[Dossier] Quelles sont les offres "data" des régies médias ?
Les régies commercialisent leurs data pour accroître le ROI des campagnes. Revue de détails.
Je m'abonne La data est l'or noir des médias. Son exploitation, qu'elle soit éditoriale, marketing ou publicitaire, sert un même objectif : répondre aux attentes du client, qu'il soit lecteur, abonné ou annonceur. De la définition de segments d'audience qualifiés à l'évaluation qu'offre la Web Analytics en passant par le pilotage en temps réel des campagnes, la data fait foi.
Au-delà des données sociodémographiques sur lesquelles repose historiquement l'analyse de leur performance, les médias exploitent les informations navigationnelles et comportementales de leurs audiences pour accroître le ROI des campagnes des annonceurs. Pour ce faire, les régies s'équipent de DMP (Data Management Platform) et s'entourent d'acteurs technologiques à forte valeur ajoutée (Weborama, Nugg.ad, Ezakus) afin de transformer leurs données brutes en valeur marketing. Les campagnes data peuvent être négociés en direct ("deal privé") ou via les places de marché RTB.
Parce que la valeur de la data naît de son enrichissement et de ses croisements avec d'autres sources, les régies médias ont en effet besoin d'enrichir leur audience au-delà de leurs propres données médias en faisant appel par exemple à des données tierces, voire ecommerce. Une manière pour elles de pallier ce qui leur faisait défaut jusqu'alors : aller jusqu'au magasin et prouver l'efficacité des investissements médias sur les ventes.
Les experts :
- Fabien Magalon, directeur Europe du Sud, LiveRail
- Philipp Schmidt, directeur exécutif, Prisma Media Solutions
- Alexis Marcombe, directeur général délégué au digital, FigaroMedias
- Fabrice Mollier, DGA marketing stratégique innovation, TF1 Publicité
Les incontournables places de marché RTB : les régies programmatiques
Créées en 2012 à l'initiative des principaux groupes médias français, La Place Média(1) et Audience Square(2) sont des ad-exchanges 100% média qui ont relevé le pari de "premiumiser" l'achat RTB (lutte contre la fraude, garantie de visibilité, data de qualité). Leur rôle : enrichir la data des groupes médias et commercialiser en temps réel leurs inventaires.
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Au coeur de l'exploitation publicitaire de la data, ces régies programmatiques sont reconnues pour leur stratégie de création de valeur qui s'appuie sur l'enrichissement des données médias par des données sociodemographiques, mais aussi comportementales de qualification d'audience (centres d'intérêt, habitudes de consommation, intentions d'achat). Leur large bassin d'audience (85 millions de profils qualifiés chez Audience Square par exemple), leur permet de proposer la création de segments sur mesure.
Autre acteur clé de ce marché : 366 Global Territoires, qui agrège les audiences de la PQR. Développée avec Google, la régie s'appuie sur l'expertise technologique de nugg.ad pour proposer six segments adhoc (hauts revenus, décideurs PME-PMI, décideurs des collectivités, responsables des achats du foyer, e-commerce friendly et smart shoppeuses).
Le poids croissant du "deal privé"
Ce terme recouvre un mode d'achat semi-programmatique, qui permet de négocier en direct l'achat-vente de leur inventaire. L'annonceur achète un accès prioritaire (prix plancher fixe) par rapport à d'autres acheteurs, ce qui lui permet d'avoir un droit de regard sur l'inventaire de l'éditeur. Arrivé sur le marché français il y a à peine un an, le "deal privé" pèse désormais pour un tiers du programmatique. Les raisons de ce succès ? Pour Alexis Marcombe, qui dirige FigaroMedias, l'offre data commercialisée en direct par les régies médias se caractérise par un très haut niveau de qualité : "Le taggage y est plus poussé ainsi que la transparence qui offre à l'annonceur une meilleure maîtrise des contextes de diffusion".
