"Les marques sont désorientées sur le marché du quatrième âge"
À l'occasion du Salon des seniors à Paris (11-13 avril 2013), Benoît Goblot, directeur de Matinal, agence spécialiste de la publicité ciblée sur les seniors, revient sur la difficulté des marques à capter l'attention du quatrième âge, une tranche de la population pourtant peu affectée par la crise.
Je m'abonneLe marché des baby-boomers (50-65 ans) intéresse les annonceurs depuis plusieurs années. Mais pourquoi continuent-t-il à bouder les grands séniors (75 ans et plus) ?
Ils ne les boudent pas. Au contraire, ils observent rigoureusement ce marché car dans quelques années ce seront ces jeunes séniors issus du baby-boom qui prendront la relève sur ce marché du quatrième âge. Et c'est pour cette raison que les marques sont aujourd'hui sur la ligne de départ de ce marché : compte tenu du vieillissement démographique croissant que s'apprêtent à connaître nos sociétés occidentales, le business de ces grands séniors représentera un véritable eldorado pour les entreprises.
Dans ce cas, qu'attendent-elles pour se jeter sur ce marché ?
Les marques sont en plein apprentissage et craignent encore d'y aller parce qu'elles ne savent pas comment faire. Pire, elles sont complètement désorientées sur le marché du quatrième âge. C'est un monde dans lequel elles ignorent tout. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'elles s'obstinent à vendre du rêve à destination d'un marché plus jeune alors que ces séniors là veulent de l'utile. Exemple : ce n'est pas anodin si le secteur de l'automobile se porte mal. Si ces séniors sont la cible à convaincre sur ce marché car ils ont les ressources financières, les constructeurs continuent de s'adresser aux tranches de population plus jeunes pour vendre, ces mêmes tranches que la crise frappe de plein fouet alors que
Quelle est la clé pour mieux convaincre cette cible ?
Il faut prolonger la manière dont ils vivent, les soulager dans leur habitude de consommation. Les marques ont moins intérêt à créer une rupture technologique qu'à adapter leurs produits aux modes de vie de ces séniors. Il peut simplement s'agir de concevoir des produits plus petits pour inciter les personnes âgées à acheter plus souvent et à ne pas porter de lourdes charges.Ce qu'a fait la marque Charal en lançant l'an dernier les steak hachés "Petites appétits" de 80 grammes.
Est-il plus dur de capter la cible du quatrième âge que celle des jeunes séniors ?
Contrairement à la génération du baby-boom, les grands séniors ne sont pas nés avec la société de consommation. Ils ne consomment donc pas de manière boulimique comme les font les 50-65 ans ans. C'est une population habituée à travailler dur, qui s'octroie peu de place pour les loisirs et peu de temps pour s'occuper d'eux-mêmes. Il faut donc leur justifier ce que tel ou tel produit peut leur apporter de plus dans leur quotidien.
Mais parfois, ce sont leurs enfants - les jeunes séniors - qui prennent les décisions à leur place. Au final, n'est-ce pas à eux que les marketeurs doivent s'adresser ?
Ceci n'est qu'une lubie à laquelle il est temps de mettre fin. Les plus de 50 ans sont souvent bien moins aisés que leurs parents. Ils n'ont donc aucune envie de payer à leur place. Sans compter que le quatrième âge est l'une des tranches les moins impactées par la crise. Ils ont les moyens et n'ont pas de loyer à payer puisqu'ils sont en grande majorité propriétaires (selon l'Insee, 72 % des plus de 80 ans sont propriétaires). C'est justement à cause de cela que le plus souvent ces jeunes séniors n'ont qu'une vision patrimoniale de leurs parents. Leur seul but est de veiller à garder le patrimoine de leurs parents intact après leur mort pour mieux en bénéficier.