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Les 4 règles pour inscrire sa marque dans la ville

Publié par Clément Fages le

Comment être en proximité avec ses consommateurs urbains, faire valoir sa raison d'être et ses engagements RSE, sans pour autant être taxé d'opportunisme ? C'est la problématique posée par Brand Urbanism, étude menée par UTOPIES et JCDecaux qui questionne le rôle des marques au sein des villes.

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Brand Urbanism : Quel rôle pour les marques dans l'espace public urbain ?

En partenariat avec JCDecaux, l'agence UTOPIES s'est penchée sur la façon dont les marques investissent aujourd'hui l'espace public urbain, tant pour donner corps à leurs engagements sociétaux qu'à ce qui définit leur "raison d'être", ou encore afin de créer un lien de proximité avec leurs consommateurs urbains ou pour renforcer leur ancrage local. Depuis des décennies, les marques sont parties prenantes des villes : une réalité qui se concrétise dans l'urbanisme, au travers de l'installation depuis des décennies des sièges sociaux des entreprises, mais aussi des centres commerciaux en périphérie ou des magasins en centre-ville, et qui s'est renforcée hier avec le développement de la publicité, sauvage ou non, et aujourd'hui via le succès du naming, de l'affichage sur les monuments en cours de restauration ou des opérations plus ou moins éphémères. Ce qui est nouveau, note UTOPIES dans son étude, "c'est la forte attente des consommateurs-citoyens vis-à-vis des marques. Ils veulent qu'elles s'engagent pour le bien commun et, dans la lignée de leur raison d'être, qu'elles fassent oeuvre utile. Ces attentes nouvelles invitent les marques à assumer leur influence sur les modes de vie et à contribuer proactivement à l'amélioration de la qualité de vie en ville tout en cultivant leur proximité et leur notoriété. C'est de ces attentes qu'est né le Brand Urbanism®, pratique émergente qui consiste, pour une marque, à nouer un partenariat avec une ville pour initier et/ou financer un projet d'aménagement urbain, temporaire ou durable, allouant ainsi une fraction de son budget marketing à l'amélioration de la qualité de vie des citadins."

En effet, les marques ont intérêt à mettre en avant leurs engagements dans l'espace public, comme le rappelle Carole Brozyna-Diagne, Directrice du Développement Durable et de la Qualité de JCDecaux : "Les marques engagées surperforment par rapport aux autres : leurs campagnes génèrent plus d'impressions (80% vs 40%), plus d'intentions d'achat (38% vs 14%) et de réachat (70% vs 29%), la marque est plus recommandée (76% vs 37%) et les consommateurs sont prêts à payer plus cher ses produits (40% vs 18%)", explique-t-elle, citant les résultats de l'étude Meaningful Brands d'Havas, selon laquelle 77% des marques pourraient disparaître dans l'indifférence générale. "Prenez l'exemple d'Unilever : le groupe a reconnu que sur ses 400 marques, 28 étaient les véritables moteurs de sa croissance. Ces 28 marques sont celles qui sont les plus engagées. Alan Jope, le CEO d'Unilever, a même déclaré qu'il était prêt à abandonner les marques qui ne seraient pas capables de se transformer pour devenir plus responsables." Pour autant se pose une question : "Quel degré d'acceptabilité pour les marques dans la ville ? Comment les marques peuvent-elles faire du "Brand Urbanism" avec succès ?", se demande la directrice de JCDecaux, rejointe par Elisabeth Laville : "Dans la pub, on sait qu'il n'y a pas d'enjeu éthique, car tout le monde sait que c'est de la pub, disait Michel Serres ! Comment faire pour sortir de la publicité et mener des actions qui sont d'intérêt public ? Et si les marques ne prenaient que 1% du total de leurs investissements publicitaires pour rendre les villes meilleures ? ", explique la directrice et fondatrice de l'agence UTOPIES qui, au travers d'exemples concrets, dessine 4 règles d'or à destination des marques souhaitant se développer dans la ville, à l'image de ce qu'à fait Jean-Claude Decaux en 1964, en fournissant aux villes des abribus financés par la publicité. L'objectif ? Contrecarrer les critiques qui mettent en avant l'appropriation et la marchandisation de l'espace public par des marques opportunistes.

