"Les mots, portrait d'une année"
Si « réinventer » est le verbe fétiche du Président, chaque année les mots composent un nouveau canevas qui tisse la mémoire de nos pensées et émotions.
La « guerre » est le mot marquant de 2022. Le 24 février, la guerre est en Europe. Une litanie de mots sombres accompagne cette nouvelle frappante. « Déplacés, pénuries, restrictions, réquisitions" fondent une cohorte lexicale peu habituelle.
« Guerre de l'énergie », « dérèglements climatiques », nous impose « la sobriété énergétique ».
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Les protestations virulentes des « écolos radicaux » nous engagent à « décarboner », de nombreux labels vertueux essaient de rassurer le consommateur, mais « stocamine », « solvants toxiques » nous rappellent des erreurs qui ne pourront s'effacer !
« Le feu » lui fut le mot de l'été. Nous avons contemplé des « brasiers », des « méga-feux. « La canicule », « la sécheresse » et « la guerre de l'eau » entrent dans nos vies.
Bien sûr, les verbes « réparer » et « restaurer » essaient de contrebalancer ces dégâts. On sait qu'il sera dur de « réduire », « d'économiser », verbes pourtant favoris des politiques.
Quant au « pouvoir d'achat », il est à la une un jour sur deux. « Inflation », « dette » aussi. « Hausses spectaculaires » devient une expression familière !
Malgré la « planification écologique » annoncée par Madame Borne et « la Cop 27 », on se sait plus où respirer, ni quoi consommer, même si les marques scandent à l'envi le mot « authenticité » et « raison d'être ».
L'angoisse s'installe. « Colère » est un mot présent depuis 10 ans. A la « violence » s'est ajouté « le refus d'obtempérer ». Devant des « incivilités » grandissantes et des « rodéos urbains », on reste impuissants !
Notre Président de la République a raison, tous ces paradoxes sont « anachroniques » et c'est là un nouvel adjectif que l'on va beaucoup entendre !
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« Migrants, « clandestins », « Ocean Viking » et « OQTF » cohabitent de façon dissonante avec les bonnes consciences vertes et socialement responsables des firmes. Certaines sincères s'essaient vraiment au « capitalisme solidaire ».
Chez les ados, les « piqûres » de l'été en boîtes de nuit ont tamisé toute joie de danser. Insouciance sera-t-il bientôt un mot en voie de disparition ?
Dans le monde du travail, on fatigue dans les « réunions virtuelles » et le « quiet quitting » annonce un profond changement de mentalités. C'est un renoncement à la performance absolue. Cette démission silencieuse confirme que le travail ne passe plus avant tout. Mais on n'est pas à une contradiction près, puisque le mot « haut potentiel » n'a cessé de rôder !
Chaque printemps, les experts des dictionnaires nous analysent les crus lexicaux. Mais la langue, comme nous le disait Montaigne, appartient à ceux qui la parlent. Entendez-vous beaucoup dire « iel » ? « Wokisme » et « autrice », eux, semblent plus admis.
En politique, peu d'espoir : « abstention », « vote utile » ont parcouru une campagne courte. Et c'est avec un chiffre, « le 49.3 », que le jeu politique s'exprime. Plus de majorité pour M. Macron. Qui pourrait dire le nouveau récit de l'ère Macron 2 ? A été formulé « un conseil de la refondation ». On a écrasé les « Uber Files ». Et si on parle de souveraineté, c'est de « souveraineté numérique ».
Dans le digital, la tech et l'IA, les mots pullulent. Face à l'illettrisme en entreprise, on se réjouit de voir les jeunes se réintéresser à la lecture sur « TikTok » grâce à « BookTok » !
Tout est paradoxal cette année, il faut arrêter la guerre sans la faire, saluer une reine respectée qui n'était pas la nôtre. Apprécier les « Phryges ».
Par les mots, on sait déjà qu'un nouvel ordre mondial naît. Le verbe « changer » laisse place à « transformer ». Comme si seuls les liens transdisciplinaires nouveaux allaient faire face à la complexité de notre époque !
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