Bernard Cathelat : " Redonner du sens aux études par la wikiresearch"
Un des points forts de la Journée nationale des études co-organisée par l'UDA et l'Adetem : l'intervention du fondateur de CCA sur les méthodes sociomarketing. Pour Bernard Cathelat, il faut avoir de la curiosité et non des certitudes préalables.
Je m'abonne“Les études en 2012 / comprendre et/ou mesurer ” : la Journée nationale des études organisée par l’UDA et l’Adetem (en partenariat avec Marketing Magazine, e-marketing.fr, Ubifrance, Research Now, Projectpro) était foisonnante. La matinée fut consacrée au quali et l'après-midi au quanti.
Plus de 150 professionnels étaient présents pour revisiter les fondamentaux du métier, autour d'exposés, de tables rondes... L'intervention de Bernard Cathelat était attendue (après l'introduction d'Henri Kaufman (*) et les exposés de Sophie Mouray, d'Ubisoft Entertainment et de François Laurent, de l'Adetem) : en 20 minutes, le fondateur de CCA (**) a résumé la mutation du monde des études, avec un côté certes "vintage " comme il le dit lui-même mais réaliste et pluraliste.
Le père des sociostyles a notamment donné plusieurs pistes de réflexion : "remettre le produit dans les modes de vie, accepter que les humains sont compliqués et ne pas croire que ce que disent les experts des sondages est universel".
Celui qui exhorte les jeunes chargés d’études à "sortir faire de l’ethno" plutôt que de rester devant leur ordinateur et réfute les études "media-mythologiques" sur les bobos et autres "inventions publicitaires", rappelle que, dans notre société implosive, la qualité de l’échantillon est plus importante que sa taille" : "L’homogénéisation des groupes ne peut que donner de la soupe fade". "Le rêve du marketing de masse comme celui du one to one sont inapplicables. Il faut approcher les personnes en ayant une typologie prédictive, en évitant les études à œillères : le consommateur de yaourt est un multiconsommateur. Il faut élargir le questionnaire à autre chose que du yaourt". L’unidimensionnel est un danger. " On interroge de moins en moins les gens sur leurs rêves. On fait de l’ opinionisme ".
Bref, comme le rappelle Bernard Cathelat, il faut donner du temps au temps : "La durée, c’est cher mais primordial. Réunir à nouveau le même échantillon à quatre mois d’intervalle permet de voir son évolution. Quand nous avons lancé CCA, un groupe quanti durait une journée. Un questionnaire quanti prenait quatre heures de temps à remplir. Cela marche, en France comme en Europe".
Il ne faut jamais croire ce qui se dit une fois. Acceptons la complexité : un consommateur à la veine “verte” peut s’acheter un 4x4 ! Les personnes peuvent se positionner sur des valeurs contradictoires. CCA développe actuellement 13 sociostyles dont 7 hétérogènes (luxe/lowcost). "Les sociostyles ne sont pas monolithiques. Nous sommes là pour apporter une intelligence, pas pour tout expliquer", insiste Bernard Cathelat.
Les études forment une aventure exploratoire.
Le Web est partout. Et face à cette invasion, Bernard Cathelat constate qu'il n'existe plus de cible passive que l’on peut analyser sous microscope.
Et d'insister sur les exigences des études sur ce multiconsommateur : "Ne pas prendre des e-amis, susciter le débat autour de sa marque. Nous sommes aux antipodes du marketing impérialiste enseigné autre fois dans les écoles de commerce. Le marketing de dialogue est dans une démarche gagnant/gagnant". L'interactivité entraîne une nouvelle façon de traiter les consommateurs, non comme des cibles mais comme des partenaires. Et le gourou de parler de wikiresearch et de wikiconsommateur : "on tâtonne mais j’ai la conviction que la technique compte peu. Ce qui est primordial, c’est la dialectique des "gens".
Comme l'a résumé François Laurent, coprésident de l’Adetem, " Il faut être humble, accepter de ne pas comprendre tout chez le consommateur". Soyons curieux, en quelque sorte.
Parmi les autres moments forts de la journée : l'hommage rendu par l'Adetem, l'UDA et les professionnels des études à Françoise Renaud, la dynamique directrice marketing et innovation de l'UDA qui quitte l'association pour développer des projets personnels. Françoise est remplacée à l'UDA par Claudie Voland-Rivet, précédemment directrice marketing et communication chez Horyzon Media.
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(*) Auteur de Carnets de Sérendipité (Éditions Kawa), sous-titré: Trouvez ce que vous ne cherchez pas, ce mot provenant d'un conte persan. Traduction de l'auteur : "Voir ce que les autres n'ont pas vu est véritablement le travail du marketeur".
(**) Co-auteur (avec Mike Burke, Sandrine Cathelat, Robert Ebguy et Denis Quénard) de l’ouvrage du Cercle Sésame Styles de vie 2012/2017. Ce que veulent les Français » (Éditions Eyrolles 2011). « Un exemple de notre conviction : un anti sondage de campagnes électorales », résume Bernard Cathelat.