Casino à pas de Géant
Au milieu des années 90, Casino faisait plutôt figure de proie que de prédateur dans l'univers de la distribution. Mais le groupe a su négocier les grands rendez-vous de ces dernières années, que ce soit par son activité en matière d'acquisitions, par sa stratégie à l'international ou par sa forte implication dans les nouveaux métiers. Résultat, Casino a changé de statut.
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Le marketing point de vente est l'une des forces de Casino. Le groupe est
présent partout où peut l'être la grande distribution alimentaire, du grand
hypermarché à la petite supérette, de la campagne au coeur des villes. Dans
leur dernière évolution, les hypers Géant développent largement les "métiers de
bouche", regroupés sur une "place du marché", ou encore l'univers à fort
potentiel du multimédia. Dernière nouveauté, la création d'un univers bébé et
de clubs jeune maman, largement développés en 1999. Les "espace services" ont
eux aussi fortement progressé l'année dernière, avec plus de 30 créations.
Casino a entrepris, il y a deux à trois ans, la rénovation des supermarchés du
même nom. L'enseigne est par ailleurs en phase de redéploiement, avec des
magasins qui s'orientent vers d'autres formats type Leader Price (7 magasins en
1999). Ce mouvement touchait à sa fin, mais l'intégration de Monoprix pourrait
bien le faire reprendre. Enfin, l'enseigne s'est lancée dans un
repositionnement tarifaire de grande envergure. Objectif : passer en trois ans
de l'indice Opus 104 à 100. On comprend, dès lors, que Casino évoque un «
exercice de transition ». Avec près de 3 500 unités, le parc de magasins de
proximité est particulièrement dynamique. Lui aussi, dans un mouvement de
remodeling à grande échelle, avec 1 200 Petit Casino rénovés fin 1999. Pour les
magasins franchisés, le développement des enseignes Spar et Vival est
privilégié. De nouveaux concepts sont également exploités tels que les corners
pétroliers (chez Shell). Grâce aux réseaux Franprix et Leader Price, acquis fin
97, Casino est devenu le premier distributeur à Paris (Franprix est une
enseigne exclusivement parisienne) et s'est introduit dans l'univers du
hard-discount, qui plus est grâce à une enseigne tout à fait apte à "recycler"
des Casino mal positionnés. Enfin, il faut évoquer Monoprix, désormais détenu à
50/50 par les Galeries Lafayette et Casino. Monoprix, c'est un savoir-faire
sans égal dans le domaine du commerce de centre ville, un concept de "City
marché" performant et une enseigne qui a retrouvé un vrai dynamisme, après de
longues années d'errements. Grâce à elle, Casino se positionne encore un peu
plus comme le spécialiste du commerce urbain.
Les outils transversaux
Fleuron de l'enseigne, la marque propre Casino se
veut avant tout qualitative et innovante. Le groupe a, par exemple, construit
une gamme de produits exclusifs (gamme Casino Palmarès). Il a par ailleurs
développé un "mix produit communication" innovant. Mis en place dès 1996, les
clients experts sont chargés de tester les produits. Chaque année, Casino en
fait un argument de communication fort. Les quelque 4 000 produits Casino
représentent 25 % de parts de marché, soit nettement plus que la moyenne des
autres enseignes en MDD (seul Intermarché fait plus). Signalons également la
marque LeaderPrice. Avec son assortiment de 1 500 à 2 500 produits, celle-ci a
permis à Casino de doubler son volume d'achats MDD après son rachat. En matière
d'achats, l'enseigne est plutôt à la pointe dans le domaine du category
management (intégration des métiers de l'achat, du marketing et de la
logistique dans une logique de filière). En revanche, Casino n'a jamais brillé
par la performance de ses prix de vente. Un grand chantier a toutefois été
lancé dans ce domaine. Il lui a permis de normaliser ses prix, à défaut de les
rendre vraiment compétitifs. A titre d'exemple, entre février 98 et octobre 99,
on est passé de 101 à 99,9 (indice Opus) pour les hypermarchés Géant et de
106,3 à 103,6 pour les supermarchés Casino. Le grand événement en matière
d'achats reste toutefois la création, en avril 1999, d'Opéra, nouvelle centrale
qui regroupe l'ensemble des achats alimentaires et non-alimentaires des groupes
Casino et Cora. Au total, 180 hypermarchés, 1 355 supermarchés, plus de 3 200
magasins et tous les affiliés des deux groupes seront desservis.
Casino sur tous les fronts
La résistance farouche lors
de l'OPA de Promodès fin 97, puis la victoire finale, semble avoir donné des
ailes à Casino. Le groupe a multiplié les rachats (plus ou moins importants),
ce qui lui a permis de faire grimper ses parts de marché, sa puissance d'achat
et sa taille critique. L'une des dernières opérations en date est l'entrée à
hauteur de 50 % dans le capital de Monoprix. Et sans doute, à moyen terme, la
prise de contrôle de l'enseigne de centre ville. Le prix d'achat a été jugé
élevé (quoi que payé en actions Casino aux Galeries Lafayette), mais le groupe
justifie cet investissement par les bons résultats de Monoprix (le résultat
d'exploitation est passé de 0,5 % à 2,5 % du CA, ce dernier s'élevant à 21 MdF)
et par les synergies qui pourront se mettre en place, source d'économie. Plus
récemment (et plus modestement), Auchan s'est engagé à céder à Casino 474
magasins de proximité qui réalisent un CA de 775 millions de francs. A
l'international, les acquisitions de Casino ont été bien plus importantes
encore. Pour les deux dernières années, évoquons le rachat à 75 % de Libertad
(hypermarchés argentins), de 50 % de Disco (supermarchés uruguayens), la prise
de contrôle de la société Big C (qui fait de Casino le N°1 en Thaïlande),
l'accord avec le groupe Colombien Exito (25 % du capital), avec le groupe CBD
(l'un des deux leaders de la distribution au Brésil... Sans oublier les
ouvertures de magasins, de la Pologne à Taïwan en passant par les Etats-Unis.
