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Média : la baisse du CO2 en quête d'un retour sur investissement

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Grâce à la loi et à des stratégies volontaristes, les bonnes pratiques responsables ont fleuri dans le secteur publicitaire en 2023. Mais cette dynamique se poursuivra-t-elle, alors que le contexte économique bouleverse les priorités des marques et des médias ?

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Quatre ans après la Convention citoyenne pour le climat, des publicités pour des SUV sont toujours bien visibles. Mais, depuis l'entrée en vigueur de la loi Climat et résilience qui en découle, promulguée le 22 août 2021, et qui pousse, entre autres, les annonceurs se disant responsables à réduire l'empreinte de leurs campagnes, force est de constater que les régies publicitaires se sont globalement mises au diapason. "La mesure et la baisse de l'empreinte carbone des campagnes ont agité le marché au premier semestre 2023. Les agences et les annonceurs ont été particulièrement attentifs à la manière dont les régies pouvaient les accompagner face à ces enjeux. D'où la multiplication des calculettes lancées sur le marché", explique Karine Rielland-Mardirossian, directrice générale déléguée digital chez la régie MEDIA.figaro qui, au même titre que Les Échos-Le Parisien et Le Monde, a déployé l'an passé sa calculatrice sur la base du référentiel du Syndicat des régies Internet (SRI).

Des acteurs du digital à la TV, sans oublier la radio ou l'affichage, toutes les filières se sont dotées d'outils similaires depuis 2022. Une charge de travail importante, qui, selon elles, n'a pas toujours trouvé d'écho chez des annonceurs déjà en proie à la complexité du marché et du contexte économique. "Les régies font beaucoup d'efforts pour répondre aux demandes des agences. Néanmoins, on a vu en 2023 un ralentissement des investissements des annonceurs sur la RSE, au profit des budgets dédiés à la promotion des ventes. La RSE est incontournable, mais elle ne permet pas de gagner des parts de marché !", constate Olivier Lagoutte, directeur marketing et études de Reworld MediaConnect.

Le défi de l'harmonisation

"Nous nous sommes mobilisés pour proposer des campagnes low carbon, des bilans ou encore des formats solidaires avec Goodeed, mais les demandes se comptent sur les doigts de la main... ", abonde Marie-Noëlle Le Moal, directrice de la stratégie marketing et de l'innovation chez NRJ Global, évoquant la difficulté d'utiliser ce nouveau KPI qu'est l'empreinte carbone au quotidien : "Pour obtenir une vision unifiée, il faut solliciter de nombreuses régies, sur des canaux où les méthodologies ne sont pas toujours harmonisées... C'est lourd, et on ­s'attend en 2024 à voir apparaître des solutions plus simples et automatisées". Ainsi, "la RSE reste un enjeu de premier plan pour les membres de l'Union des marques, comme en témoignent le dynamisme des membres du programme FAIRe, ou encore le développement du métaréfé­rentiel One Frame, dont l'ambition est de contribuer à harmoniser les méthodes de calcul de l'impact carbone, en France et à l'inter­national", réagit Sophie Roosen, directrice marque & impact au sein de l'Union des marques, qui mettait One Frame à jour début 2024 en intégrant les dernières évolutions des référentiels du Syndicat national de la publicité télévisée (SNPTV), du SRI et de ­l'Alliance digi­tale, mais aussi ceux du Bureau de la radio ou du secteur événementiel.

