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Automobile : un marché sous haute tension ?

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Automobile : un marché sous haute tension ?

Interdiction par l'Union européenne de la vente de véhicules neufs équipés de moteurs à combustion à partir de 2035, concurrence accrue des marques automobiles chinoises sur le segment électrique, baisse des volumes de ventes... Pour continuer leur route, les constructeurs historiques doivent adopter une conduite sportive et mettre en avant ce qui fait leur différence : leur capital de marque.

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Il y a dix ans, les ambitions de Tesla sur l'électrique ou les images de visiteurs chinois qui photographiaient sous tous les angles les modèles exposés sur les salons automobiles de Paris, Genève ou Munich pouvaient faire sourire. Ce n'est plus le cas : l'Union européenne va interdire la vente de véhicules neufs équipés de moteurs à combustion à partir de 2035. Les constructeurs installés devront rivaliser avec une concurrence chinoise de plus en plus pressante sur le segment électrique. Freiné en 2022 par la saturation des chaînes logistiques post-covid, et notamment par la pénurie de semi-conducteurs, le secteur automobile a vu, l'an passé, la production de véhicules neufs croître, autant que leurs ventes, à respectivement 76 et 72 millions d'unités (+10 %).

Chine-Europe : le bras de fer débute

Un tiers de la production est réalisé en Chine, qui pèse également un tiers des ventes. Et si, pendant longtemps, les constructeurs internationaux construisaient des usines en Chine pour alimenter le marché local, désormais les constructeurs chinois s'exportent à l'international. Les BYD, Changan, Wuling, Geely, Chery ou encore MG, Nio, XPeng, Omoda ou Hongqi ont exporté près de 4,1 millions de véhicules l'an passé, soit 58 % de plus qu'en 2022. De quoi bouleverser un marché européen qui peine à renouer avec les volumes de 2019, malgré une croissance de 13,7 % des immatriculations en 2023 à 12,84 M, contre 15,8 M quatre ans plus tôt.

Selon AlixPartners, qui dévoilait un rapport sur le sujet fin juin, les constructeurs chinois vont peser "70 % du marché chinois en 2030", progressant de "7 % par an entre 2024 et 2030", tandis que les marques étrangères "y déclineront de 3 %". En parallèle, ils devraient "doubler leur part de marché en Europe à 12 % en 2030", tandis que les constructeurs européens passeront de leur côté de "64 % cette année à 59 % en 2030."

Un modèle en surrégime ?

En Europe, la technologie et surtout le prix comptent parmi les principaux critères de choix d'un véhicule automobile selon une récente étude menée au printemps dernier par Dailymotion Advertising auprès de 14 000 consommateurs européens, dont 27 % avaient un projet d'achat automobile à court terme. Si 45 % des intentionnistes se tournent vers les prix de l'occasion, une part importante des 18-29 ans (38 %) privilégie les voitures neuves, autant par technophilie que par conviction environnementale. Les constructeurs chinois se distinguent dès lors par leur capacité à produire en masse des véhicules électriques ou hybrides performants, dotés des dernières technologies embarquées, le tout à des prix plus qu'abordables. Selon AlixPartners, les ingénieurs chinois travaillent "70 à 100 heures par mois de plus que ceux des constructeurs occidentaux", qui n'arrivent pas à suivre la cadence et renouvellent leurs gammes deux fois moins vite.

Mais la force de la Chine peut aussi être sa faiblesse : alors que le gouvernement américain a multiplié par quatre les taxes à l'importation de véhicules produits en Chine, l'UE a adopté des hausses des droits de douane allant de 17,4 % pour BYD à 37 % pour MG, selon les aides supposées dont bénéficient ces constructeurs. Les constructeurs chinois ont pris les devants et importé des dizaines de milliers de véhicules qui saturent désormais les parkings des ports et des concessions, la demande pour ces véhicules électriques ou hybrides étant loin d'être au niveau qu'ils espéraient. Selon AlixPartners, l'électrification du parc automobile européen n'est que de "14 % en 2024, et devrait monter à 41 % en 2030." Là aussi, les enjeux réglementaires sont nombreux, tant les politiques de soutien à l'achat de véhicules électriques ou hybrides, mais aussi au développement du réseau de recharge à domicile et en itinérance sont susceptibles de doper la demande.

Mais Louis-Carl Vignon, président de Ford France, est optimiste : "Les chiffres d'EDF et de Vinci convergent : les véhicules électriques pèseront entre 60 et 70 % des ventes de véhicules neufs en 2030. Plus l'offre sera importante, plus les consommateurs passeront à l'électrique. Et croyez-moi, ceux qui franchissent le pas ne reviennent pas en arrière." Pour se démarquer, le constructeur américain mise sur la fidélité des clients qui fréquentent les quelque 600 concessions et ateliers de son réseau, mais aussi sur l'iconicité de ses modèles.

