s'épargner la décroissance qui ne mène nulle part, il faut redonner du sens à la consommation."
Des éléments qui ont donné le ton à une matinée dont le thème central, celui de l'innovation, a mis du temps à apparaître :
Mercedes Erra a rappelé la fragilité des agences face aux cabinets de conseil et aux comportements de certains annonceurs lors des compétitions d'agences. "Un métier va disparaître" a lancé la fondatrice de BETC et présidente d'Havas Worldwide, en conclusion d'une longue allocution dénonçant le sort réservé aux jeunes des agences, "capables de répondre en deux semaines à un brief pour une campagne mondiale... s'intégrant à une plateforme de marque que des consultants ont eue un an pour formaliser sur powerpoint", tandis que certaines marques n'hésitent pas à reprendre les idées d'une agence pour les confier à une autre, lors d'appels d'offres où les participants ne sont pas rémunérés, "au détriment des règles de l'AACC ou de l'Union des Marques." S'étonnant de la baisse de 30% du nombre de campagnes présentées cette année aux Cannes Lions, elle s'est insurgée contre les entreprises de consulting, mieux rémunérées que les agences créatives, qui doivent alors faire face en ciseau à la baisse des rémunérations et la hausse de leurs coûts pour rester compétitives. Elles "n'en sont pour autant pas moins brillantes. Le média est clef, mais si l'idée créative n'est pas bonne, ça ne fonctionne pas. Or seules les idées puissantes peuvent aider les marques à exister dans un monde complexe."
Le sujet des marques n'est pas porté au bon niveau dans les comex des entreprises observent @laurenthabib1 (@agencebabel & @Aacclive) et @franckgervais (@AccorHotels_FR & @Uniondesmarques). Idem pour celui de l'#innovation #PouvoirDesMarques pic.twitter.com/V4q1BfzRVf
- Emarketing.fr (@Emarketing_fr) 2 juillet 2019
Une intervention qui a fait réagir Laurent Habib et Franck Gervais, présidents respectifs des deux organisations, qui ont d'abord mis en avant l'importance de la créativité comme levier de création de richesses, avant d'aborder le rôle des marques, pour enfin évoquer la façon dont ces dernières peuvent et doivent innover. "Mercedes a mis des mots sur ce que nous ressentons tous", a ainsi commenté Laurent Habib, quand Franck Gervais a répondu que "la valeur de la marque, comme objet de créativité et de communication, est sous-estimée et n'est pas assez portée au sein des comités exécutifs. C'est ce qui a en partie motivé notre évolution, d'Union des Annonceurs en Union des Marques. Il ne faut pas prendre les agences par le petit bout de la lorgnette, lorsqu'il s'agit de mettre en place les campagnes. Il faut les intégrer en amont, dès la réflexion autour de la création de la marque. C'est pour cela que nous ne serons plus face à face (en référence au format de l'intervention des deux présidents lors de la conférence, ndlr), mais côte à côte avec l'AACC", a expliqué celui qui est aussi le CEO du groupe Accor, avant de parler d'innovation, "qui doit être à la fois technologique et sociétale. Les réussites françaises récentes le prouvent : Blablacar ou Doctissimo répondent via la technologie à des besoins de société." De son côté, Laurent Habib a mis en avant le fait que "l'innovation commence dès lors que l'entreprise intègre le consommateur à sa réflexion et part de son ADN. Il faut créer les conditions de son éclosion organisationnelle", a lancé celui qui mettait en garde l'assistance, quelques minutes plus tôt, sur les dangers d'externaliser l'innovation.
.@fabiennedulac a témoigné de la force de la marque @orange, valorisée 21 milliards de dollars et dans le top5 des marques françaises dans le monde. Une force qui repose, face aux #Gafa sur 3 piliers : proximité, confiance et sens du service. #pouvoirdesmarques #branding pic.twitter.com/RriEiRgd3p
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De là les intervenants se sont succédé pour illustrer ces propos. Fabienne Dulac, directrice générale adjointe d'Orange et CEO d'Orange France, s'est félicitée que la marque Orange, avec 21 milliards de dollars (+6% vs 2018) soit dans le Top5 des marques françaises les mieux valorisées dans le monde selon le dernier classement BrandZ. Une marque qui est un vecteur de cohérence et de légitimité et qui lui permet de se développer sur "de nouveaux marchés géographiques, mais aussi de nouveaux secteurs, comme en témoigne le lancement d'Orange Bank."
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Pour @Juliabijaoui (@frichtifrichti), une marque alimentaire doit toujours garantir la transparence, l'authenticité et la qualité. "Ne jamais trahir ces principes pour quelques points de marge. Nous avons les mêmes produits qu'il y a 4 ans" #branding #Marketing @AACClive pic.twitter.com/l86Qs7n45K
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.@ClementeSerge (@GroupIndigo_) livre les clés d'un nom de marque selon @laurenthabib : représenter quelque chose dans l'inconscient, refléter le métier en étant assez flexible pour ne pas être qu'une marque patrimoniale. D'où INdiGO, couleur qui parle de mobilité en anglais...
- Emarketing.fr (@Emarketing_fr) 2 juillet 2019
On retiendra également l'intervention de Pascal Demurger, directeur général de la MAIF et auteur du livre "L'entreprise du XXIème siècle sera politique ou ne sera plus". Tout en donnant corps à la signature de marque "assureur militant", il a expliqué pourquoi son entreprise était en lice pour devenir l'une des premières marques à mission dès le vote des textes d'application de la Loi PACTE. La MAIF n'incentive pas ses conseillers lors de la signature des contrats ; 85% des fonds qu'elle gère sont socialement responsables ("Quand Bayer rachète Monsanto, nous vendons toutes nos actions Bayer car nous ne voulons pas financer le glyphosate") et elle met en place des fonds de soutien aux agriculteurs en transition vers le bio ; en tant qu'assureur, elle met à profit ses liens avec la filière des démolisseurs de véhicules pour assurer une meilleure réutilisation des pièces détachées ; etc. "Devenir une marque à mission, c'est prendre un engagement public qui va également créer un mouvement en interne. Changer de statut, c'est brûler nos vaisseaux, il n'y a pas de retour en arrière."
Pour aller plus loin :
Laurent Habib : "Le marketing et la pub, ce n'est pas que de la data !"
6 tendances créatives repérées aux Cannes Lions 2019
BrandZ 2019 : les 50 marques françaises les plus valorisées au monde