DossierComment lever les irritants en magasin ?
4 - La distribution doit remettre des vendeurs dans ses rayons
Avec le libre-service, le client est trop souvent laissé à lui-même en boutique. Il réclame désormais une réhumanisation des rayons.
"Le libre-service? Ça a marqué la disparition du service, l'abandon du client, s'exclame Philippe de Mareilhac, directeur général de Market Value. On assiste aujourd'hui à un retour en arrière: on propose de nouveau du service tout en laissant le choix et son autonomie au client. Avec subtilité." Jean-Marc Megnin (ShopperMind) évoque "ce besoin irrépressible de lien social qu'ont les consommateurs. La sociabilité interactive est une constante dans le commerce." François Hannebicque, directeur de la création de l'agence de design retail AKDV, évoque le "rôle pivot de la relation humaine, qui constitue le meilleur allié du taux de transformation. Les premières questions à se poser lorsque l'on est une enseigne est "ai-je bien reçu les clients?" "Qu'ai-je fait pour améliorer leur expérience une fois la porte franchie ?" Les vendeurs cristallisent - parfois à tort - les mécontentements. La crise a détruit des dizaines de milliers d'emplois dans le commerce et, notamment, dans les métiers de la vente, laissant trop souvent le client livré à lui-même. Demander aux vendeurs de faire du remplissage de rayon, des tâches administratives comme du reporting ou encore du nettoyage, détruit de la valeur, en réalité. "La polyvalence à outrance déresponsabilise les métiers de la vente", explique Frank Rosenthal. Qui ne s'est jamais entendu dire "ce n'est pas mon rayon", par exemple ? À trop vouloir imposer la polyvalence à leurs vendeurs, les magasins détruisent leur expertise."
Mais les temps changent... L'enseigne de meubles et de décoration Alinéa (groupe Auchan) teste une nouvelle relation client dans son tout nouveau concept, qui vient d'ouvrir à Troyes. Les vendeurs font exclusivement de la vente et non plus du remplissage de rayons. "Ce sont deux équipes différentes pour deux métiers différents, explique Raymond Pastor le directeur du magasin. Car il n'y a rien de plus désagréable pour un client que de voir le dos d'un vendeur qui regarnit un rayon ! Ce dernier signifie très clairement qu'il n'est pas disponible pour lui." Dans un segment du meuble en recul (-3% en un an), il faut agir avec pragmatisme. Disséminées également dans ce magasin, des bornes murales renseignent le client sur les prix (scanning du code-barres) et un bouton permet d'appeler un vendeur pour obtenir un conseil supplémentaire. Celui-ci est, en outre, facilement identifiable grâce à un gilet de couleur, un gros badge jaune en forme de smiley épinglé sur le coeur avec inscrit très clairement "vous accueillir, vous servir, vous satisfaire". Mais l'heure est aussi, pour certaines enseignes, à l'anticipation des irritants.
Reconsidérer les vendeurs
L'ennemi public numéro un? Le vendeur mal informé, peu accueillant... est régulièrement cité comme une cause de non achat dans les boutiques. D'où la mise en place de politiques de formation. "GrandOptical investit plus de 3 % de sa masse salariale dans la formation des collaborateurs magasins", souligne Florence Chaffiotte, directrice marketing, communication et e-business. "Chez Nespresso, chaque salarié bénéficie de 35 heures de formation par an, précise Sophie Coustaury, drh de Nespresso. À ce sujet, nous venons de créer une académie recréant un pôle de vente et un laboratoire, pour montrer les différentes étapes de transformation du café." "La quête du geste parfait" est le mot d'ordre chez Nespresso qui ne forme pas des vendeurs mais des "spécialistes café". Cette quête de l'excellence passe par la compréhension de la place du client dans le processus d'achat. " C'est essentiel, souligne Gilles Lepoutre, directeur du groupe Fora (formation commerciale et managériale). Mieux vaut savoir si le client s'est déjà renseigné sur Internet. S'il a pris rendez-vous à l'avance pour un personal shopper. On parle ainsi de vendeur connecté. À chaque étape du processus d'achat omnicanal, le vendeur doit être capable d'apporter de la valeur ajoutée pour déclencher l'achat. On est loin des scénarios classiques de vente!" Des formations sur mesure sont dispensées. "Dans le cas d'un problème unique de dysfonctionnement, nous utilisons les focus, précise Gilles Lepoutre. Il s'agit de mobiliser pendant une semaine tous les collaborateurs. À l'issue de cette période, le problème doit être réglé. Nous avons entamé cette démarche pour Yves Rocher." Une enseigne connue pour la qualité de ses services au client. Formation rime donc bien avec qualité... et motivation. Surcouf, à l'époque de sa splendeur, se targuait d'avoir les meilleurs vendeurs. C'était aussi les mieux payés. Mais quand leur rémunération a changé, la boutique a fermé. CQFD.