En effet, si les annonceurs peuvent acheter des impressions ciblées avec un emplacement connu sur un inventaire premium via les régies programmatiques, ils ne savent pas sur quel(s) site(s) elles seront délivrées. Enfin, en travaillant en direct avec la régie, l'annonceur peut accéder à des datas propriétaires enrichies qui combinent les informations navigationnelles et les données CRM (base de donnée mailing) et offline (diffusion, abonnés).
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1) La Place Média a pour fondateurs Amaury Medias, FigaroMedias, Lagardère Publicité et TF1 Publicité et leurs partenaires : les Groupes 20minutes, aufeminin.com, Boursorama, La Dépêche du midi, Doctissimo, France Télévisions, Marie-Claire, Sud-Ouest et La Voix. La Place Média représente 30 régies médias partenaires, plus de 250 sites médias de marques, travaille avec 300 trading desk et 30 000 annonceurs. Elle agrège une audience de 31 millions de visiteurs uniques et commercialise un inventaire mensuel de 4,5 milliards d'impression.
(2) Audience Square a pour actionnaires 11 des plus grands groupes médias français, dont Les Echos, le Groupe Express Roularta, Libération, le Groupe M6, le Groupe Le Monde et NextRadioTV.
La data éditoriale : la valeur du contenu
De plus en plus d'éditeurs adressent désormais des contenus personnalisés sur la base des goûts et des centres d'intérêts de leurs internautes. Cette utilisation de la data à des fins éditoriales valorise l'inventaire et, par ricochet, les investissements publicitaires. L'adaptation des contenus aux profils des utilisateurs favorise un plus grand engagement, génère davantage de visites et de pages vues, et un meilleur taux de rebond. In fine, l'exploitation éditoriale de la data améliore l'exposition publicitaire.
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La data CRM de l'éditeur : plus de leads
Les groupes médias disposent de nombreuses données sur leurs utilisateurs issues de leurs actions de marketing direct, qui représentent des segments d'audience qualifiée et donc exploitables par les annonceurs. Prisma Media Solutions propose ainsi à ses clients annonceurs d'utiliser sa base de données pour adresser des contenus sponsorisés (ex : newsletter de marque). "Un abonné du magazine Géo recevra la newsletter d'un voyagiste", illustre Philipp Schmidt, qui dirige la régie du groupe de presse. L'éditeur a mis en place d'autres leviers CRM au service des annonceurs : la co-registration est une technique marketing qui permet à l'éditeur de collecter des données au sein d'un formulaire lorsque l'internaute s'abonne, s'inscrit à une newsletter ou souhaite accéder à un contenu premium ; l'éditeur peut y intégrer sur un mode "opt in" une marque partenaire qui propose une offre annexe (newsletter, offre commerciale). L'annonceur est alors facturé par le site éditeur en fonction du nombre de contacts obtenus et de la qualité des leads. La mise en place de jeux-concours sponsorisés, dont la participation est conditionnée au renseignement d'un formulaire, constitue une autre mécanique de gestion de leads.
Retrouvez la vidéo de présentation de l'expertise data de la régie du groupe Prisma :
Une base de donnée média unifiée : vers une "First Party Data" intégrée
L'enrichissement de ce que les professionnels nomment la "First Party Data", c'est-à-dire les données dont les éditeurs sont propriétaires, est au coeur des stratégies business des groupes médias, largement avancés dans leur transformation digitale. De plus en plus, les services marketing travaillent main dans la main pour proposer aux annonceurs des dispositifs data qui permettent de toucher les consommateurs tout au long de leur parcours ("purchase channel"). Prisma Media Solution a ainsi intégré P comme Performance, une agence CRM spécialiste de la monétisation des bases de données rachetée par le groupe en décembre 2012. Le FigaroMedias a créé un pôle data et unifié sa base de données afin de cibler le consommateur à travers l'ensemble des points de contact online (site du groupe, emailing) et offline (voie postale).