Harmonisation et simplification sont ainsi plus que jamais les mots d'ordre des régies qui veulent faciliter la vie de leurs clients. Le tout en oeuvrant à la réduction de leur impact, et en profitant, au passage, pour présenter leur média comme le plus performant. "L'affichage a toujours été un symbole, puis un bouc émissaire. Nous avons donc pris les devants en adoptant dès 2021 une stratégie visant à réduire de 20 % notre impact carbone d'ici 2025, sur la base des données de 2019. Nous avions déjà réduit ce chiffre de 19,5 % en 2022 !", se réjouit ainsi Stéphane Dottelonde, président de l'Union pour la publicité extérieure, ajoutant que, rapportée au nombre de faces, "la communication extérieure est moins énergivore et moins impactante que les autres médias pour toucher des audiences comparables". Antoine Ganne, délégué général du SNPTV, rappelle quant à lui que "chaque média a ses spécificités, ses cibles et ses résultats, et il est difficile de faire des comparaisons sur la simple base du coût carbone. Les régies ne peuvent agir directement que sur une petite partie de l'impact, mais nous échangeons avec les agences et des acteurs comme EcoProd pour étendre la portée de notre calculatrice à la production des spots, tandis que nous travaillons beaucoup avec le SRI, la radio ou la presse pour mettre en place des outils de mesure plurimédia. Enfin, nous ambitionnons de donner aux annonceurs un accès direct à notre calculatrice dans les premiers mois de 2024".

Entre innovation et sobriété

Pour se distinguer, les régies ont également misé sur l'innovation. "Nous avons signé avec Greenbids un partenariat permettant de baisser de près de 80 % le nombre d'enchères programmatiques inutiles, tout en mesurant l'impact des campagnes en temps réel pour le compte des annonceurs et de leurs agences", détaille Olivier Lagoutte. Même approche du côté de MEDIA.figaro : en faisant le tri dans ses fichiers ads.txt(1), qui répertorient les tiers autorisés à vendre les espaces publicitaires d'un site, la régie a diminué le nombre de requêtes programmatiques inutiles, réduisant de 75 % l'impact de ce mode d'achat. "Et cela sans nuire à la performance des campagnes, au contraire, puisqu'en rendant l'affichage plus rapide, nous offrons une meilleure visibilité", indique Karine Rielland-Mardirossian, mentionnant également le lancement de Greenview par MEDIA.figaro, "un outil qui permet de compresser les assets vidéo sans perdre en qualité, mais en diminuant de 70 à 80 % l'impact des vidéos. Nous offrons cet outil à nos clients".

On retrouve des initiatives similaires en TV. Dans ses CGV 2024, TF1 dévoile Autopilot, un outil gratuit, ajustant la pression publicitaire selon si le mix énergétique du moment est plus ou moins carboné. De quoi diminuer l'empreinte des campagnes de 3,7 % en moyenne. Du côté de Canal+, l'intelligence artificielle (IA) est aussi utilisée pour réduire de 30 % les émissions liées à la consommation vidéo de MyCanal en adaptant automatiquement le débit de la connexion utilisée à la nature de l'image diffusée. Enfin, pour baisser l'impact de la pub, il s'agit peut-être tout simplement... d'en faire moins ! Une approche adoptée par NRJ dans le cadre de sa stratégie "Less is more" : "En revenant à 9 minutes de temps publicitaire par heure, contre 17 en moyenne auparavant, nous avons augmenté nos audiences de 5 %, et notre temps d'écoute de 9 minutes, tout en permettant aux annonceurs de mieux émerger, en suscitant plus d'attention publicitaire et une hausse de 18 points de considération et d'intention d'achat", indique Marie-Noëlle Le Moal. NRJ a également baissé l'impact de ses campagnes en arrêtant d'indiquer à ses clients le poids maximum des assets pour une campagne. "Ils ont tendance à se rapprocher de cette limite. Indiquer un poids minimum a permis de baisser de 87 % la taille moyenne des fichiers, sans perdre en qualité !" Une sobriété qui s'impose également en réponse au contexte économique : "Des productions plus sobres vont coûter moins cher, souvent sans diminuer les performances", indique Sophie Roosen, donnant en exemple la baisse de la durée des spots vidéo, qui réduit l'impact des campagnes tout en améliorant le taux de complétion.

