[Tribune] Est-ce bien au design de porter vos responsabilités ?
La responsabilité n'est pas un support esthétique et encore moins une occasion de communiquer, affirme Pierre Berget, Fondateur et directeur de création de l'agence Be Dandy.
Je m'abonneQuand les injonctions environnementales, mettent les annonceurs face à leurs responsabilités, il n'est pas rare d'en voir certains tordre leur positionnement. Oubliés leur réalité, leur histoire ou même leurs produits. Tous les actifs de marque passent à la machine, programme : greenwashing. Codes graphiques, discours, imaginaires, tous les registres de l'engagement au militantisme finissent par être essorés, vus et revus, galvaudés. Quand la grande majorité des marques portent leur politique RSE en étendard, comment rester crédible et visible au milieu des hordes de drapeaux verts ?
Les agences de branding n'ont pas fini de le rappeler : l'uniformisation des discours va à l'encontre même du rôle de la marque, se différencier. Tout le défi réside dans la combinaison des exigences de l'époque avec ce qui permet fondamentalement à la marque d'émerger : sa culture, sa vision, sa promesse, en bref, sa réalité.
Le changement n'est pas dans la forme, il est structurel. Pour les agences de branding, il se traduit de deux façons : dans les modes de production et dans le conseil. D'un point de vue des modes de production créative, il s'agit de penser en amont des logiques plus vertueuses. Dans le choix des matières, des modes de transports, dans l'écoconception d'un produit ou d'un site web. Sourcer des partenaires fabricants durables, par exemple, constitue une action dont l'engagement se suffit à lui-même. Ces engagements se prennent, en premier lieu, parce qu'ils sont nécessaires, pas pour faire l'objet d'une prise de parole opportuniste.
Etre "green" ne se décide pas
D'un point de vue du conseil, la meilleure façon de faire de ses engagements environnementaux un levier de différenciation pertinent et efficace, est de les intégrer à la réflexion stratégique comme composante de l'identité et du positionnement plutôt que comme fin absolue. C'est un travail de connexions plus que de correspondances. Une nouvelle pièce au puzzle de la marque, et non son image finale.
Si les fondations de la stratégie reposent sur la seule volonté d'établir un positionnement écoresponsable, ce qui s'y ajoutera restera bancal. Pourquoi ? Parce qu'on ne décide pas d'être "green". La responsabilité n'est pas un vernis, c'est un liant. Elle est déjà présente dans les concepts, elle anime la marque de l'intérieur et permet de proposer une expérience totale. Ce n'est pas une réponse aux injonctions contemporaines, c'est un mode d'action qui vient appuyer les convictions du client.
La responsabilité n'est donc pas un support esthétique et encore moins une occasion de communiquer. C'est un enjeu stratégique qui doit être intégré à la réflexion de marque en amont et dans la stratégie même de l'entreprise. La responsabilité ne peut plus être envisagée comme une seule stratégie de communication, ou pire, comme une identité à part entière. La responsabilité s'exerce, elle ne se proclame pas.