En route vers une nouvelle révolution?
Après la révolution néolithique et la révolution industrielle, la deuxième décennie de notre siècle pourrait bien s'ouvrir avec l'émergence d'un esprit rebelle inédit, plus discret et plus responsable. Mais pas moins efficace. Pour peu que les hommes dépassent leur priorité au plaisir.
Manifestations, grèves, occupations d'usines, émeutes, votes sanctions, pétitions en ligne... les mouvements contestataires foisonnent. A tel point que l'on pourrait légitimement se demander si la révolution n'est pas loin! Il faut dire que la crise est passée par là, exacerbant les tensions. Pour preuve, l'opération de street marketing orchestrée par Mailorama à Paris, qui a tourné au fiasco en novembre dernier. Annulée au dernier moment, la distribution d'argent attendue par près de 7 000 personnes sous la Tour Eiffel s'est vite transformée en émeute... Bien avant cela, et à une échelle supérieure, on se souviendra longtemps des émeutes de l'automne 2005 dans les banlieues, des émeutes de la faim de 2008 qui ont eu lieu dans 37 pays, de la grève générale en Guadeloupe en janvier 2009 qui aura duré 44 jours. Un record.
Alain Bertho, professeur d'anthropologie à l'Institut d'études européennes et directeur de l'école doctorale de Sciences sociales de l'Université Paris 8-SaintDenis, tire ainsi le signal d'alarme dans son ouvrage Le temps des émeutes (Editions Bayard) : «Il est urgent, écrit-il, de comprendre que la crise mondiale est aussi, peut-être surtout, politique et que les temps actuels sont le temps des émeutes.» Avant d'ajouter : «Effet d'optique ? Question de focale et de profondeur de champ ? Pas seulement. Tout se passe comme si l'affrontement civil s'installait durablement dans le paysage.» Et de surcroît à une échelle dorénavant mondiale.
La révolte se propage en effet sur tout le globe, et pour des raisons de plus en plus diverses : émeutes contre la vie chère, émeutes d'après match, émeutes après la mort d'un jeune, mobilisation contre la fermeture d'une usine, mobilisations anti-gouvernementales... «Avant d'être économique, la crise est une crise de l'Etat et de la politique», analyse Alain Bertho, pour qui la mondialisation a mis les Etats dans une difficulté considérable. Pas facile en effet de gérer des populations et des territoires nationaux, quand, dans le même temps, ils sont soumis à des contraintes géopolitiques et financières à l'échelle mondiale. « Cela leur retire au fond une bonne partie de ce qui fait leur légitimité», précise-t-il. Pour lui, l'idée selon laquelle la politique est un espace de représentation des intérêts collectifs de la société serait, en somme, en train de s'effondrer. Finalement, conclut-il, nous nous trouvons « dans une situation relativement nouvelle de face-à-face direct des individus et de l'Etat».
Et, comme ce phénomène est plutôt inédit, «les mots nous manquent, constate-t-il. On est obligé de procéder par approximation, d 'utiliser des mots anciens (la révolte, la contestation) pour désigner quelque chose qui, en plus, échappe aux mots». Parce qu'il manque des espaces pour s'exprimer oralement, la révolte se manifeste alors par des passages à l'acte de plus en plus fréquents et violents. Or ce sentiment d'incompréhension et d'indifférence des politiques à leur égard, entraînant frustrations et violence, les citoyens le ressentent également dans leur vie quotidienne. Qui ne s'est pas notamment, au moins une fois, senti ignoré par un service client ? «On a affaire obligatoirement à des personnes que l'on a contraintes à répondre de façon stéréotypée et à ne pas prendre en compte votre problème singulier, observe Alain Bertho. Si chacun fait son introspection, on a tous eu, à un moment donné, envie de passer à l'acte ! »
Dans Le temps des émeutes, alain Bertho analyse l'ampleur du phénomène des émeutes, de plus en plus fréquentes depuis 40 ans.
Dans le cadre de la campagne Tcktcktck, l'opération «global Wake Up Call» a réussi à créer 2 600 événements dans plus de 120 pays le 21 septembre 2009.
