La stratégie d'Hippopotamus, sur le grill
Concept de steak house à la française, cuisson à la braise, mais aussi click and collect et nouveau programme de fidélité... voilà sur quoi comptent Hippopotamus et son directeur général, Philippe Hery, pour se remettre de cette rentrée morose.
- Comment la rentrée s'amorce-t-elle?
La reprise est très difficile partout, malgré quelques variations. En province, heureusement, les conséquences de la crise sont moindres, les restaurants rénovés ayant même retrouvé leur volume d'activité d'avant-Covid. Si la région parisienne parvient à s'en tirer, Paris intramuros est très touché, avec des baisses de l'ordre de 50 % sur le marché de la restauration, et de 20 % de chiffre d'affaires pour nos enseignes. Prenez l'exemple de nos franchisés, Patrick et Thomas Afsar, installés gare du Nord, ils ne bénéficient plus des arrivés de l'Eurostar, qui tourne actuellement à 10 % de son activité, ni du trafic habituel de la gare qui a chuté de 70 %. Idem à La Défense, où 50 % des salariés sont toujours en télétravail... et ne viennent donc plus déjeuner! Nous avons perdu notre clientèle de passage, de touristes, d'actifs du midi, sans oublier celle des familles, habituellement présentes le week-end, mais qui réduit fortement ses déplacements et ses dépenses.
- Justement, pour compenser cette perte d'activité, vous avez déployé, le 2 juin, dans 75 de vos restaurants, le click and collect et la livraison. Quels sont les premiers résultats?
Si nous y pensions depuis plusieurs mois, la crise a clairement précipité cette mise en oeuvre. Et nous pouvons que nous en féliciter, puisque nous réalisons, ainsi, 5 % de CA. D'autant que le panier moyen est de 34 €, contre 23 € dans nos restaurants et de 24,50 € dans les steak houses à la française. Notre objectif est donc de le déployer dans l'intégralité de notre réseau, sous réserve de la présence d'Uber Eats et de Deliveroo, et de totaliser, sur ce canal, 10 % de nos ventes. Cela dit, nous n'oublions pas que notre savoir-faire est et restera la restauration et l'accueil. Et ce nouveau service ne doit pas perturber le bon fonctionnement de la cuisine, en termes de préparation et d'emballage. C'est un vrai métier de fast-food, mais ce n'est pas le nôtre.
- Comment parvenez-vous à concilier les nécessaires précautions sanitaires et le plaisir de revenir au restaurant?
Déjà en formant et en informant nos équipes et nos clients. Et puis, bien entendu, en respectant le protocole sanitaire, avec la création d'espaces d'attente, la suppression des sèche-mains dans les toilettes, et la mises en place de doses jetables, notamment pour les condiments. Nous avons gardé nos sets en papier sur lesquels se trouvent les menus, mais ces derniers sont également digitalisés. Et puis, bien entendu, les quatre mois post-confinement, nous avions resserré l'offre autour de nos classiques pour faciliter le travail des chefs.
Lire aussi : Nicolas Chabanne : "2500 personnes ont fait appel à notre service de livraison solidaire"
- Vous préparez-vous à un possible reconfinement?
Vous savez, fermer un établissement, cela n'est pas très compliqué : il suffit de distribuer ses stocks. Mais cette éventualité, nous ne pouvons l'envisager tant elle serait catastrophique, pour nous certes, mais surtout pour l'ensemble de la restauration et de toute la filière.
- Vous avez interrompu votre programme de fidélité, Ma Carte +, après huit ans de loyaux services, pour lancer une nouvelle version, d'ici à la fin de l'année. Quels en seront les grands principes?
