Comment Vichy a positionné sa marque sur un sujet de société tabou
À l'occasion de la refonte de sa gamme pour peaux matures Néovadiol, les laboratoires Vichy (groupe L'Oréal) ont choisi de s'emparer d'un sujet tabou : la ménopause. La marque, accompagnée de l'agence Ctzar, a pris le parti d'une communication positive et engagée grâce au concept de #Menopositivity.
À sujet tabou, campagne audacieuse. Alors que la ménopause touche, en France, 10 millions de femmes, et plus de 500 000 autres chaque année, Vichy, marque du groupe L'Oréal, a choisi de préempter le sujet. S'il s'agissait, en première intention, d'installer le rebranding de sa gamme Néovadiol* - qui répond aux problématiques des peaux matures (rides, relâchement, taches...) des femmes en pré et post-ménopause -, et de faire de Vichy l'acteur expert des peaux ménopausées, la marque a très rapidement pris conscience de la contribution qu'elle pourrait avoir dans la libération de la parole des femmes et dans le changement de regard de la société sur les femmes de plus de 50 ans. "À partir du repositionnement de la gamme Néovadiol, avec un nouveau packaging, une nouvelle formule et un nouveau produit, nous avons imaginé une campagne média qui allait au-delà d'une prise de parole produit - ce dernier est quasiment devenu un prétexte - pour libérer la parole des femmes", raconte Fanny de Jenlis, alors directrice de la communication France et de l'influence pour Vichy et Skynceuticals, et depuis avril 2022, directrice communication développement durable (Sustainability Communication Director) du groupe L'Oréal.
La marque sollicite plusieurs agences dont l'agence de marketing d'influence Ctzar pour répondre à ses ambitions "d'apporter une expertise et des produits adaptés, et de concevoir une campagne d'influence complémentaire au film publicitaire Néovadiol", poursuit Fanny de Jenlis : "Ctzar nous a apporté une idée nouvelle, très engagée et positive : le concept de #Menopositivity, qui a tout de suite été adopté en interne au sein du groupe L'Oréal." Même si le sujet de la ménopause est peu discuté sur les plateformes sociales, l'agence de marketing voit en effet rapidement "l'opportunité représentée par les réseaux sociaux, vecteurs de changement de la société, partage Camille Olivier, Managing Director et co-fondatrice de Ctzar, à l'instar des mouvements Me too et de 'body positivity'. Nous avons souhaité créer ce parallèle avec le mouvement de #Menopositivity, qui signifie que la ménopause est certes une fatalité, mais que la façon dont on va la vivre peut, elle, être positive".
Des posts Instagram... à la lettre d'engagement
#Menopositivity - contraction de ménopause positive - s'appuie donc sur la tendance de la sororité sur les réseaux et invite toutes les femmes, ménopausées ou non, à s'emparer du sujet. "Pour lever le tabou, il est essentiel d'éduquer largement, hommes compris, sur le sujet", affirme Camille Olivier. La campagne prend forme avec un premier volet, en octobre 2021, pour éveiller la curiosité. À partir du 1er octobre, 11 femmes (3 profils non rémunérés de moins de 30 000 followers, 3 profils rémunérés ayant entre 3 et 30K followers et 7 profils rémunérés à 125K followers en moyenne) publient sur Instagram le témoignage de leur expérience de la ménopause et annoncent l'engagement de Vichy sur le sujet. Elles incitent également leurs communautés à partager des contenus #menopositivity.
Ce premier temps fort est complété par l'organisation d'une table-ronde animée par la journaliste quadragénaire Virginie Guilhaume durant laquelle Gaëlle le Fur, sociologue, Charles Taieb, docteur en médecine et auteur du rapport Peau M, Hélène Giuliano, directrice marketing en France des Laboratoires Vichy et des influenceuses - échangent sur la thématique. La table-ronde est diffusée le 18 octobre, journée mondiale de la ménopause, sur le site Web de Vichy, ainsi qu'en native advertising sur grand-mercredi.com qui s'adresse à une audience senior. L'idée : montrer que Vichy a un rôle à jouer dans l'accompagnement global des femmes, par le prisme dermatologique, mais pas seulement. Toutes les participantes portent à cette occasion un foulard co-créé avec l'artiste Léandre Cornette de Saint Cyr. "Tout mouvement a besoin d'un emblème", prône la Managing Director et co-fondatrice de Ctzar. Produit à 2000 exemplaires, ce dernier a été envoyé aux influenceuses, au management de L'Oréal, ainsi qu'aux consommatrices Neovadiol pour tout achat en ligne. En parallèle, une lettre d'engagement est publiée dans le magazine Elle : "La lettre est une prise de parole positive, libérée et solidaire de Vichy. C'est un symbole", commente Fanny de Jenlis.
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Enfin, afin d'amplifier la visibilité des engagements de Vichy, Ctzar a noué des partenariats avec des personnalités telles que Valérie Tribes, créatrice du podcast Chiffon, l'actrice Juliette Tresanini, ou encore la journaliste et créatrice de la marque Sisterhood Elsa Wolinski.
Un reach 157 fois plus élevé que l'objectif
Le deuxième volet est ouvert en avril 2022, avec la promotion de Ménocoach, le programme d'accompagnement des femmes en période de pré ou de post-ménopause sur tous les symptômes liés (gynécologiques, dermatologiques, prise de poids, bouffées de chaleur et perte de l'estime de soi, notamment). 10 influenceuses - dont 5 avec 100 000 followers en moyenne qui ont déjà participé au premier volet de la campagne - suivent le programme pendant un mois, puis racontent leurs impressions dans un "reel", une vidéo sur Instagram. Des extraits de la table-ronde d'octobre sont partagés ainsi que des gifs #Menopositivity créés pour l'occasion.
"Les résultats dépassent nos espérances, se réjouissent Camille Olivier et Fanny de Jenlis. Au lieu d'un ou deux posts par influenceuse, comme cela était prévu, elles en ont fait beaucoup plus et ont ouvert des lives spontanés sur leurs réseaux sociaux. Les commentaires de leurs communautés ont également été très positifs." Ainsi 9 mois après le début de la campagne, plus de 547 posts permanents et stories ont été créés par les influenceuses, dont 339 sans rémunération, en "bonus". Le reach pour les volets 1 et 2 atteint le chiffre de 4,9 millions, soit 157 % de plus que l'objectif. L'engagement est de 2,7 % - "À partir de 2 %, pour de l'influence pour une marque, nous sommes contents", glisse Camille Olivier.
Alors qu'un troisième volet de la campagne s'est déployé en octobre 2022, le mouvement ambitionne de s'inscrire dans la durée. "Il y a encore beaucoup à faire pour faire tomber le tabou et l'influence, grâce à des témoignages authentiques, a un rôle à jouer pour que le grand public s'empare du sujet", relève encore Camille Olivier.
* numéro 1 des soins pour les peaux ménopausées en Europe
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