Pour aller plus loin :

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77% des marques pourraient disparaître dans l'indifférence en France


Règle n°1 : Contribuer à l'intérêt collectif

Evidemment, une marque qui veut s'inscrire dans l'espace public sans faire face aux critiques doit s'assurer que son action profite à l'intérêt collectif, qu'elle réponde à de vrais besoins, que la balance entre les ressources engagées et les résultats penche du bon côté et que l'action vient enrichir le capital local, culturel, écologique de la ville. "C'est ce qu'a fait par exemple l'entreprise Dulux avec l'opération Let's Color, qui réhabilite certains quartiers en les repeignant, et cela partout dans le monde, des favelas au Brésil à certains quartiers de Charleroi, en passant par l'Inde. Le but est de redonner à ces quartiers de l'attractivité, tout en améliorant la qualité de vie des habitants et en leur donnant de la fierté. On peut aussi citer la compagnie aérienne Emirates avec son téléphérique Air Line, qui permet de relier les deux rives de la Tamise. Il a été inauguré en 2012 et est géré par la société Transport for London, au même titre que les bus et les métros !", explique Elisabeth Laville, qui évoque la mobilité comme un terrain particulièrement propice pour les marques : En Belgique, le brasseur De Koninck a ainsi jugé que le service de bus de la ville de Gand s'arrêtait trop tôt. La marque a donc lancé un service de nuit afin de raccompagner les fêtards. Enfin, Elisabeth Laville met en avant l'exemple de Nike qui a lancé et finance à Portland un service de vélo en libre-service nommé Biketown, tant pour inciter à la pratique sportive que pour apporter un nouveau service aux habitants de la ville.


Règle n°2 : Donner du sens et soigner son storytelling

Quand elle est lancée, une action doit être cohérente avec l'histoire de la marque, ses projets et engagements annexes et sa raison d'être. On retiendra par exemple la campagne "Paving Pizza" de Domino's Pizza aux États-Unis, qui invitait l'an dernier les consommateurs-citoyens à déclarer les nids-de-poule présents dans leur ville. Des trous sur la chaussée réputés pour ne pas faciliter la livraison des pizzas puisqu'ils créent un sursaut du véhicule, venant alors coller la pizza au carton. En les rebouchant gratuitement, la marque se transforme ainsi en acteur des travaux publics, tout en profitant pour y apposer son logo sur le béton frais. On citera aussi l'exemple de la marque de montres "made in Detroit" Shinola, qui équipe la ville d'horloges publiques reprenant le design de ses produits. Ainsi, quand Nike lance son service de vélos, la marque le fait à Portland, sa "ville natale". De même quand elle développe dans de nombreuses villes à travers le monde des espaces facilitant la pratique sportive (terrains projetés à l'aide de rétroprojecteurs là où manquent les infrastructures, infrastructures en dur offrant un cocon dans certaines zones sensibles...), tandis qu'en parallèle, elle anime des communautés de runners au travers de son application mobile. Elisabeth Laville cite enfin une collaboration de la marque à la virgule, connue pour ses spots engagés en faveur du sport féminin, avec la ville de Bogotá, afin que les panneaux indiquant la présence de coureurs ou la pratique d'autres activités sportives représentent aussi des femmes !


Règle n°3 : La durabilité et la co-conception

Pour réussir, une action doit être menée via une concertation, "voire une co-création" avec les habitants et les collectivités pour la conception et l'implantation, la maintenance et l'évaluation de l'impact du projet. Parmi les exemples cités par Elisabeth Laville, on peut ainsi mettre en lumière la collaboration entre Engie et la ville de Mexico pour équiper certains terrains de sport de lampadaires équipés de panneaux solaires, ou encore la gamme Ubicuity de Bic, qui recycle ses produits jetables pour créer des mobiliers urbains et les proposer aux collectivités. Mais encore une fois, un bon exemple est à chercher du côté de Nike, qui, outre Bogotá, a également collaboré avec la Mairie de Paris pour la réhabilitation en terrain de basket du Court Duperré dans le 9e arrondissement. "C'est intéressant de voir que Nike n'a pas cherché à mettre son logo en avant, bien que les retombées presse et la mise en avant sur les réseaux sociaux du lieu ont permis d'associer la marque à cet espace. Comme le disent les Américains, le sport est "place based", il est donc important pour Nike d'avoir de bonnes relations avec les collectivités qui gèrent ces différents espaces."


Règle n°4 : La transparence et la sincérité

Enfin, Elisabeth Laville fait de la "communication ouverte" une nécessité, à l'heure où l'Open Data s'impose chez de plus en plus de collectivités. "Il faut de la transparence sur les termes du partenariat, une traçabilité sur les financements, une définition claire des objectifs... Prenez par exemple Emirates Air Line : ils ont clairement expliqué qu'ils participaient à hauteur de 45 millions d'euros, sur les 80 millions que nécessite le projet." La directrice d'UTOPIES évoque enfin la nécessité de s'inscrire sur le long terme, citant encore Nike qui repeint régulièrement le Court Dupperé ou innove sur son service Biketown, en proposant par exemple des vélos adaptés aux personnes handicapées. Pour elle, c'est la seule façon d'éviter la défiance des consommateurs quant aux intentions réelles de la marque. "Regardez l'exemple offert par le label B-Corp, "for profit, for purpose". Il montre qu'il est possible de concilier business lucratif et actions allant dans le sens de l'intérêt collectif."

Pour consulter l'étude intégrale : jcdecaux.fr

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