Une contestation souvent silencieuse
Faut-il donc voir dans ces multiplications d'événements collectifs plus ou moins violents, l'émergence d'une société de la contestation, voire l'aube d'une nouvelle révolution ? La société se trouve de fait en pleine crise. Abreuvés de mauvaises nouvelles, les hommes se retrouvent sous une véritable chape de plomb. « Indépendamment de la grippe A/H1N1, de la crise économique et de la montée du chômage, le vieillissement de la population et les problèmes écologiques étouffent la société », observe Vincent Mayet, directeur général adjoint d'Euro RSCG 360. S'il ne voit pas de révolution dans le court terme, il craint cependant qu'il puisse y avoir, à plus long terme, « une forme de ras-le-bol généralisé » et « un contexte insurrectionnel ». Il faudrait en fait assez peu de chose pour que quelqu'un allume la mèche ! D'ailleurs, pour Christian Gatard, sociologue fondateur de la société d'études Gatard & Associés et auteur du livre Nos vingt prochaines années (L'Archipel), «on rentre dans une époque où la contestation est de rigueur et où elle est presque un mode de relation au monde». Si autrefois les grandes institutions prenaient en charge les revendications, ces dernières sont aujourd'hui fragilisées et ne répondent plus aux attentes.
Résultat, la contestation se fait de plus en plus au niveau des citoyens, de manière individuelle ou collective. Le philosophe et psychanalyste Miguel Benasayag, par ailleurs auteur de L'Abécédaire de l'engagement (Editions Bayard), observe, pour sa part, un phénomène pour le moins intéressant : «Le fait qu'il y ait une énorme majorité d'individus qui s'opposent au système». Il estime même qu'il est presque difficile de trouver des personnes d'accord avec le cours des choses. Reste que, pour beaucoup, ces mouvements d'opposition et de contestation se font dans la discrétion, et donc n'apparaissent pas au grand jour. «On a du mal à les voir, constate-t-il. Ils ne sont pas représentés dans les forums, ni ailleurs. » Alain Bertho abonde également dans ce sens lorsqu'il écrit dans son ouvrage que «nous sommes plongés dans ce paradoxe : la prégnance mondiale de l'émeute dans notre présent nous est simultanément invisible». Absence de médiatisation de certains événements, défaut de prise en charge des revendications, dialogue de sourds, à qui la faute ? «Les traces de l'émeute nous échappent. Car l'émeute oscille entre l'inaudible et l'indéchiffrable, entre le silence et le bruit», écrit Alain Bertho.
La marque Fuck La Crise affiche ses slogans provocateurs sur ses teeshirts, pour exprimer son ras-le-bol du pessimisme ambiant.
@ Euro RSCG 360
@ Euro RSCG 360
En outre, contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce n'est pas parce que les individus se taisent qu'ils sont forcément d'accord et soumis. Christian Gatard réfute ainsi le fait que nous soyons dans une société de la soumission où tout le monde serait «béni-oui-oui». Il parle plutôt de «fausse soumission », et Alain Bertho stipule pour sa part qu'il n'y a pas de passivité, mais qu'il peut y avoir du désespoir. Et puis, comme se demande Dominique Thys, administrateur délégué à la direction générale de la MAIF, comment prendre le temps de s'engager lorsque l'on a déjà du mal à vivre ? Les apparences sont trompeuses. Les êtres soumis sont souvent des révoltés. Simplement, ils n'ont pas les moyens de s'engager. Et ils ont un sentiment d'impuissance. Reste un danger à éviter : le repli sur soi et l'individualisme. Alain Bertho observe de fait trois attitudes : « C'est la jungle, je prends mon fusil et tant pis pour le voisin», « C'est la jungle, c'est insupportable et je brûle des voitures » ; « C'est la jungle, mettons-nous autour d'une table pour éviter que ce soit la jungle». La troisième voie étant de loin la plus difficile, elle est actuellement minoritaire. D'autant que «ceux qui ont en main les manettes du monde, que ce soient les pouvoirs économiques ou les pouvoirs politiques, jouent la combinaison de l'individualisme et de la répression, attisant en conséquence soit la débrouille, soit, contraints et forcés, la colère et la révolte», souligne-t-il.
