[Paradoxe Marketing] L'économie collaborative flatte l'esprit rebelle des Français
Les Français, qui passent pour un peuple très individualiste, ont adopté les pratiques collaboratives en un temps record. Eux qui, à 78 %, regrettent que la société dans laquelle ils vivent ne possède pas de but commun, se sont mis à échanger, vendre, louer entre eux, inventant du même coup de nouvelles formes d'action collective. Un exemple : en 2009, ils n'étaient que 35 % à avoir acheté directement à d'autres particuliers. En 2015, ils sont 55 % (1) . Covoiturage, location de chambres à d'autres particuliers ou financement participatif (crowdfunding) tendent à se banaliser chez les jeunes générations. Et parmi les stars de l'économie collaborative, les start-up françaises se distinguent par leur dynamisme, de Blablacar à Kisskissbankbank.
L'économie joue, bien sûr, un grand rôle. La quasi-absence de croissance depuis 2009 a rendu le quotidien plus difficile. Beaucoup ont trouvé dans les pratiques collaboratives un moyen de limiter les effets négatifs de la crise. Ainsi, la première raison que ses adeptes invoquent est de "faire des économies". Mais ce n' est pas leur seule motivation. La psyché des Français est aussi de la partie.
Toutes les enquêtes d'opinion montrent que les Français n'ont jamais été aussi défiants, non seulement à l'égard de ceux qui les gouvernent, mais également à l'égard de nombreuses institutions comme les entreprises ou la grande distribution. Leurs stratégies iraient à l'encontre de l'intérêt général. Cette défiance est un des ressorts de l'économie collaborative.
La révolution française n'est pas morte
Plutôt que de faire confiance à des organisations soupçonnées de profiter de leur statut de "gros", les consommateurs préfèrent se fier à des consommateurs qu'ils n'ont certes jamais rencontrés, mais qui sont "petits" et qui leur ressemblent.
Au fond, le souvenir de la Révolution française ne s'estompera jamais. Le "co " prospère dans un pays où l'esprit frondeur ne s'est jamais aussi bien porté. La proportion de Français estimant qu'il faut mettre les pieds dans le plat, quitte à enfreindre quelques règles sociales, augmente chaque année.
Les consommateurs ont, aujourd'hui, moins de réserves à délaisser leurs prestataires traditionnels. Dans un pays centralisé, le "sans intermédiaire " a le vent en poupe. C'est le paradoxe de ces nouvelles pratiques collectives. Si les Français se tournent vers d'autres Français, ce n'est pas en vertu d'une nouvelle aspiration à une vision collective. C'est surtout que le collaboratif flatte leur esprit rebelle et satisfait leur demande d'indépendance.
Si la France devient une championne de l'économie collaborative, c'est donc paradoxalement à son individualisme toujours bien actif qu'elle le doit !
(1) Source : Observatoire Sociovision des Français 2015. Depuis 1975, cet observatoire interroge chaque année un échantillon national représentatif de 2 000 Français
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