Quel commerce pour 2020 ?
Le Credoc publie une enquête prospective sur le commerce en 2020. Dans cette étude, présentée en exclusivité lors des 38e journées de l'Institut français du merchandising (IFM), l'optimisme prédomine.
Je m'abonne«Notre vision évolue moins vite que notre environnement», prévient Philippe Moati, directeur de recherche au Credoc et auteur de l'étude Quel commerce pour demain?", qui a été présentée en exclusivité lors des 38e journées de l'IFM, au CNIT à La Défense, le 24 novembre dernier. «Cette distorsion provoque une certaine forme d'inertie qui freine les stratégies d'adaptation des distributeurs», continue t-il. Le décor est planté.
Les changements attendus en 2020
Les répondants (160 professionnels dont 46 experts) sont très massivement convaincus que le secteur du commerce est appelé à connaître, au cours de la prochaine décade, une accélération de sa transformation. Pour autant, la majorité s'accorde à considérer que les fondamentaux du secteur ne seront pas impactés. Seuls 36% d'entre eux prévoient un changement radical et d'un ampleur comparable à celui qui a suivi la naissance de la grande distribution dans les années soixante. Concernant les changements, les nouvelles technologies arrivent en tête des prévisions pour 64% des professionnels et 59% des experts. «La concurence du e-commerce est prise très au sérieux», continue Philippe Moati . "Le poids du e-commerce s'établira en 2020 à 24% de part de marché, soit une multiplication par 4 ou par 5 par rapport à son poids actuel". Les stratégies multicanales vont de fait s'intensifier dans les dix prochaines années. Environ un répondant sur deux estime que le e-commerce sera dominé par les entreprises du commerce en magasins (contre 1 sur 4 qui envisage la domination des "pure players").
Mutations sociétales
«Les mutations sociétales arrivent en tête des facteurs de changement susceptibles d'avoir le plus fort impact sur l'évolution du commerce, explique encore Philippe Moati . 70% des professionnels pensent que les attentes et le comportement des consommateurs impacteront durablement leur métier». La montée de l'individualisme a mis à mal le modèle de la consommation de masse et les professionnels anticipent que les consommateurs exprimeront des demandes de plus en plus ciblées et individualisées (54% des distributeurs ont pointé "la capacité à mettre en oeuvre une offre différenciatrice"). Spontanément 30% des répondants parlent aussi d'une tendance marquée par plus de transparence et de véracité dans la manière de pratiquer le commerce. Le volet RSE sera primordial pour ancrer le commerce différemment car consommer deviendra plus synonyme de raison, de responsabilité et d'éthique.
Retour du commerce de proximité
Concernant les différents formats, l'étude exprime une rupture par rapport aux tendances de ces dernières décennies. L'avenir semble être à la proximité. 69% des répondants anticipent un renforcement, dans la prochaine décade, du poids des petites surfaces de proximité alors que, pour près de trois répondants sur quatre, celui des hypermarchés serait condamné à reculer. Concernant le hard discount, les avis sont très diffus. Aussi, il est impossible pour de dégager une tendance dominante. En revanche, un véritable optimisme se dégage pour le futur du commerce en centre ville, en particulier dans les villes petites et moyennes. Enfin 47% prédisent un accroissement du commerce rural et 34% le voient rester stable. Le poids des retail parks (parcs d'activités commerciales) en périphérie devrait reculer pour 52% des professionnels.
Deux scénarios pour 2020
«Manifestement, sur le plan des représentations, les acteurs du commerce sont en train de tourner la page de la distribution de masse discount et le commerce qu'ils imaginent pour 2020 est résolument orienté client », ponctue Philippe Moati. Deux scénarios se apparaissent. Celui du "commerce de précision" et celui du "commerce serviciel". Le premier met en scène un commerce qui prend acte de la diversité des consommateurs et généralise les statégies de segmentation. Le deuxième décrit un commerce qui a dépassé une conception de son métier centrée sur l'achat pour la revente, pour se penser comme pourvoyeur d'effets utiles et apporteur de solutions.
Optimisme de volonté contre pessimisme conjoncturel ?
Alors que les capteurs de l'économie sont toujours au rouge et que Franck Riboud, PDG du groupe Danone adéclaré, sur la scène du CNIT, «nous avons pour dix ans de crise devant nous», les professionnels estiment à 62% que leur enseigne va connaître un développement à l'aube 2020. «Prévoir le futur est impossible ... y réfléchir est passionnant», conclut Philippe Moati devant le public studieux des journées de l'IFM.
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*Étude réalisée auprès des 160 acteurs du monde de la distribution (98 distributeurs, 16 institutionnels, 36 chercheurs, 10 consultants). Le champ de l'enquête est l'ensemble du commerce de détail, hors service et hors e-commerce. L'enquête online comportait 150 questions ouvertes.