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Dans les coulisses de Quechua

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Le siège de Quechua, installé au pied du Mont-Blanc, nous a ouvert ses portes. C'est ici qu'est née la marque à succès outdoor de Decathlon.

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Le siège mondial de création de sports de montagne abrite 340 personnes au pied du Mont-Blanc

Au départ, ils étaient six. Tous passionnés de montagne. Nichés, dans la vallée de l'Arve, à deux pas de Chamonix, ils ont inventé une marque hors norme, Quechua. Dix-huit ans plus tard, quasiment au même endroit, ils sont 340 installés au sein du tout nouveau siège mondial de création des sports de montagne inauguré en décembre dernier. "En dix-huit ans, nous avons grandi !" explique Olivier Coloc, le directeur du site qui abrite aussi un Mountain Store, lequel ne distribue que les marques estampillées montagne ou outdoor (Quechua, Wed'Ze pour le ski et Simond pour l'alpinisme). " C'est le centre mondial de créativité pour nos trois marques. 100% des produits sont imaginés, dessinés, prototypés et testés sur place pour être ensuite diffusés au niveau mondial", poursuit-il. C'est dans cette vallée qu'est née l'incroyable saga de la tente 2 Seconds qui fête cette année son 10e anniversaire.

L'atelier prototypage: un carrefour névralgique des marques de montagne créées ici (Quechua, Wed'Ze et Simond)

Les groupes projets fonctionnent comme des cellules indépendantes et entièrement autonomes sur le développement des produits. Ici, les cellules chaussures, matériel de camping, tente, ski nordique, couchage, sac à dos, textile travaillent dans des bureaux qui surplombent et entourent le magasin. Le packaging ou le digital constituent, eux, des groupes transverses. Tous passent par le magasin pour se rendre à leur bureau et y descendent pour tester leurs idées auprès des vendeurs. Si ces derniers arrivent à s'approprier une idée, c'est bon signe. Et comme le centre est en pleine nature, il n'est pas rare de croiser un prototypiste chaussure tester une nouvelle semelle sur les pierres ou les chemins alentour, par exemple. "Le site dans lequel nous évoluons est un ­support d'innovation pour la marque", précise Oliver Coloc. Chaque cellule est dirigée par un chef de produit et compte des ingénieurs, des designers et/ou des stylistes, des prototypistes, des merchandiseurs et des responsables de la supply chain. Chacun innove sur son périmètre.


La tente 2 Seconds fête ses dix ans

"Je suis né il y a 42 ans sous une tente dans le Sahara", explique Abderrahman Elaammari, dit "Abbi", le prototypiste de la tente 2 Seconds, il y a dix ans. "Drôle de destin, non ?" En août 2003, avec Jean-François Ratel, le chef de produit tente d'alors, Vincent Chiffeau, le designer et l'ingénieur Benjamin Mettavant, ils rêvent d'une tente qui se monterait en... deux secondes. C'était l'insight de base. "Personne n'y croyait !, se souvient Jean-François Ratel. Nous avons construit plusieurs prototypes que nous sommes allés tester dans le massif du Toubkal, au Maroc." Le prototypiste disait que les idées étaient impossibles à "coudre", l'ingénieur que pour ce prix, c'était inimaginable et le tout ne pouvait pas se replier... En réalité, la solution technique existait déjà, mais dans deux endroits différents (un secret).


La "2 Seconds" est un produit populaire vendu à des millions d'exemplaires dans le monde.

"Un soir de mai, nous avons trouvé, continue Jean-François Ratel. Puis démarré une présérie de 50 unités que nos testeurs ont essayées, à l'été 2004, puis dans le magasin de Bron, début 2005." Les vendeurs ont testé, ont fait le fameux geste du lancer de tente devant les clients. Quant à Abbi, il s'est installé un temps en Chine sur les lignes de production. Dès mars 2015, la 2 Seconds a été commercialisée partout dans le monde, soutenue par Yves Claude, le p-dg de Decathlon. "Nous avons continué à tirer les fils de ce que nous pressentions comme une sorte de saga. Nous avons amélioré le montage, innové sur les tissus et inventé de nouvelles gammes comme la Air seconds, une tente qui se gonfle, des cabines ou des auvents, par exemple", poursuit Abbi. Mais ces inventeurs n'avaient pas envisagé que leur produit serait détourné par les usages. En effet, la 2 Seconds répond à un besoin universel, celui d'une protection au-dessus de sa tête pour dormir. Les festivals de musique, les jardins privatifs, les plages, les rues... on voit des Seconds partout. Une campagne anniversaire démarrera à partir du 15 juin prochain (#My2seconds), les internautes seront invités à poster sur un réseau social dédié leur histoire intime avec la tente.

Les groupes projets de la marque sont des cellules créatives indépendantes

Jean-Charles Laugt, ex-directeur de l'innovation Quechua, et depuis six mois responsable de la nouvelle cellule "Connected Hickers" (randonneurs connectés - voir plus loin), décrypte les fondamentaux de l'innovation pour toutes les marques de la maison mère: "Imaginez un triangle. À la base, nous plaçons toujours la sécurité, puis le confort et, enfin, la pointe, c'est l'émotion. Ensuite, on peut libérer sa créativité". Pour favoriser l'exploration prototypale, car selon un mantra entendu ici, "une idée naît dans la tête et sort par les mains", un comité d'innovation a été mis en place en janvier 2015. Il est animé par une dizaine de personnes extérieures aux groupes projets. On y retrouve un contrôleur de gestion, la directrice du magasin de Chamonix ou le responsable du rayon junior. "Des outils comme une imprimante 3D, mais aussi un soutien par des coachs spécialistes en innovation, nous aident à impliquer le plus grand nombre", poursuit Jean-Charles Laugt.

ET DEMAIN ?

La cellule Connected Hickers, dirigée par Jean-Charles Laugt, propose que la technologie irrigue le triptyque "sécurité-confort-émotion". "Il s'agit de proposer des produits connectés à une communauté online pour ensuite étudier les data", explique-t-il. Ainsi, par exemple, l'appli Quechua Tracking, lancée mi-2014, propose toutes les cartes du monde pour se géolocaliser en cas d'urgence (c'est la sécurité). Un tableau de bord est disponible pour gérer son effort (confort) et enfin un onglet "romans-photos" sur Instagram, et Facebook permet de partager ses expériences (émotion). 1 500 personnes l'ont téléchargée et le bouche à oreille fonctionne très bien. Demain, un sac à dos ou des chaussures de marche connectées seront sans doute vendus en magasin. Tous les produits portent déjà une puce à leur sortie d'usine. Aujourd'hui, elle est désactivée au moment du passage en caisse. Mais que nous réservera l'avenir ?

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