Vers de nouveaux services associés
Faute d'avoir su -ou pu- renouveler l'offre assez rapidement, les acteurs du marché des fichiers B to B devront développer des services annexes. Un moyen pour eux de faire "parler" une matière première restée statique et, partant, de satisfaire des entreprises de plus en plus exigeantes.
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«Le marché des fichiers est caractérisé par une multiplicité de
fournisseurs et par une grande opacité de l'offre. Le discours commercial étant
homogène, la seule manière de se faire une idée fondée de l'offre, c'est
l'expérimentation. Il faut tester ou faire confiance. Et, de fait, la confiance
a trop empiété sur la relation commerciale. C'est un vrai problème », développe
Marc Szperling, directeur associé de Delling Expo. Organisateur de huit salons
professionnels, il "consomme" environ deux millions d'adresses par an.
Patrick Visier (DPV)
: "La France est le seul pays où le B to B est
moins cher que le B to C. Il y a aujourd'hui comme un prix psychologique que le
marché ne parvient pas à dépasser".
L'air est aujourd'hui connu : alors qu'il existe en France 4,2 millions
d'entreprises actives et 2,5 millions de sociétés commerciales, le marché du
fichier B to B se caractérise par une certaine apathie. De l'avis partagé de
nombre de diffuseurs de fichiers B to B, nulle réelle nouveauté n'est apparue
sur le marché depuis le lancement il y a deux ans de la base CA2 de Combbase
(l'Européenne de Données et Oktos) et de ses référentiels comportementaux. Un
concept qui semble avoir trouvé des adeptes. Combbase compte parmi ses clients
récurrents des entreprises comme IBM, Microsoft ou Oracle. L'un des intérêts
majeurs de CA2 réside dans sa dimension comportementale. Or, force est de
constater que les fichiers B to B restent assez imperméables à cette dimension.
En tous cas à l'échelle des grandes bases exhaustives, les sources spécialisées
étant sans doute plus propices à la collecte et l'entretien de données
comportementales. Comme en témoigne la base de PH7, qui rassemble aujourd'hui
400 000 adresses françaises et 2 millions d'adresses européennes d'entreprises
et établissements du secteur de la consommation hors domicile (cafés, hôtels,
restaurants, restauration collective, métiers de bouche). En 1998, PH7 lançait
Conso CHD, une base comportementale établie grosso modo sur le même modèle que
Claritas et Consodata, à savoir par questionnaires comportant environ 200
questions (envois par courrier, encartage dans la presse spécialisée,
administration en face à face ou par téléphone). Fin 2001, cette offre, qui
n'avait pas vraiment décollé, bénéficie d'un véritable lancement commercial et
de moyens adaptés, sous la houlette d'un ancien directeur marketing de
Kronenbourg. Aujourd'hui, Conso CHD compte 25 000 adresses françaises (10 000
en 1998). PH7, qui peut solliciter la totalité de sa base France 15 fois par
mois et "sort" annuellement 6 millions de contacts (2 millions pour ses
clients, le reste pour sa propre prospection), affiche un taux de NPAI de
l'ordre de 3 %. « Cela peut sembler beaucoup dans la mesure où la mise à jour
de la base est hebdomadaire et repose sur des sources officielles comme le
Boddac, les greffes des tribunaux de commerce, doublées de sources extérieures
comme Wanadoo Data. Mais c'est acceptable si l'on considère que le turn-over
dans le secteur des CHR est de 25 % », précise Paul Hagège, gérant de PH7.
Mais, outre la location d'adresses comportementales, PH7 a développé autour de
cette offre une palette de prestations : profiling, études de marché,
extrapolation par scoring... La société a également monté à Strasbourg un
centre d'appels de 30 positions, confié à des ex-Teleperformance :
qualification et enrichissement des adresses, détection des besoins... Devant
l'intérêt, semble-t-il, suscité par cette offre auprès des annonceurs de
l'industrie agroalimentaire, PH7 est en train de décliner Conso CHD à l'échelle
européenne : Espagne, Italie, Pologne, Hongrie.