À retenir :
Astuce n°1 : Attention à la tentation de l'ultra-ciblage
Si en théorie, segmenter très finement ses audiences est possible du fait de la profondeur qu'offrent les ad-exchanges, les experts conseillent de ne pas dépasser trois variables, au risque de perdre en puissance et en couverture.
Astuce n°2 : Fixez-vous des objectifs clairs
A chaque levier data, correspond un objectif. Si vous visez de la couverture sur cible, l'achat ciblé des "premières impressions", plus chères mais très performantes, est opportun. Mais si votre but est l'acquisition client, la technique du "lookalike" est conseillée.
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Croisez les datas médias et annonceurs
La pratique la plus répandue actuellement est celle du "lookalike" ou "jumeaux statistiques" qui permet aux régies médias de créer des cibles ad hoc pour leurs clients. Via le dépôt d'un tag sur le site de l'annonceur, la régie scanne le profil des visiteurs, et va ensuite identifier dans sa propre base de donnée des profils similaires pour commercialiser des inventaires ciblés sur mesure. Cette approche dite d'extension d'audience se révèle être un levier performant d'acquisition client. Émergent, le croisement des données des annonceurs avec celles des médias recèle un fort potentiel de performance et devrait, selon les experts rencontrés, rapidement se développer sous la forme notamment du "display CRM".
Combiner les data ecommerce
Les régies médias ont en effet besoin de données tierces de source commerciale pour répondre aux attentes de leurs clients qui exigent de la conversion, et non plus simplement de la notoriété. Or, si les données médias constituent un actif de premier ordre en matière d'affinité, leur projection modélisée demeure une approximation statistique et ne sont pas le reflet des comportements réels d'achat des consommateurs, à l'inverse des sites de comparateurs ou des places de marché marchandes comme Amazon ou Le Bon Coin. La stratégie de TF1 Publicité qui s'est alliée avec 3W Régie, régie leader du e-commerce avec 19 millions de visiteurs uniques par mois (Cdiscount, PriceMinister, LaRedoute, Mistergooddeal...), s'inscrit dans cette volonté de parler le langage des acheteurs. Dernière innovation de la régie : le "Spot and shop". L'internaute est invité à cliquer sur une bannière pour acheter un produit, il se retrouve alors directement sur le site du distributeur, son panier rempli. La régie TV a travaillé avec Swaven, spécialisée dans la data des marques de grande consommation, et qui possède la connaissance géolocalisée et en temps réel de la disponibilité des produits et de leurs prix.
La data existe en print et en TV
Les approches marketing centrées sur la data débordent du cadre digital pour irriguer la télévision et la presse. A l'instar par exemple de la campagne print personnalisée qu'a réalisée Prisma Media Solution pour HSBC : afin de déclencher des visites en agence (drive-to-store), la régie a croisé le fichier client de la banque avec ses données médias, en a exclu les clients HSBC, puis a adressé les prospects sous la forme d'une surcouverture personnalisée selon la zone de chalandise. L'offre One Data lancée par TF1 au printemps dernier développe la proximité avec les univers de consommation en intégrant une approche de GRP par produit (GRP café, GRP eaux plates...) dans les outils de médiaplanning, via un partenariat avec Kantar Worldpanel. Afin de prouver l'efficacité de ses campagnes de branding sur les ventes, TF1 Publicité a enfin lancé une étude économétrique croisant 30 mois de "sorties de caisses" (panel Nielsen) et autant d'investissements médias.
A savoir :
Fournisseur : Les régies des groupes médias (M Publicité, Les Echos, FigaroMedias, Prisma Media Solution, TF1 Publicité, M6 Publicité...) et les places de marché programmatique (La Place Média, Audience Square, 366 Global Territoires).
Coût : 3 à 15 euros le CPM (ad-exchanges) et de 8 à 100 euros (régies médias).