Aller au-delà du carbone

Pour simplifier le choix d'une régie en s'assurant qu'elle adopte des pratiques responsables, les annonceurs et agences pourront enfin compter sur le Sustainable Digital Ad Trust lancé par le SRI en début d'année. "Depuis l'arrêt du label Digital Ad Trust fin 2022, le marché et nos adhérents attendaient que nous lui donnions une nouvelle dimension, moins quantitative et intégrant tous les sujets de la transition. Nous avons pris cette fois les choses à l'envers, en ouvrant plus largement cette initiative et en mettant en place une grille de lecture permettant de se situer sur une échelle d'enga­gement positif, mettant en lumière les actions à mener pour aboutir à une responsabilisation du marché. Désormais, nous sommes dans une phase de collecte et de souscription auprès des régies", explique Hélène Chartier, directrice générale du SRI.

Contrairement au DAT, où le fait de remplir ou non un critère était figé, le SDAT se veut ainsi plus gradué. Une approche saluée, car les chantiers sont encore nombreux et ne se limitent pas au carbone, comme le rappelle Stéphane Dottelonde : "Ce n'est qu'une partie de l'empreinte environnementale de la publicité. Il faut aussi inclure la pollution de l'air, de l'eau, ou encore l'impact sur la biodiversité..." Il est rejoint par Olivier Lagoutte : "L'ONU a mis en place 17 critères d'engagement RSE ! Il y a aussi la lutte contre les fake news qui polluent le débat public. D'où l'inté­rêt du SDAT, qui coche toutes les cases de la publicité responsable, en adressant les enjeux de brand safety et de brand suitability. Au total, les régies sont notées sur 33 points et doivent obtenir un scoring dont le minimum est régulièrement réévalué pour obtenir le label". Ainsi, si la diminution de ­l'empreinte carbone de la pub est appréciable, "il faut aussi souligner les travaux menés en matière d'accessibilité des contenus. En 2023, le marché s'est emparé du sujet au travers des prises de position de l'Union des marques et de l'AACC, avec le soutien de l'Udecam, de l'ARPP ou encore du SNPTV, pour une vraie mise en place des sous-titrages et de l'audiodescription des publicités", note Sophie Roosen.

Là encore, les arguments mis en avant pour encourager l'adoption de ces pratiques sont les mêmes que pour le CO2 : simplicité et gain de performance. De nombreuses régies proposent de prendre en charge à leurs frais le sous-titrage des spots de leurs clients, qui émergeront ainsi plus facilement auprès des 7 millions de malentendants que compte le pays. Et l'on peut s'attendre à ce que de telles initiatives animent 2024, comme en témoigne l'approche de TF1, qui a dévoilé en début d'année Impact Screens, des écrans publicitaires dédiés à la promotion de produits/services plus respectueux de l'environnement, garantis d'origine française, issus de l'économie circulaire ou encore dont les spots sont disponibles en audiodescription.

(1) Ads signifie Authorized Digital Sellers. C'est une initiative de l'IAB permettant de lutter contre la fraude publicitaire, en donnant aux éditeurs un meilleur contrôle des fournisseurs autorisés à commercialiser leurs inventaires, mais aussi aux annonceurs et aux internautes plus de transparence sur le fonctionnement du marché programmatique.


De la baisse de l'empreinte carbone... à la publicité solidaire

Et si une meilleure valorisation des campagnes responsables passait par la mise en place d'une signalétique adressée aux consommateurs, à l'image de ce que propose TF1 avec Impact Screens, ou de ce qu'a développé Goodeed en matière de publicité solidaire ? Partenaire d'une quinzaine de régies, de TF1 à 20 Minutes, en passant par Prisma, NRJ, Dailymotion ou YouTube, la start-up a reversé huit millions d'euros à des associations à partir des budgets publicitaires des annonceurs qui, en échange de ce surcoût, bénéficient entre autres d'une hausse de 35 points d'attribution à la marque et travaillent aussi de manière indirecte à la préservation de l'environnement, qui est la première cause financée par Goodeed, indique Jenny Tordjman, sa directrice générale.

 
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