Un fichier des associations chez l'Européenne de Données
Comportemental ou pas,
sur le marché du B to B plus encore que dans le B to C, les "vraies" nouveautés
sont rares. A l'instar du fichier des associations constitué fin 2001 par
l'Européenne de Données. C'est une première en France. Les préfectures
elles-mêmes ne sont pas en possession d'une telle source d'information. Au
total, 800 000 adresses récoltées à partir du Bulletin des associations et des
fondations d'entreprises du Journal Officiel sur la base de 13 années de
parution (de 1989 à 2001). En travaillant sur les périodes antérieures,
l'Européenne de Données estime pouvoir rassembler un million d'adresses. « On
va voir apparaître de nouveaux acteurs, à mi-chemin entre les agences et les
sociétés de conseil, qui proposeront des études sur l'efficacité de l'offre à
moins de 762 euros, soit dix fois moins cher que les prestations des grandes
agences. Le problème, c'est que, là encore, rien ne garantira la qualité du
conseil. Car, en matière de fichier, si on n'a pas d'argent, on n'est jamais
sûr de bénéficier d'une bonne prestation. Aujourd'hui, pour s'assurer une offre
digne de ce nom, le ticket d'entrée est devenu tellement élevé que ce qui
faisait la spécificité du marketing direct, du hors-médias, a perdu de son sens
», affirme Marc Szperling. Et pourtant, le marché du B to B s'est plutôt
caractérisé ces dernières années par une baisse du tarif de l'adresse. « La
France est le seul pays où le B to B est moins cher que le B to C. Il y a
aujourd'hui comme un prix psychologique que le marché ne parvient pas à
dépasser », lance Patrick Visier, P-dg de DPV. Les tarifs à la location varient
de 0,04 euro pour une adresse de base (de type Insee) à 0,15/0,20 centime pour
une adresse renseignée. Les adresses issues de fichiers nouveaux et exclusifs
seront bien sûr proposées à des tarifs plus élevés que la moyenne. Pour ses
adresses d'associations, l'Européenne de Données demande, par exemple, entre
0,20 et 0,25 euro selon les quantités à la location, entre 0,48 et 0,60 euro à
l'achat. Frais informatiques : 150 euros. Minimum de facturation : 1 800
euros.
6 euros par adresse et par an pour la mise à jour
Les prix peuvent monter très haut, jusqu'à plus de 3 euros
pour des données très ciblées et à potentiel comportemental. Un prix entre
autres imputable aux frais d'entretien qu'exige un fichier régulièrement mis à
jour. Ainsi, un propriétaire doit investir en moyenne environ 6 euros par
adresse et par an pour remettre à jour les données. Sur le marché de l'adresse
B to B comme ailleurs, les prix sont indexés sur les pratiques générales du
marché, via le jeu de l'offre et de la demande. Une société comme PH7,
propriétaire d'une base unique et exhaustive dans le secteur de la consommation
hors domicile, peut à loisirs fixer ses tarifs. De fait, les prix proposés sont
supérieurs à la moyenne marché : de 98 à 348 euros du mille à la location en
fonction des critères de segmentation (de 65 à 229 euros après 100 000
adresses) et de 320 à 749 euros à la vente (220 à 636 après 100 000 adresses).
« Nous sommes les seuls à proposer cette offre. La seule autre solution pour
les annonceurs serait d'acheter les adresses chez France Télécom - et rien ne
garantit l'exhaustivité - et de les qualifier ensuite par phoning. Ruineux »,
souligne Paul Hagège. Chez ce fournisseur, le prix moyen de l'adresse a, qui
plus est, varié à la hausse ces dernières années, en écho à une demande de plus
en plus pointue de la clientèle. De moindres volumes, plus de profondeur dans
l'information. A défaut de véritable nouveauté dans l'offre, une évolution se
fait jour, ou plutôt se confirme dans la demande. Plus les annonceurs sont
contraints de se contenter d'une matière première inchangée, plus ils vont
exiger de travail sur celle-ci. Et les fournisseurs vont, tant que faire se
peut, développer les approches nécessaires pour faire "parler" les adresses.