Désengagement total
Evidemment, nous aurions pu croire que la crise financière mondiale fasse office de détonateur et déclenche des mouvements de contestation organisés. Or, cela n'a pas été le cas. «Il n'y a pas de révolte sociale au sens du XIXe et du XXe siècle, note François Bellanger fondateur de Transit-City (programme de réflexions prospectives sur la ville et les modes de vie) . Si l'on pouvait s'attendre légitimement à ce qu'il y ait des attaques de banques, ce ne fut pas le cas. » Au contraire, selon lui, la crise n'a fait qu'amplifier le repli sur soi, le souci de se faire plaisir, et d'oublier, grâce à divers exutoires, les petits et gros bobos du moment. Le phénomène de «binge drinking» qui sévit chez les jeunes aujourd'hui reflète bien cet état d'esprit. Il en va de même de nos habitudes de consommation. Si les années 2000 ont commencé avec la publication du livre No Logo de Naomi Klein, critiquant l'hégémonie des marques, elles s'achèvent avec un regain de popularité des marques «garantes de qualité», qui retrouvent des couleurs, observe Rémy Oudghiri, directeur du département Tendances et Prospective d'Ipsos Marketing. D'ailleurs, les mouvements anti-pub semblent se calmer. Alors, certes « les individus sont mécontents, et certains très fragilisés, mais leur hyper individualisme et l'atomisation de la société les empêchent de s'associer de façon massive», ajoute ce dernier. Avant de relever d'autres raisons de fond à ce phénomène. A commencer par le fait que la rébellion, du moins dans les pays développés, est devenue difficile à cause tout d'abord du niveau de confort matériel atteint par le plus grand nombre qui n'incite pas à monter sur les barricades. L'absence d'idéologie convaincante et unificatrice constitue une autre explication, tout comme l'inquiétude par rapport à l'avenir, l'individualisation de la société et en particulier celle du monde du travail, et enfin l'attachement au principe de plaisir plutôt qu'à celui de la responsabilité.
De fait, comme le note Rémy Oudghiri, «les gens ont peu d'occasions de se rencontrer pour parler et se mobiliser. C'est là une grande différence avec la société des années 60/70 où le mouvement ouvrier se mobilisait fortement ». Le très faible taux de syndicalisation en France (7,8 %, contre plus de 70 % en Suède par exemple - Source OCDE 2007) en est une bonne preuve. Tout comme les forts taux d'abstention aux élections, nationales comme régionales. François Bélanger parle même de «désengagement total». Pour lui, seuls ceux qui ne sont pas insérés dans le tissu social se révoltent. Les autres ont peur pour leur travail et préfèrent se taire. Du reste, souligne Rémy Oudghiri, «si le futur s'est «éclipsé» comme le disent certains, difficile d'amorcer une motivation d'engagement». Car, ce sont bien la foi dans l'avenir et la force d'une espérance qui poussent les individus à agir. Si la crise provoque beaucoup de réactions, «l'agir est une autre chose», observe Miguel Benasayag.
Leclerc surfe sur la tendance à la contestation dans ses campagnes de communication, comme sur le site web du Mouvement e. Leclerc. La M a iF, quant à elle, est bien connue pour ses campagnes reflétant son esprit militant.
