[Rencontres] L'innovation, au coeur de la stratégie de Philips
La lumière intelligente ? Philips. L'échographie à distance ? Encore Philips. La première marque de petit électroménager dans le monde ? Toujours Philips ! L'innovation est le moteur du groupe, comme l'expliquent Marc-Antoine Hennel et Alexandre Télinge.
LES INVITÉS:
A gauche: Marc-Antoine Hennel, directeur de la stratégie
A droite: Alexandre Télinge, directeur du marketing, de la communication et du digital chez Philips
Quelle est la place de l'innovation au sein de Philips ?
Alexandre Télinge: Elle occupe une place centrale depuis la fondation de l'entreprise, en 1891. D'ailleurs, elle figure expressément dans notre nouvelle signature de marque, "Innovation and you". La seule différence avec hier, c'est qu'aujourd'hui, l'innovation s'exprime sous des formes multiples : nouveaux produits, mais aussi nouveaux business models, nouveaux outils marketing, nouvelles façons de servir nos clients...
Marc-Antoine Hennel: Nous sommes le deuxième plus grand dépositaire de brevets en Europe. Nous en possédons 71 000 à date et nous consacrons 8% de notre chiffre d'affaires à la R & D, soit près de 1,6 milliard d'euros. Si l'innovation est aussi importante pour nous, c'est parce que nous sommes positionnés sur des secteurs concurrentiels, qui exigent de rester constamment à la pointe pour conserver notre place de leader. L'enjeu est de taille : nos deux plus importants marchés, la santé et l'éclairage, sont respectivement évalués à 100 et 60 milliards d'euros.
Quelle est l'innovation Philips dont vous êtes le plus fiers ?
A.T: Nous ne proposons que des innovations qui ont du sens et qui améliorent véritablement la vie des personnes. À ce titre, je suis particulièrement attaché au dispositif SchoolVision. Il s'agit d'un système d'éclairage qui contribue à améliorer les conditions d'apprentissage, en modulant l'intensité et la couleur de la lumière dans les salles de cours. Les résultats des études menées sur de jeunes écoliers, en partenariat avec le Centre du sommeil et de la vigilance de l'Hôtel-Dieu, sont très intéressants : une vitesse de travail augmentée de 30 % et un nombre d'erreurs divisé par trois.
M-A.H: Nous avons une responsabilité environnementale importante, du fait de nos métiers. C'est pourquoi je suis sensible, pour ma part, à notre solution Li-Fi. Celle-ci permet de gérer intelligemment les besoins en énergie. Nous l'avons installée au siège de Deloitte, à Amsterdam. Le principe consiste à véhiculer l'information par la lumière LED et à relier les luminaires au réseau informatique, ce qui simplifie l'infrastructure (câbles, armoires électriques etc.). Cela permet au facility management de mieux gérer le bâtiment et à chaque utilisateur de piloter son environnement simplement via son smartphone.
"Nous consacrons 8% de notre chiffre d'affaires à la R & D, soit près de 1,6 milliard d'euros"
Comment valorisez-vous vos innovations ?
M-A.H: Chaque innovation doit apporter un bénéfice d'usage réel aux consommateurs. Avec preuve à l'appui, comme les études cliniques dans le cas de l'imagerie médicale. C'est un prérequis. Valorisée de la sorte, l'innovation que nous apportons incite les hôpitaux à s'équiper ou à changer plus rapidement l'appareil qu'ils possèdent.
A.T: À charge pour le marketing de mettre en valeur tous les avantages offerts par l'innovation, afin que le client se l'approprie le plus rapidement possible. Prenons l'éclairage. Les jardins du Domaine de Chaumont-sur-Loire, grâce à leur mise en lumière réalisée à base de LED Philips, ont vu leur fréquentation dopée de 30 % et ce, à moindre coût (deux euros par nuit pour la totalité du parc). Il s'agit d'une plateforme idéale pour montrer notre savoir-faire. Et nous publions, chaque année, un ouvrage qui est envoyé aux 950 maires de villes de plus de 10 000 habitants de France, un livre utile en termes d'image mais également générateur de business. Cliquez ici pour continuer la lecture de cet entretien sur la page suivante.
Photo ci-dessus tirée du site innovationandyou.com, vitrine de la marque Philips.
Quel rôle joue le digital dans le processus de communication d'un nouveau produit ?
A.T: Pour le consommateur, il n'y a plus de frontière entre off line et on line. Très clairement, il existe une corrélation entre les ventes en magasin et l'exposition, l'appréciation de nos produits sur la Toile. C'est pourquoi nous insistons aussi fortement sur les réseaux sociaux, en créant des pages Facebook thématiques sur la beauté, la puériculture ou le fait maison. Dans ce dernier cas, la communauté, forte de quelque 40 000 membres, partage régulièrement des recettes, renouvelant ainsi les possibilités offertes par nos appareils de cuisine.
Comment parvenez-vous à détecter les nouvelles tendances ?
M-A.H: Nous sommes constamment à l'écoute du marché, en faisant appel à des professionnels de tout bord (plus de 1 700 partenariats ont été noués dans le monde). Ce qui nous permet de réagir très vite, comme dans le domaine du consumer lifestyle, où une tendance est apparue au détour de la crise, celle du "professionnel à la maison". D'abord présente dans la préparation culinaire, cette tendance s'est étendue à la beauté. Nous avons saisi cette opportunité en surfant sur le concept "électro-beauté" et en mettant au point Lumea Essential, un appareil qui bloque la repousse du poil durant huit semaines. En peu de temps, nous sommes devenus numéro un du marché de l'épilation à la lumière pulsée.