Projection sur les bases exhaustives
Société
spécialisée dans le bus mailing, Charter "consomme" quelque 10 millions
d'adresses par an, dont les trois quarts en B to B. « Je "rame" pour trouver de
bonnes idées. Surtout en comportemental. On est obligé de faire des sélections
de plus en plus pointues, par exemple en utilisant la partie "pauvre" des
fichiers », souligne David Berman, responsable fichiers de Charter. C'est tout
le paradoxe d'une offre qui ne se renouvelle pas : pour la faire "parler", les
faiseurs de plans-fichiers sont contraints d'aller chercher des informations
dans la partie qui en offre le moins au premier abord. Nombreux sont en effet
les fichiers B to B en circulation dont une partie des adresses (parfois la
moitié) ne dispose pas de champs renseignés (taille salariale, fonctions, a
fortiori données comportementales...). N'intéressant pas, de ce fait, les
annonceurs. Il s'agit donc d'un potentiel certes incertain, qui doit plus qu'un
autre faire l'objet de tests, mais dont on est sûr qu'il est très peu exploité.
Une autre technique, plus classique, consistera à projeter les fichiers sur des
sources riches à la fois en termes de couverture et de représentativité, mais
aussi de profondeur et de potentiels de croisements. C'est notamment le cas des
"mégabases" B to B. L'atout de ces bases exploitées par les fournisseurs ayant
passé des accords avec les sources officielles d'information réside dans les
perspectives offertes en termes d'enrichissement des fichiers. Le croisement
avec les différents niveaux de données abrités par ces bases permet en effet de
donner à une source, a priori "pauvre" en informations, une profondeur sur la
base de données radicalement exogènes. Prenons le cas du fichier des
associations de l'Européenne de Données. Il se compose d'adresses brutes, non
nominatives, sans données de type numéros de téléphone, fax, adresses e-mails
ou sites web. Chaque fiche comporte le titre de l'association, l'adresse,
l'activité, la date de parution et la date de création. Pourtant, alors que le
Journal Officiel, duquel sont issues ces données, propose une sélection sur 16
grandes rubriques déclarées (social, culturel, sport...), l'Européenne de
Données permet pour ce fichier des associations 300 sous-segmentations
d'activité. Ce, grâce à une analyse sémantique croisée sur sa base exhaustive.
Mais l'une des approches service les plus intéressantes du marché revient sans
doute (encore) à Combbase, qui vient de lancer une offre de suivi complet des
adresses. L'annonceur confie les fichiers loués ou achetés pour ses opérations
de prospection au prestataire, qui croise les numéros Siren ou Siret avec ses
40 profils comportementaux. Le taux d'identification s'élevant en moyenne à 70
% des adresses confiées. Une fois la campagne menée, l'annonceur en envoie les
résultats au prestataire, qui les passe une fois de plus au spectre de son
modèle comportemental. Et ce, après chaque opération. Combbase proposant
également un bilan annuel. Ainsi, au fur et à mesure des reportings,
l'annonceur pourra affiner sa cible tout en conservant ses propres critères de
segmentation. Pour un tarif forfaitaire situé entre 5 500 et 8 500 euros par
semestre. L'offre de Combbase est d'autant plus intéressante qu'elle n'est pas
concurrentielle de la prestation légitime des brokers ou fournisseurs de
fichiers. A aucun moment en effet, le traitement effectué ici ne laisse filtrer
la moindre indication nominative. Tous les résultats demeurent exclusivement
statistiques. Combbase aidera ici à dégager des profils de prospection, mais ne
permettra aucun travail sur la matière même des fichiers.
