Flavien Neuvy (Observatoire Cetelem): « Le low cost n'est plus perçu comme un achat dévalorisant »
L'achat à prix malin serait devenu un phénomène massif au sein du marché européen. En France, si le regard est plus critique, le contexte inflationniste pousse à privilégier la fréquentation des enseignes low cost. Le point avec Flavien Neuvy, directeur de l'Observatoire Cetelem.
Je m'abonneL'édition 2023 de l'Observatoire* porte sur la place du low-cost dans la consommation. Quelles sont les principales conclusions, à l'échelle européenne ?
Loin d'être marginal, le low cost séduit 54% des Européens et est devenu un phénomène de consommation de masse. Les secteurs les plus représentés sont l'habillement, l'alimentaire et l'aérien. Il est bien identifié par les Européens : ils sont 9 sur 10 à avoir entendu parler du low cost et 55% à voir précisément ce dont il s'agit. Très nettement, l'Espagne (82%), le Portugal (81%) et l'Italie (80%) sont les plus familiers du concept contrairement à la Pologne, l'Autriche et la Slovaquie dont les consommateurs sont moins de 3 sur 10 à en avoir une vision claire. En outre, en moyenne, 6 Européens sur 10 estiment le marché du low cost bien développé. Mais les clients peuvent aussi acheter du premium pour le même projet (par exemple pour les vacances : le choix du low cost pour l'avion et du haut de gamme pour l'hôtel) mais pour les ménages les plus modestes, le choix du premier prix est plus systématique car leur budget est contraint. Par ailleurs, 3/4 des Européens sont décomplexés à l'idée d'acheter des produits ou des services moins chers. L'imaginaire associé au low cost a beaucoup évolué en 20 ans. C'est même devenu une consommation maline, loin d'être dévalorisante et qui permet de se concentrer sur l'essentiel, même si pour les Européens, l'image reste encore à améliorer. Enfin, les consommateurs ne sont pas déçus par leur achat et l'expérience client est jugée satisfaisante. Ils évaluent à 6, 8 sur 10 leur expérience (6,6 en France). Les gens considèrent qu'ils en ont pour leur argent.
Quelle est la position de la France sur ce marché ?
Les Français sont les moins gros consommateurs de low cost se situant en dessous de la moyenne européenne, à 41%. Cela tient en partie à la structure du commerce en France, pays qui a inventé l'hypermarché, freinant ainsi la montée en puissance des hard discounter. Itou dans le secteur du textile. Tous les pays n'ont pas Conforama, la Fnac, BUT, Darty... Globalement, les Français sont un peu plus critiques sur ce marché notamment sur le volet développement durable et la transparence sur la fabrication des produits. Ils identifient bien ce marché alternatif, mais restent divisés encore plus que les autres pays européens sur la qualité des produits et services : 52% affirment qu'ils sont d'un bon rapport qualité/prix quand 48% pointent une offre à bas prix et de mauvaise qualité. Conséquence directe, l'image qu'ont les Français du low cost est la plus mitigée de tous les pays européens : la note attribuée de 5,9/10 est l'une des plus basses, contre 6,5/10 au niveau européen. Les Français sont moins nombreux qu'ailleurs à privilégier les produits à bas prix (41% vs 54% en moyenne), avec une intensité qui varie très peu selon les revenus (42% pour les revenus faibles et 40% pour les revenus élevés.
Quel est le potentiel pour les marques ?
Une entreprise ne peut pas devenir low cost, car elle doit être pensée dès le départ (dans son organisation) pour réduire les coûts. Ce qui fait venir les consommateurs, c'est le prix le plus bas. Donc, l'enjeu pour les marques est de respecter la promesse du service ou du produit au meilleur prix. Au top 3 des marques et enseignes citées spontanément, Lidl en est le chef de fil, suivi par Ryanair qui a révolutionné le secteur aérien et Aldi, première enseigne à avoir endossé les atours du low cost. En revanche, l'automobile, dont le succès de Dacia a changé en son temps le paradigme du marché, est peu associée à ce phénomène.
* L'Observatoire Cetelem est une structure d'études et de veille économique de BNP Paribas Personal Finance, créée en 1985. Sa vocation est d'observer, éclairer et décrypter l'évolution des modes de consommation en France et à l'international.