Vers une bataille de branding

Malgré des produits convaincants à des prix abordables, il manque deux éléments au marketing-mix des constructeurs chinois : le réseau de distribution et la notoriété de leurs concurrents. "Avec nos modèles Ioniq, nous avons été parmi les premiers à proposer toute une gamme en motorisation hybride ou 100 % électrique, explique Clémentine Autunes, directrice marketing et communication de Hyundai Motor France. Mais la clé réside aussi dans notre capacité à mailler et animer un territoire grâce à nos points de vente. Ce sont eux qui assurent l'entretien et le suivi des véhicules vendus. C'est le gros point faible de la concurrence chinoise, qui est très agressive sur les prix, mais qui, sans concessions, sans ateliers et sans même une usine en Europe, n'apporte pas de garantie en matière de réparation ou de facilité à se procurer des pièces détachées. Un véhicule, c'est avant tout une liberté. À quoi sert-il s'il est en panne ?", demande Clémentine Autunes, qui rappelle que le marché automobile n'est pas comparable à celui du prêt-à-porter, totalement disrupté par Shein.

Toutefois, la faible implantation chinoise en Europe ne devrait pas durer : BYD ouvre en 2025 une usine en Hongrie et vient de signer un accord avec la Turquie pour implanter à moyen terme dans le pays un autre centre de production européen. Reste donc le capital de marque des constructeurs, dont beaucoup ont forgé l'imaginaire de générations entières, grâce au cinéma, au sport automobile, aux jeux vidéo ou en étant la voiture familiale par excellence. Un capital qui s'entretient via des activations publicitaires, lesquelles permettent autant de moderniser la marque que de mettre en avant ses innovations responsables : selon Kantar Media, Peugeot, Volkswagen, Nissan et Fiat se classent ainsi dans le Top 5 des annonceurs ayant le plus pris la parole via des campagnes RSE en 2023.

Mais là aussi, les constructeurs chinois ne sont pas en reste : il y a une vingtaine d'années, NAC prenait un raccourci en rachetant MG, fameux constructeur britannique, et était jusqu'à présent l'un des rares à miser sur la publicité pour entretenir la notoriété de son acquisition. C'était sans compter sur BYD, qui s'est fait un nom en devenant sponsor officiel de l'Euro 2024 en Allemagne, prenant de vitesse les constructeurs nationaux, dont Volkswagen, précédent partenaire de la compétition...


Louis-Carl Vignon, président de Ford France : "Nous revendiquons notre ADN américain"


Marque mythique, Ford fait le grand saut électrique et prévoit d'investir 50 milliards de dollars entre 2017 et 2025 pour poursuivre sa quête de la neutralité carbone. Explications.


Emarketing.fr : Pourquoi Ford réalise un tel investissement dans les nouvelles motorisations ?

Louis-Carl Vignon : Ford, c'est 120 ans d'histoire, ce qui fait de nous l'un des plus vieux constructeurs au monde. Nous avons été la première marque automobile globale, et avons toujours su innover, que ce soit dans notre manière de produire ou dans nos véhicules eux-mêmes. Nous avons toujours des Ford au sein de l'entreprise, qui font vivre la vision d'Henri Ford : la mobilité est un facteur de progrès et améliore la vie des gens. Nous avons été parmi les premiers à parler de RSE dans les années 90, avec notre approche "corporate citizenship". D'où cette volonté de diminuer l'impact de notre activité, en accord avec les objectifs du GIEC.

Où en êtes-vous de vos efforts d'électrification ?

L.-C. V. : Nous avons jusqu'à présent rencontré un franc succès avec notre Mustang Mach-E hybride et 100% électrique. Désormais, nous lançons un autre modèle mythique, l'Explorer vendu à 8 millions d'exemplaires dans le monde, en version 100% électrique. C'est un modèle désigné pour l'Europe, et produit dans notre usine de Cologne qui a été modernisé pour l'occasion. Ensuite, nous dévoilerons en 2025 notre SUV urbain Puma, ainsi que nos modèles Tourneo et Transit, qui comptent parmi les utilitaires les plus vendus en Europe. Nous avons décidé de remanier notre gamme, afin de nous focaliser sur les modèles les plus emblématiques. Le tout en renouant de façon plus explicite avec nos "valeurs" américaines : la liberté, la découverte, les grands espaces et la technologie.

Est-ce un moyen de gagner en agilité, afin de rivaliser avec la concurrence, notamment chinoise ?

L.-C. V. : Avant, on disait qu'il y avait cinq ans entre le premier coup de crayon et la sortie d'un nouveau modèle. Les motorisations électriques ont changé la donne, car elles sont bien plus simples à développer. Nous avons mis deux ans pour sortir la Mach-E, et nous pensons que nous avons de solides arguments à faire valoir auprès de nos clients, qui nous sont fidèles, mais aussi de l'ensemble des amoureux d'auto : plus de la moitié de nos clients Fiesta renouvelle leurs véhicules en passant sur Puma, tandis que 80% des acheteurs de Mach-E n'étaient pas clients auparavant.


BYD, un rêve devenu réalité

Fer de lance de l'offensive chinoise sur le marché automobile mondial, BYD, pour Build Your Dream, est devenu le premier constructeur électrique mondial devant Tesla au 4e trimestre 2024, après avoir détrôné Volkswagen et Toyota sur son marché intérieur, toutes motorisations confondues. En juin dernier, la marque tenait son rang lors du Salon de l'auto de Shenzhen, avec un espace de démonstration de 50 000 m2 qui lui a coûté la bagatelle de 128 millions d'euros. Le constructeur a pu présenter l'ensemble de sa gamme, dont l'emblématique Seagull, une petite citadine électrique qui sera commercialisée en Europe dès l'an prochain à partir de 20 000 euros.


 
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