Pokémon vs Yo-Kai: qui gagne le match?
Et si un jeu venait à détrôner Pokémon ? C'est l'objectif en tout cas de Yo-Kai, cette licence qui, comme le petit monstre jaune, mêle jeu vidéo, dessin animé, manga et jouets. Véritable phénomène au Japon, Yo-kai est, comme son modèle, mû par un rigoureux plan marketing cross média.
Je m'abonneL'un est connu, l'autre pas encore. Le premier, c'est Pokémon, abréviation de Pocket Monsters, pour "monstres de poche". Le second, c'est Yo-Kai, qui signifie petit être fantastique. Un nouveau jeu qui veut chasser Pikachu et ses amis du temps de cerveau disponible des moins de 12 ans et devenir la nouvelle coqueluche des cours de récréation. Deux jeux a priori identiques: un héros enfant, des " monstres " à collectionner, un univers à explorer... Mais tout n'est pas si similaire.
Jeu vidéo: Pokémon remporte le set... pour le moment
À la base, Yo-Kai Watch est un jeu vidéo pour Nintendo 3DS, créé par le studio Level-5 (Professeur Layton, Inazuma Eleven, Dragon Quest, Fantasy Life etc.). Pokémon, lui, se jouait sur Game Boy de Nintendo en... 1996. Avec une vocation d'emblée universelle: Pokémon ne possède que quelques points d'accroche qui rappellent la vie quotidienne au Japon. Yo-Kai Watch, lui, en regorge. L'architecture des habitations, la nourriture...
Si 20 ans les séparent - Yo-Kai Watch émerge seulement cette année en France -, tous deux comptent sur le jeu vidéo pour performer. Ce support est d'ailleurs la colonne vertébrale de ces deux licences. Pokémon totalise ainsi plus de 280 millions de jeux vendus depuis les débuts de la franchise, en 1996. Et son succès ne se dément pas: Pokémon X et Y constituent les meilleures ventes sur la dernière console portable de Nintendo, avec 14,7 millions d'exemplaires écoulés. Du côté de Yo-Kai, le jeu démarre seulement. C'est Viz Media Europe qui gère le programme de licensing pour le lancement de la franchise sur le marché européen.
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Histoires de monstres: Yo-Kai domine, et apparaît plus éducatif
Pokémon est un jeu fondé sur la nature. Il raconte l'histoire de gentils petits monstres aux pouvoirs magiques, évoluant dans un monde fantastique en harmonie avec les hommes. Yo-Kai met en scène Nathan, un petit garçon qui va à l'école et possède une montre spéciale qui lui donne le pouvoir de découvrir des êtres mystérieux appelés Yo-Kai. Des créatures typiques du folklore nippon, qui vivent dans une dimension parallèle et surgissent das notre dimension pour perturber l'existence des humains. "Son rôle consiste à découvrir pourquoi les Yo-Kai agissent de cette manière et à les convaincre d'arrêter grâce à son imagination et avec l'aide de ceux avec lesquels il se lie d'amitié", détaille Aadil Tayouga, responsable licensing et retail en Europe de Vizmedia.
Level-5 a en effet minutieusement exploré la vie quotidienne et les réalité des enfants d'aujourd'hui. De cette analyse, les développeurs du studio ont su créer un univers riche et authentique. " À la différence de Pokémon, on acclimate positivement les enfants à l'usage et à la consommation des technologies dans leur vie future", souligne Aadil Tayouga.
Le jeu vidéo lancé par Nintendo a été décliné, entre avril et septembre 2016, dans l'Hexagone, en série TV (avec Gulli) et en jouets (avec Hasbro). Pas moins de huit références ont été créées, notamment la montre et les médailles à collectionner. Dans Yo-Kai Watch, l'accent est moins mis sur la course aux Yo-kai (d'ailleurs, le joueur n'attrape pas un Yo-Kai, comme dans Pokémon, mais devient son ami) mais plus sur le scénario et les différentes interactions entre le personnage principal et les Yo-Kai. En outre, cette nouvelle série s'adresse clairement aux enfants, à la différence de Pokémon, qui cible plus large. Ainsi, selon Nintendo France, la moyenne d'âge des joueurs de Pokémon tourne autour de 20 ans. Avec beaucoup de trentenaires!
Dernière différence: le petit monstre jaune crée, à chaque jeu, des histoires différentes indépendantes de la série. Ce qui permet de démultiplier les récits à l'infini... et explique sûrement son succès depuis 20 ans.