"Notre "Steak House Club" doit séduire entre 15 et 20 % de nos clients et les maintenir tous très actifs"
Pendant des années, le programme n'a bénéficié d'aucune dynamique marketing ou commerciale. Conséquence : sans nouveaux adhérents, seuls 10 % de la base étaient actifs. Autant vous dire que ce n'est pas très utile! Notre volonté, c'est d'offrir un programme plus en phase avec les attentes de nos clients, donc digitalisé et moderne. Notre "Steak House Club" doit, grâce à des offres très personnalisées, séduire entre 15 et 20 % de nos clients et les maintenir tous très actifs. C'est pourquoi nous avons recruté deux collaborateurs sur la partie digitale CRM. Et, depuis 18 mois, nous travaillons, avec l'agence Brand Advocate, à la digitalisation de notre CRM. Tandis que, parallèlement, notre service marketing, composé de 10 salariés, et basé au siège de La Défense, reste mobilisé sur ce sujet.
- En mars, le Groupe Bertrand annonçait le lancement de la franchise multi-enseignes, une sorte de guichet unique pour l'ouverture d'établissements de quatre de ses marques, Au Bureau, Hippopotamus, Léon de Bruxelles et Volfoni. Vous tabliez alors sur l'ouverture de 10 de ces projets. Qu'en est-il aujourd'hui?
Vous vous doutez que le contexte sanitaire a freiné ce type d'initiatives. Pour vous donner une idée, sur les 28 projets de rénovation et de croissance externe, nous n'en réaliserons finalement que la moitié. Et parmi eux, peu de multi-enseignes!
- Quelles sont vos ambitions en ce qui concerne les ouvertures de restaurants pour 2021?
Déjà, reprendre les contacts et mener à bien les 14 projets non finalisés en 2020... et en lancer une vingtaine, répartis en croissance externe et en rénovation (70 %). Pourquoi est-ce primordial pour nous? Car notre concept de steak house à la française représente, presque mécaniquement, une progression de 30 % de chiffre d'affaires et de 26 % de trafic. Car il nous a permis de mettre fin, en mars 2018, à 26 trimestres de régression de CA pour renouer avec une croissance discontinue jusqu'au confinement. Et parce qu'il nous permet de rajeunir la moyenne d'âge de nos clients, de 43 à 38 ans. Aujourd'hui, nous sommes la quatrième marque la plus connue du segment, et nous bénéficions de 80 % de notoriété spontanée. Alors, certes, il faut compter entre 1 800 et 2 000 euros/m2 de travaux, mais ils sont vite amortis.
- Comment expliquer un tel succès?
C'est une équipe très resserrée, autour de moi, qui a mis au point ce concept. Et nous avons suivi le fameux adage de Winston Churchill : "Plus loin on regarde vers le passé, plus loin on voit vers l'avenir." Avec le décorateur François Lamazerolles, nous sommes donc partis des bases décoratives d'origine, qui étaient, certes, vieillissantes, mais toujours efficaces. Et nous avons gardé la couleur rouge, emblématique de l'enseigne, en l'atténuant avec des matières nobles, du bois brut, du métal et de la brique. Puis, nous sommes revenus au métier de restaurateur, cher au créateur de l'enseigne, Christian Guignard. Nous avons redonné de la fierté aux équipes en cuisine, en préparant un maximum de produits sur place, et avons innové avec la cuisson "à la braise".
Parallèlement, nous avons complètement changé nos visuels publicitaires, en valorisant la qualité de nos produits et, notamment, de notre viande. Et afin de recruter largement, notamment sur la cible des 25-49 ans, nous avons lancé en 2019, après 20 ans d'absence, une vaste campagne télé, conçue avec l'agence Buzzman: "Rien ne remplace le goût de la bonne viande." Le spot a tourné, pendant quatre semaines consécutives, sur TF1 et M6, sur certaines chaînes de la TNT ainsi que sur le digital.
Chiffres et dates-clés :
120 restaurants
2 % Part du chiffre d'affaires consacré au marketing
5 % Part du chiffre d'affaires réalisé par le click and collect et la livraison
1968 Création d'Hippopotamus, par Christian Guignard
2017 Rachat par le Groupe Bertrand
Fin 2022 Rénovation de l'intégralité du parc
Sur le même thème
Voir tous les articles Retail