Thomas Husson (Forrester): "Le mobile représente jusqu'à 50% des visites sur le site d'une marque"
À l'approche du Mobile World Congress, Thomas Husson, auteur de l'étude "2016 mobile and app marketing trends" pour l'institut Forrester, revient sur l'importance d'intégrer le mobile dans sa stratégie marketing afin de se différencier.
Peu nombreuses sont les marques qui ont su se différencier grâce à leur stratégie mobile. Celles qui ont franchi le pas et donné suffisamment d'ampleur à leur démarche allouent jusqu'à 20% de leur budget marketing à ce canal. Qu'en est-il des autres? C'est la problématique sur laquelle s'est penché Thomas Husson, vice-président, principal analyst de l'institut Forrester.
- Vous affirmez, dans l'étude que vous avez réalisée, que "beaucoup de marketers ont une vision trop étriquée du mobile". Qu'entendez-vous par là?
Pour un certain nombre de professionnels, le mobile demeure un sous-ensemble du Web. Ils tentent d'adapter leurs contenus digitaux à la taille d'écran d'un smartphone mais ne voient pas le mobile comme un canal à part entière. Les marketers les plus avertis ont compris l'importance de la notion de "contexte". Un consommateur qui regarde son smartphone au sein d'un magasin n'a pas les mêmes attentes que lorsqu'il effectue des repérages de chez lui. Ainsi, il serait délétère de considérer seulement les problèmes liés à l'interface d'une application ou d'un site mobile. Tous les services de l'entreprise sont concernés, pas seulement l'équipe marketing.
Le marketing mobile doit établir une synergie entre on et off line. Les entreprises doivent créer des points de vente "digital friendly", former le personnel de caisse, les vendeurs et s'adapter pour réconcilier l'offre et la demande en temps réel. Peu de sociétés et de services marketing mesurent ces enjeux.
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- Selon vos estimations, seuls 20% des services marketing ont réalisé les actions nécessaires. Quels sont les obstacles pour les 80% de marketers qui ont loupé le virage ?
Les professionnels à la traîne ont loupé une marche disruptive. Ils ne voient pas le mobile comme un catalyseur de la transformation de l'entreprise et se concentrent sur le "front end", oubliant le rôle du service IT. Ces marketeurs négligent, par exemple, l'importance du CRM dans l'évolution du système de fidélisation client. Les retardataires se heurtent également à des enjeux financiers: deux tiers des dirigeants marketing ne sont pas sûrs du ROI lié au mobile au sein de leur entreprise. Ils continuent de mesurer via des statistiques classiques (nombre de téléchargements) et n'obtiennent pas de résultats pertinents, donc des budgets inférieurs à leurs besoins. Il existe un réel problème de compétence des entreprises au sein des organismes.
- Quels dangers menacent les marques qui ont suffisamment investi dans le mobile ?
Ces marques risquent de peiner à se différencier. En effet, le consommateur s'attend à accéder en temps réel au service dont il a besoin, sous peine d'aller à la concurrence. En 2016, le mobile représente jusqu'à 50% des visites sur le site d'une marque, alors qu'il atteignait 20% auparavant. Il ne s'agit pas seulement de posséder une application mais également d'avoir mis en place l'infrastructure nécessaire (achat en ligne, retrait en magasin...).
Le mobile est-il davantage utilisé comme un outil d'acquisition ou de fidélisation par les marketers ?
Il joue un rôle prépondérant dans tout le cycle de vie du client. Le smartphone, plus intime que l'ordinateur, constitue un outil précieux d'acquisition autant que de relation client. Les consommateurs effectuent une grande part de leurs recherches via le Web mobile, le smartphone joue donc un rôle-clé dans la phase d'exploration des produits.
- En 2016, le rôle du mobile dans les ventes atteindra 30% des ventes retail aux États-Unis. Et en France ?
Le mobile est lié à 20% des ventes on line dans l'Hexagone, lesquelles constituent 15% du total des ventes retail. Ce chiffre fluctue bien entendu en fonction des acteurs et atteint 50% pour des sites tels que venteprivee.com. Même si le m-commerce explose, il ne représente pour l'instant qu'une petite partie des transactions. Ce qui compte pour les marketers est la capacité à influencer les consommateurs au moment de l'achat, quel que soit le lieu du passage à l'acte. Souvent, la transaction ne s'achève pas sur un terminal mobile.
- Comment les marques peuvent-elles se démarquer via son application alors que, selon l'étude que vous avez dirigée, les mobinautes n'en utilisent que cinq en moyenne ?
La meilleure façon d'émerger est de délivrer une vraie expérience de marque et d'engager le consommateur. Ainsi, posséder une application est nécessaire mais non suffisant, et tant pis si elle n'est que peu visitée. Il faut aller chercher le consommateur là où il passe du temps: les applis de messagerie telles que Messenger, What'sApp et WeChat. Ces applications intègrent des services (CRM social, service client pour les marques).
De même, il est intéressant de s'intégrer à l'application d'un partenaire avec qui l'entreprise partage les mêmes clients, via une imbrication de services. Ainsi, Accor et Uber proposent des offres conjointes via des API ouvertes.
Thomas Husson, vice-président, principal analyst du cabinet de conseil Forrester
Thomas Husson est Vice Président, Principal Analyst au sein du cabinet d'études et de conseil Forrester. Basé à Paris, il suit en particulier l'évolution de l'usage des consommateurs, des tendances et des modèles économiques associés à la révolution mobile. Avant de rejoindre Forrester en janvier 2008, Thomas Husson a passé quatre ans en tant qu'analyste dans le cabinet d'études international Jupiter Research et près de six ans au sein de la direction marketing de Bouygues Telecom. Avant cela, il a travaillé dans le secteur financier en Italie, une fois diplômé de l'EM Lyon et de Sciences Po Paris.Membre depuis 2008 du jury des Global Mobile Awards remis au congrès télécom de Barcelone, Thomas Husson est un observateur indépendant participant à de nombreuses conférences sur l'évolution des services mobiles et du marketing digital.
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