Dominique thys (Mai F) :
«C 'est un lieu commun de dire qu'aujourd'hui règne l'individualisme. il n 'y a jamais eu autant de générosité. »
Christian gatard (gatard & associés)
« La contestation est une forme d'énergie dont la société a besoin. »
Des mobilisations à court terme
Il est ainsi très facile aujourd'hui de se sentir investi dans une cause, engagé dans un mouvement. . . sans même se lever de sa chaise. Les pétitions en ligne n'ont ainsi «rien à voir avec l'engagement», stipule Miguel Benasayag. Cela donne bonne conscience. Loin d'être acteur, l'internaute n'est qu'un simple spectateur du monde. « Ce n 'est pas parce qu'on va protester sur Internet qu'on intervient sur le monde», remarque Christian Gatard. Cependant, il estime que le virtuel et les nouvelles technologies ne vont pas empêcher le besoin d'être dans la rue, de manifester ouvertement, d'être confronté au monde. Et certaines pétitions en ligne commencent à avoir de l'influence, si elles sont notamment générées par un organisme clairement identifié et connu. «Sur beaucoup de sujets, elles constituent la vox populi, un discours critique qui permet de contrebalancer les «voix autorisées», avance Rémy Oudghiri. C'est une façon pour les individus de donner leur point de vue et de rétablir certaines vérités ». Mais il est évident que l'engagement n'est pas le fort des Français. Ainsi, une enquête sur le bien être réalisée par Ipsos montre que le fait de s'engager arrive quasiment en dernier dans les actions qui contribuent le plus au bien-être individuel (sur une quarantaine d'items mesurés). Lorsque l'on sait que les individus sont avant tout guidés par leurs aspirations au bien-être, ce constat est lourd de sens.... «Notre époque n'aime pas les engagements qui engagent"», relève Rémy Oudghiri. Elle est prête à se mobiliser, mais à condition que cela ne lui coûte pas trop. A l'instar des flashmobs - symboles même de l'engagement éphémère - qui pullulent. Et d'ajouter : «On est loin de l'esprit de sacrifice des générations antérieures. » C'est pourquoi l'étude Trend Observer d'Ipsos parle de «communauté éphémère», c'est-à-dire d'engagement temporaire, qui n'entraîne pas l'adhésion à une idéologie, ni l'entrée dans un parti...
De fait, si notre société se trouve en pleines crises - tant économique qu'écologique -, paradoxalement les mouvements altermondialistes perdent du terrain. «Environ 10 % des Français sont actifs d'une manière ou d'une autre, explique Rémy Oudghiri. Mais le «second cercle», celui des sympathisants qui soutiennent les idées altermondialistes, n 'a cessé de baisser depuis le milieu de la décennie 2000. » Evidemment, des voix contestataires se font tout de même entendre. Créée en 1999, la Journée sans achat existe encore. Michael Moore cultive toujours sa critique de la société et du capitalisme, à travers son dernier film Capitalism, a Love Story où il s'attaque à Wall Street. Il en va de même de Naomi Klein qui a publié en 2007 The Shock Doctrine : The Rise of Disaster Capitalism. Les Yes Men continuent également leurs actions mêlant humour farfelu et critiques acerbes. Il y a aussi des marques qui s'engagent et lancent des campagnes militantes, à l'instar de la MAIF, de Leclerc ou de Blend.
Mieux encore, certains événements donnent de l'espoir dans la capacité des hommes à agir ensemble pour une cause commune. Il en va ainsi de l'opération TckTckTck, une alliance mondiale d'organisations de la société civile, d'organisations syndicales, de groupes religieux et de citoyens ayant tous en commun d'appeler à la signature d'un accord sur le changement climatique à Copenhague. Convaincue que si les individus étaient suffisamment nombreux à se manifester, les dirigeants du monde entier les écouteraient, elle a ainsi réussi à créer 2 600 événements dans plus de 120 pays lors du Global Wake Up Call le 21 septembre dernier. Au final, plus de dix millions de citoyens du monde entier ont signé la pétition pour une action climatique. D'ailleurs, Christian Gatard précise que ce qui pousse les individus à réagir et à s'engager, c'est bien de se sentir exister et de faire partie de la grande machine humaine de l'histoire des espèces. Il parle même de « quasi-nécessité déontologique ».
La marque de mode Blend AVS a lancé la campagne mondiale «Blend the World», prônant l'adoption par les consommateurs de valeurs fortes et engagées et visant à montrer qu'un individu peut aider à construire un monde différent.
Les médias se font l'écho de la contestation. au cinéma, The Yes Men Fix the World part à l'assaut du néolibéralisme. Dans son dernier film, Michael Moore critique le capitalisme et Wall Street. au mois de novembre, Les Inrockuptibles affichent la contestation sous les traits de Marie nDiaye, Prix goncourt 2009.