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Marketing numérique: Pokémon Go écrase tout sur son passage
Un jeu à réalité augmentée, qui fonctionne via la géolocalisation sur mobile et l'appareil photo et transforme l'utilisateur en dresseur de Pokémons. Tel est le principe de l'extension mobile du jeu Pokémon, le fameux Pokémon Go imaginé par la société Niantic. Un vrai phénomène de société, qui a conquis 50 millions de joueurs en un mois cet été. Le jeu a généré 200 millions d'euros de chiffre d'affaires. Et la marge de progression reste énorme (d'autant que beaucoup de marques ont surfé dessus: Monoprix, McDonald's, But, Audi, Orange...), même si l'intérêt pour le jeu commence à s'essouffler. Pokémon Go aurait ainsi, en un mois, généré sept fois plus de revenus que ce qu'avait réalisé en son temps en 2014, sur la même période, le hit Candy Crush. Il a aussi largement dépassé Clash Royale, qui, en mars 2016, avait accumulé 120 millions de dollars sur ses 30 premiers jours d'exploitation. "Pour autant, Pokémon est très identifié encore comme un jeu vidéo et des cartes associées, alors que Yo-kai s'inscrit davantage dans un dispositif 360", assure Aadil Tayouga.
Pour Yo-Kai, c'est une appli qui fait découvrir aux enfants le monde des Yo-Kai et des QR Code scannables qui permettent de débloquer du contenu dans le jeu vidéo. "Cette interactivité sur tous les circuits est inédite", souligne-t-il. Et le principal support est une montre. Celle-ci est capable de reconnaître la médaillon que l'enfant insère et de jouer la chanson de la tribu du Yo-kai correspondant. Immersion garantie ! De là à dire que Yo-kai Watch surfe sur le phénomène Pokemon Go... il n'y a qu'un pas, que ne franchit pas l'expert Vizmedia. "Au Japon, la franchise Yo-Kai cartonne depuis un moment, bien avant le lancement de Pokémon Go. Elle a enregistré plus de 2 milliards de chiffre d'affaires en 20 mois", indique-t-il. D'ailleurs, les marques ne s'y trompent pas. "En France, nous comptions déjà une vingtaine de licenciés alors que nous n'avions pas encore démarré la série sur Gulli", déclare-t-il. Objets à collectionner, produits d'édition, vêtements, confiseries, accessoires, articles de maison, rentrée des classes/fournitures de bureau...
L'édition: Yo-Kai-1, Pokémon-0 pour prolonger l'expérience utilisateur
"La déclinaison de Yo-Kai dans l'édition, avec les livres du Dragon d'or et ceux d'Hachette, est prévue pour le mois de novembre. Sans oublier le magazine officiel Panini, pour compléter l'ensemble", reprend Aadil Tayouga. N'arriveraient-ils pas après la bataille ? "Non, répond l'expert. Tout simplement, nous laissons le jeu asseoir la marque en France. Une fois "captés", les enfants réclament des détails. Les livres leur permettent alors de prolonger leurs connaissances de cet univers". Hachette, Panini... Des partenaires illustres, mais il est vrai qu'il existe de grosses ambitions autour de cette franchise. "Pour les jouets, par exemple, nous espérons faire mieux que le record des Beyblades, qui avaient écoulé 4 millions d'articles sur un an", confie-t-il. A titre indicatif, dans la catégorie des figurines d'action, la licence Yo-Kai Watch s'est déjà installée à la première place, devant Avengers et Star Wars.
Autre indication qui semble montrer que la franchise effectue un démarrage fort: son audience. "Grâce à Yo-Kai Watch, la chaine Gulli a enregistré +42% de parts d'audience", annonce Aadil Tayouga.
Dispositif 360: Game over pour Pokémon, Yo-Kai rafle la mise
Yo-Kai apparaît comme la première franchise déployée sur autant de médias différents: jeu dessin animé, manga, jouet, mais aussi application smartphone en réalité augmentée. Tout puissant qu'il est, Pokemon vend par exemple très peu de jouets, en comparaison. Plus qu'un univers, Yo-Kai Watch est donc un écosystème. C'est ce qui fera sans doute la différence. Son challenge: dépasser les 40,4 milliards de dollars de revenus générés par la licence Pokémon depuis 1996!