Alors que le taux moyen de croissance annuel est de 4 % en France, il dépasse
les 25 % à l'international. Cette activité représentait l'an dernier 19 % du
CA, proportion qui devrait atteindre 30 % en 2002.
Les nouveaux métiers
En 1999, le groupe a créé Casino Entreprise, filiale
chargée de la diversification à travers de nouveaux concepts commerciaux. C'est
dans cette structure que sont intégrées les enseignes Imagica (développement
photographique par traitement numérique, 27 magasins fin 1999), Komogo
(téléphonie, logiciels, micro-informatique et multimédia ; 25 magasins à
l'horizon 2003), et surtout, l'activité Internet. Le groupe semble décidé à se
donner les moyens en matière d'Internet, activité supervisée par le Directoire
de Casino. Il a tout d'abord lancé un certain nombre de sites marchands :
C-mesCourses.com, site généraliste, puis C-nouveau.fr, C-mesVacances.fr,
C-maCave.f... sites spécialisés. A cela s'ajoute le portail marchand
C-online.fr. L'entreprise a pris le parti de proposer à la vente des produits
frais, avec une logistique dédiée dans les grandes villes, et de s'appuyer sur
son réseau de 4 500 points de vente en France. Casino souhaite également jouer
un rôle "d'incubateur", avec des prises de participation dans des concepts
variés de e-commerce. Pour l'heure, on peut noter une prise de participation de
15 % dans Freesbee, fournisseur d'accès, et de 51 % (soit plus qu'une prise de
participation) dans c.discount.com, un des leaders de la vente en ligne de
produits culturels. Enfin, le rapprochement avec Monoprix joue un rôle
important dans la stratégie Internet de Casino, Casino et Monoprix sont entrés
à hauteur de 15 % chacun dans le capital de Télémarket, supermarché en ligne
des Galeries Lafayette. On peut penser qu'à terme, telemarket.fr,
c-mescourses.com et monoprix.fr ne feront plus qu'u... dans l'escarcelle de
Casino, les Galeries Lafayette se désengageant au profit d'un portail
international axé beauté-parfumerie et loisirs. Force est de constater que
depuis quelques années, le groupe Casino cherche à combler ses lacunes. Le parc
de magasins est peu homogène ? Il est remis à niveau. Les prix sont trop élevés
? La politique d'achat est repensée et la compétitivité tarifaire, améliorée.
Casino est très en retard à l'international ? Il fait le forcing. En matière de
commerce électronique, c'est différent. Casino n'essaie pas de rattraper son
retard, mais plutôt de prendre de l'avance. Ce ne sera pas facile, car il n'est
pas seul à s'y intéresser. Quoi qu'il en soit, on évoque Casino davantage pour
ses projets et ses ambitions que pour son rachat potentiel, ce qui est
symptomatique d'un vrai changement. On en oublierait presque que Casino reste
le cinquième distributeur françai...
HISTORIQUE
1898 : Geoffroy Guichard fonde la Société des Magasins du Casino et ouvre la première succursale à Veauche, près de Saint-Etienne. 1901 : L'entreprise, qui a déjà dépassé les 50 succursales, construit ses premières usines. 1925 : Première opération de croissance externe, avec la reprise d'une chaîne en région toulousaine. Geoffroy Guichard se retire. 1929 : Casino exploite 20 usines, 9 entrepôts, 998 succursales et 505 concessions. 1960 : Ouverture du premier supermarché, à Grenoble. 1970 : Ouverture du premier hypermarché (16 000 m2) à Marseille. 1992 : Rallye apporte sa branche distribution alimentaire à Casino en échange d'une participation significative (29,5 %) dans le capital de l'entreprise. Le groupe compte alors 101 hypermarchés, 480 supermarchés, 2 344 supérettes, et 221 cafétérias. 1996 : Première ouverture d'hyper à l'étranger, en Pologne. 1997 : Promodès lance une OPA sur Casino. A sa suite, Casino acquiert les réseaux Franprix et Leader Price, puis prend 21,4 % du capital de Monoprix. 1999 : Création d'Opéra, nouvelle centrale qui regroupe les achats de Casino et de Cora. 2000 : Casino contrôle 50 % de Monoprix.
PARC DE MAGASINS*
- Hypermarchés Géant : 112 (stable) - Supermarchés Casino : 466 (- 7) - Franprix : 458 (+ 23) - Leader Price : 319 (+ 18) - Proximité : 3 490 (+ 77)