RSE et marque employeur : Le gaming se la joue inclusif
En janvier 2022, l'Observatoire des inégalités était à l'origine d'une belle opération avec son agence Herezie : le Monopoly des inégalités, qui permet de découvrir, de manière ludique, les inégalités salariales entre les hommes et les femmes, ou encore les inégalités d'accès à l'emploi et au logement pour les personnes issues de l'immigration. Le jeu se la joue "serious" pour s'imposer comme levier de prise de conscience et d'empathie. Les joueurs ont la réputation d'avoir le coeur sur la main. Heureusement pour les associations caritatives, qui voient, au travers des jeux vidéo et surtout des livestreams, un nouveau moyen de lever des fonds pour leur bonne cause.
Créé en 2016 par Dach et ZeratoR, le Zevent, par exemple, rassemble les streamers les plus connus de la scène francophone qui se relaient pour réaliser des défis vidéoludiques en live. Plus leurs communautés respectives se mobilisent et donnent, plus les défis sont importants. En 2021, l'événement permet pour la première fois de récolter plus de dix millions d'euros au profit d'Action contre la faim. Une initiative qui fait des émules : l'association Coucou Nous Voilou, qui veut améliorer le quotidien des enfants hospitalisés et a vu ses financements fondrent de 80 % pendant la pandémie, a imaginé, avec l'organisme We Are Esport, le projet Good Game For Children, dont l'émission en livestream le Grand 8 a permis de lever plusieurs dizaines de milliers d'euros. Un projet récompensé par les 1er trophées du Gaming de Marketing Magazine.
Mais l'organisation d'événements caritatifs n'est pas le seul moyen d'utiliser le jeu comme un moyen de lutter contre les inégalités, comme l'explique Arthur "Brozak" Lesueur, le président de We are Esport, et ancien joueur professionnel : "Nous avons la volonté d'accompagner la génération actuelle dans la pratique de l'eSport, et de rendre celle-ci plus accessible en maximisant la diversité. C'est ce que nous faisons aussi vis-à-vis des entreprises, avec par exemple l'organisation d'un événement comme Good Game for Students, un tournoi caritatif interentreprises dont le but est de mettre en relation les marques et des jeunes. Trois employés sont coachés par deux étudiants, dans le but de créer une équipe de League of Legends. Les marques participent en donnant à l'association Du beurre dans les épinards, qui lutte contre la précarité étudiante, et en proposant des stages, des alternances ou des contrats aux étudiants."
Faire carrière grâce à l'eSport
Pour aller plus loin, We Are Esport a mis en place fin 2021 un club, avec l'aide de la Mairie du 15e arrondissement de Paris, de Cora France et d'Audencia. Nommé ViV, son but est d'identifier et d'accompagner les jeunes ayant un potentiel pouvant les mener jusqu'à une pratique professionnelle de l'eSport. En 2023, la structure ambitionne d'ouvrir un espace physique pour accueillir le grand public et donner corps à ces ambitions. Un projet à mi-chemin entre le VHive de Team Vitality, espace expérientiel dans le 3e arrondissement parisien, et la Tony Parker Adéquat Academy, école située à Lyon et sponsorisée par l'ancien basketteur et l'entreprise d'intérim Adéquat, dont le but est d'accompagner les jeunes eSportifs dans leur quête d'un contrat pro, mais aussi donner une formation à ceux qui échouent, afin de trouver un travail dans l'univers de l'eSport, mais aussi plus largement dans le gaming, la création de contenus et dans d'autres secteurs divers. Un moyen pour Adéquat de travailler sa notoriété et sa considération, mais aussi d'engager les nouvelles générations, dont le rapport au travail a profondément évolué ces dernières années, entre le développement de l'auto-entrepreneuriat et des phénomènes "Big Quit", soit le fait de démissionner plus facilement qu'auparavant, même sans avoir d'autres perspectives, ou "génération FIRE", qui exprime la volonté d'être indépendant financièrement le plus tôt possible pour devenir "rentier".
Pour fédérer et fidéliser ses employés en quête de sens ou d'un salaire plus élevé, et pour recruter des nouvelles générations qui ne sont pas forcément très attirées par le secteur bancaire, la Société Générale s'est emparée du sujet du gaming dès 2018, en complément de ses actions dans le rugby et l'handisport, comme l'explique Sébastien de Cagny, responsable publicité à l'origine de ces initiatives : "Nous sommes un groupe de 140 00 employés. Pour resserrer les liens des collaborateurs dans le monde, nous avons lancé un tournoi international sur Fortnite, ouvert aux collaborateurs et à leurs enfants. Plus de 3 000 personnes ont participé à cette nouvelle initiative, qui a été saluée car il y a eu une vraie communion. Nous avons fait la finale en live sur Twitch. Après deux ans de pandémie et de réunions à distance, c'est un bon moyen de fédérer différemment !" Fortnite a également été utilisé par la Société Générale dans le cadre de l'opération la "Détection", imaginée avec Doigby : reprenant le format Battle Royal du jeu, le concours vise à faire s'affronter des candidats, le dernier survivant pouvant gagner un contrat de joueur pro.
"Certains tournois ont rassemblé jusqu'à 40 000 inscrits, et deux joueurs ont décroché des contrats sur des tournois pro à l'issue de l'événement. Notre mission, en tant que banquier, est de donner la possibilité aux jeunes de montrer leur talent", avance Sébastien de Cagny, qui a déployé le concept sur d'autres jeux, comme les échecs, et a également utilisé le gaming pour adresser les enjeux handisports chers à la Société Générale : "Nous avons voulu allier l'handisport, que nous sponsorisons depuis 20 ans, et le gaming pour favoriser la représentation des personnes en situation de handicap dans le jeu vidéo. Nous avons déployé un Handi Skin : tous les personnages ont été personnalisés avec un handicap dans le jeu Among Us, dévérouillant aussi de nouveaux pouvoirs ! Il faut créer davantage de personnages en fauteuil roulant dans les jeux", indique le responsable, qui dresse malheureusement un constat équivalent quant à l'absence de femmes dans l'eSport professionnel, quand bien même les joueuses représentent la moitié des personnes jouant aux jeux vidéo.
La Société Générale s'est notamment associée à l'incubateur Women in Games, qui oeuvre à la féminisation du secteur en accompagnant les femmes dans leurs projets relatifs au gaming, de l'obtention d'un job à la création d'une entreprise ou d'une carrière de joueuse pro. En la matière, il y a encore beaucoup de progrès à faire : alors que 77 % des joueuses indiquent avoir déjà été victimes de harcèlement sexiste lors d'une partie, en mai 2022, le joueur professionnel norvégien de CS : GO Joakim "Jkaem" Myrbostad, invité par l'agence YStory, s'est fait passer pour sa consoeur Julie Stårvik, aka "Juliestar", modifiant également sa voix, afin d'en avoir le coeur net. Après une partie d'insultes et d'allusions salaces, il en est ressorti ébranlé, indiquant qu'il n'arriverait pas à jouer à son meilleur niveau dans ces conditions... À quand un jeu pour dénoncer ces inégalités et lutter contre la toxicité de certains en ligne ?
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