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A.T: Une autre tendance forte émerge également autour de l'e-santé. Nous développons ainsi de plus en plus d'applications connectées qui autonomisent les individus face à leur maladie (piluliers connectés, assistance à distance, etc.). Nos systèmes d'IRM et de scanner, connectés, permettent aux médecins de partager des examens à distance.
Comment mettez-vous au point les innovations de demain ?
A.T: Suivre le rythme effréné des innovations sur nos trois marchés requiert une utilisation optimale du temps et des moyens. Pour accélérer le tempo, nous avons décidé, pour certains projets, de fonctionner en mode start-up et de lancer une plate-forme d'open innovation, "Simply innovate".
M-A.H: Nous ouvrons notre technologie en open source dans certains cas, comme pour le lancement de Hue, un kit d'ampoules LED pilotées par smartphone. Cela a abouti, en moins de deux ans, à la création de 300 applications environ, issues de personnes extérieures à Philips.
L'innovation ne va pas sans l'expérimentation. Comment validez-vous vos idées ?
M-A.H: Nous testons en conditions réelles dans des centres de recherches ad hoc. Pour l'éclairage urbain, nous avons reconstitué une mini-ville dans notre centre de recherche à Miribel, près de Lyon. Ce qui nous permet de scénariser la mise en lumière de différents équipements ou infrastructures, comme les autoroutes, les stades... Dans le domaine de la santé, nous expérimentons nos solutions proposées aux professionnels dans un hôpital reconstitué dans notre centre de recherche installé dans notre ville d'origine, à Eindhoven, aux Pays-Bas. Cliquez ici pour continuer la lecture de cet entretien sur la page suivante.
LE PARCOURS: Marc-Antoine Hennel, directeur de la stratégie
Marc-Antoine Hennel pilote le plan stratégique à cinq ans de Philips France. Il coordonne également les activités de développement, notamment autour de l'e-santé et des objets connectés. Son leitmotiv: accélérer les projets pour permettre à Philips de conserver son leadership. Pour ce faire, il peut s'appuyer sur son expertise à la fois dans la vente et dans le marketing. D'abord en tant que chef produit chez Cartier puis chez L'Oréal. Ensuite, en tant que directeur marketing en charge de la stratégie des produits bien-être de la division grand public de Philips Consumer Lifestyle France.
L'innovation est-elle présente dans les circuits de distribution ? Sous quelle forme ?
M-A.H: Nos produits sont en grande majorité commercialisés par des partenaires. Dans le B to C, il s'agit d'enseignes comme Boulanger, Carrefour... Sur le Web, nous proposons quelques gammes, l'idée étant de refléter les offres disponibles chez les distributeurs sans nous positionner comme un concurrent direct. Cela étant dit, nous nous ajustons en fonction des besoins de chaque pays. En Chine, par exemple, où les problèmes de pollution atmosphérique sont récurrents, nous avons lancé un purificateur d'air connecté. Très logiquement nous l'avons relié à Internet pour adapter son fonctionnement aux conditions de pollution en temps réel.
Comment valorisez-vous le processus d'innovation au sein de Philips ?
M-A.H: En communiquant sur nos récompenses et nos résultats. Comment mieux valoriser l'innovation mise au point par nos équipes qu'en dévoilant son champ d'action ? À titre d'exemple, notre travail avec notre marque de puériculture Avent a permis la mise au point d'un biberon qui allait définir la norme en la matière dans le monde entier. C'est ce que nous faisons ressortir auprès de nos clients, bien sûr, mais aussi auprès de nos équipes, en témoignage de reconnaissance.
Justement, comment s'incarne l'innovation dans le management ?
M-A.H: L'innovation est une valeur que nous promouvons auprès de chacun des employés. Nous appliquons des parcours de développement innovant suivant le principe 70-20-10: 70% d'expérience terrain, 20% d'interaction avec les autres et 10% de formation classique.
A.T: Au-delà de concours internes visant à faire remonter des idées nouvelles, nous organisons, chaque trimestre, des conférences faisant la part belle à des personnalités dirigeant des entreprises très diverses, telles que Google, aufeminin.com, Michel et Augustin... Toutes ont un point en commun : l'innovation, sous quelque forme que ce soit
LE PARCOURS: Alexandre Télinge, directeur du marketing, de la communication et du Digital
L'automobile n'a plus de secret pour lui, après dix ans passés chez Ford et trois ans chez Valéo. De même que l'édition et la cosmétique, deux univers dans lesquels Alexandre Télinge avait fondé une entreprise. Ni même le luxe, un secteur où il a évolué au début de sa carrière, après ses études en école de commerce (ESSCA), notamment en côtoyant des entreprises comme Baccarat ou Christofle. À la fois entrepreneur et entreprenant, Alexandre Télinge a su mettre à profit ses nombreuses années d'expérience pour pratiquer chez Philips un marketing innovant destiné à positionner le groupe sur les marchés de la santé et du bien-être.
Propos recueillis par Christelle Magaud
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