« S'émanciper pour exister »
Face à un pessimisme souvent érigé comme étant la norme de vie, les individus pourraient en effet être tentés de baisser les bras. Or, indique Miguel Benasayag, «l'engagement n'a pas besoin de lumière à l'horizon. L'agir même déploie des possibilités ici et maintenant. » En outre, «la contestation est une forme d'énergie dont la société a besoin », précise Christian Gatard. Il pense ainsi que la grande machine humaine avance et se ressource dans ces fractures, ces émeutes, ces volontés de contester le pouvoir. Il s'agit à son avis d'un cycle naturel des choses. « C'est un peu comme s'il y avait des saisons sociétales, note-t-il, dans lesquelles il y a toujours un printemps de la nature humaine, du politique, de la refondation des choses, parce que l'individu a en permanence besoin de s'émanciper pour exister et trouver ses marques. » A son avis, Mai 68 et Juillet 89 étaient des «avatars» plus ou moins forts et spectaculaires de cette même nécessité de la nature humaine de contester pour s'émanciper et développer sa propre histoire. «Dans ce mouvement de balancier entre contestation et soumission, avance-t-il, il existe des moments de saturation qui font qu'il faut que ça pète. »
Or, vu le contexte actuel, les probabilités sont fortes pour que la balance penche du côté de la contestation. Ainsi, dans son Observatoire des 4500 de novembre 2008, Ipsos Marketing montre que 58 % des Français estiment que, si rien n'est fait en France aujourd'hui, le pays va se révolter. 23 % pensent même qu'un événement comme Mai 68 pourrait certainement se reproduire (51 % qu'il pourrait peut-être se reproduire). Pourtant, il est difficile d'imaginer l'aube d'une révolution au vu notamment du comportement des jeunes qui ne semblent, pour la plupart, pas enclins à remettre en cause la société actuelle. Comme l'observe Rémy Oudghiri, «Les jeunes restent en majorité attirés par le modèle de la consommation d'aujourd'hui. Leur préoccupation première, lorsqu'ils quittent le lycée, est de s'engager dans une voie stable et sécurisante. » Néanmoins, ce sont aussi des consommateurs très exigeants, critiques et méfiants, et, précise-t-il, «l'idée de révolte et de révolution fait écho dans l'imaginaire national.» Bref, il décrit la jeune génération comme «un contestataire en parole, un conformiste dans les faits».
Alors, si la contestation s'attache à rester dans l'ombre, peut-être faut-il plutôt s'attendre à l'émergence d'un esprit rebelle responsable. «Plutôt que contestation, le mot important dans les années qui viennent me paraît être celui de responsabilité, conclut Rémy Oudghiri. Etre responsable aujourd 'hui, c 'est faire preuve d'esprit rebelle». Il s'agit, dans ce cas, de prendre sur soi et de s'engager sur le chemin du long terme, bref d'inverser la stricte logique du plaisir qui gouverne notre société de consommation, et de contester l'ordre établi. Penser à la première personne du pluriel s'avère aussi indispensable. Car, ainsi que le souligne Alain Bertho, s'engager revient à se mettre à la construction du nous et donc du collectif. Reste que chaque individu peut y trouver son compte. Notamment parce que l'engagement permet de se dépasser soi-même, de se mesurer au reste du monde, et par là même de se sentir exister. Une idée qui rentre d'ailleurs parfaitement dans la tendance à la «spectacularisation» de notre société, selon les termes de Christian Gatard. La rébellion pourrait ainsi se faire en douceur, au profit de soi comme des autres. Christian Gatard parle A' « allégeance rebelle » : « On va de plus en plus accepter la règle du jeu du monde pour rentrer dedans et la dévier. » Car, ajoute-t-il, « le seul moyen de réussir cette contestation et d'aller jusqu'au bout, c'est de travailler à la reconstruction interne des choses ». Bref, la révolution se fera à l'avenir discrètement mais sûrement, afin de mieux s'intégrer au monde et pouvoir ainsi le modifier de l'intérieur, tout en se réinventant soi-même. Cette révolution n'en sera peut-être que plus efficace et pertinente.
L'agence megalo(s) a mis en place la stratégie de communication autour du projet de courtsmétrages «8» réalisés par 8 réalisateurs de renom comme Jane Campion et gus Van Sant, traitant de la pauvreté, du VIH ou encore de l'environnement. ils seront visibles sur le site www.letempspresse.org dès le 5 février.