Services annexes : un CA additionnel pour les fournisseurs
Quelle que soit
la démarche choisie, qu'elle relève davantage du service périphérique ou de
l'enrichissement de l'offre elle-même, il est certain que les fournisseurs et
diffuseurs de fichiers B to B vont proposer des approches annexes, qui ne
constitueront pas une source de génération de chiffre d'affaires
supplémentaire. Pour exemple, « les prestations périphériques à la vente des
adresses représentent aujourd'hui 50 % du chiffre d'affaires de PH7 (3 ME au
total) », précise Paul Hagège. Chez D & B, ce type d'approche est également
très encouragé. Pour preuve : la forte croissance constatée sur l'activité
"data rationalisation" (comprendre siretisation). « Les services associés ne se
substitueront pas à la vente proprement dite d'adresses, mais ils vont
nécessairement croître en termes de revenus. A terme, ils représenteront au
moins 30 % du chiffre d'affaires de l'activité marketing direct », souligne
Sylvie Arlot-Marty, responsable marketing BDD marché français. Mais ces
nouveaux services ne sont pas qu'un levier financier. Il constituent également
pour les fournisseurs un socle de consolidation des liens commerciaux avec les
clients annonceurs, ainsi qu'un moyen d'étoffer leur propre offre. Exemple,
toujours avec PH7. Une entreprise souhaite interroger les 45 000 cafés de
France pour leur demander s'ils vendent du tabac. La source existe, chez PH7,
qui dispose également d'un call center pour mener l'opération. Mais,
questionner les cafetiers en leur posant d'emblée une question relative au
tabac n'est pas bon pour l'image d'une entreprise. « Nous avons choisi avec
notre client de poser cinq questions à la cible. La question du tabac n'étant
posée qu'après les quatre premières. Et le deal était le suivant : nous ne
facturons que la dernière question mais gardons les informations collectées
avec les quatre autres pour alimenter notre base », explique Paul Hagège.
Monter des fichiers niches, développer des services adjoints, monter des
packages ou des approches commerciales au coup par coup : les fournisseurs et
diffuseurs de fichiers B to B devront aiguiller leur potentiel d'imagination
pour satisfaire des annonceurs de plus en plus exigeants et infléchir des taux
de remontées de mois en moins convaincants. Et, en la matière, les grandes
tendances économiques viendront peut-être à leur secours. « Le phénomène des
rapprochements, le jeu des fusions acquisitions qui caractérisent le tissu
économique ne seront pas sans conséquences sur le marché de l'adresse e-mail B
to B », remarque justement Alexis Goujon, CRM consultant chez Wunderman. La
concentration des entités juridiques se traduira-t-elle jusque dans les bases
clients ? Qui assurera et contrôlera la commercialisation des adresses ? Il y a
sans doute ici une piste commerciale, que d'aucuns ne manqueront pas de suivre.
Charter : de l'adresse au lead
Charter propose aux entreprises, via son site web biendecider.com, un mode de collecte d'adresses à forte valeur ajoutée. Les internautes en visite sur le site (également accessible sur les sites des "Echos", de "La Tribune" ou du "Monde Informatique") peuvent cliquer pour télécharger gratuitement un miniguide sur un thème donné : le guide de la photocopie, le guide du CRM, le guide des centres d'appels... une quarantaine au total. Il leur sera alors demandé de remplir quelques champs d'information les concernant et concernant leur entreprise. Charter travaillera ensuite sur les adresses ainsi récoltées (croisement, qualification, phoning...) et les proposera à ses clients annonceurs. « A ce niveau, il ne s'agit plus d'adresses, mais de leads. Aujourd'hui, Gestetner réalise 80 % de ses leads avec nous », avance Yann Gozlan, directeur du développement de Charter. De fait, le tarif moyen n'a plus rien à voir avec celui d'une adresse B to B, si qualifiée fut-elle. « Nous sommes autour de 30 euros le contact », précise-t-on chez Charter.