Comment lancer une marque en pleine crise ? Le cas Evoleum
Décaler un lancement physique très événementiel pour se focaliser sur une campagne digitale : c'est ce qu'a dû faire la marque de nutricosmétique Evoleum, qui a bouleversé son agenda pour mettre en place des ateliers bien-être sur Instagram et ainsi accompagner sa communauté pendant le confinement.
Le 5 mars 2020, lors de la soirée de relancement de la marque Evoleum, Elias Lebeau, son responsable marketing, était loin d'imaginer qu'il devrait remettre à plat toute la stratégie développée depuis deux ans en raison de l'épidémie de Covid-19. Embauché par Thierry et Kareen de Beaurepaire, deux spécialistes des compléments alimentaires qui ont développé un laboratoire fournissant ces produits en marque blanche, avant de lancer leur marque Evoleum en 2017, Elias Lebeau travaille depuis deux ans sur la refonte totale de la marque pour aller sur le marché de la nutricosmétique. Il nous explique comment son mix a évolué pour faire face à la crise.
Pouvez-vous nous présenter Evoleum, ses produits, son positionnement et son marché ?
Elias Lebeau : Nous sommes sur le marché de la nutricosmétique, à la croisée des secteurs de la cosmétique et des compléments alimentaires. La nutricosmétique, c'est la beauté que l'on consomme. Cette pratique est née au Japon, où alimentation et beauté sont culturellement très liées. La nutricosmétique vise à nourrir la peau de l'intérieur et agit sur l'épiderme, là où la cosmétique s'arrête à la couche extérieure, l'épiderme. C'est un marché qui pèse aujourd'hui 5,7 milliards d'euros, avec une projection à 8,8 milliards d'euros en 2026. L'Asie-Pacifique, représente 35 % des parts de marché.
Nous voulons faire d'Evoleum la première marque de nutricosmétique d'exception, en la positionnant comme la plus niche, la plus haut de gamme, la plus sophistiquée. Pour autant, nous voulons être une marque engagée, mais aussi experte et efficace : 99% de nos produits sont naturels, et ont une efficacité cliniquement prouvée en trois semaines. La cure coûte 120 euros. Nous ciblons des femmes CSP+. Nos produits viennent répondre à trois problématiques : la lutte contre le vieillissement de la peau, sa protection contre la pollution extérieure et la préservation de son éclat. Nous avons aussi une gamme d'eau de bouleau. Nos formulations sont sous forme liquide pour, au-delà d'une meilleure biodisponibilité des actifs, un aspect plaisir. Venant d'un marché de la beauté et de la cosmétique classique, il était important pour moi de développer un nouveau geste beauté qui reste plaisant et émotionnel, non pas grâce au toucher, mais via le goût.
Quel mix-marketing aviez-vous adopté pour lancer la marque ?
EL : Le 5 mars, nous avions une soirée de lancement assez orientée BtoB, où étaient conviés les distributeurs. Nous avions opté pour une distribution sélective, dans des grands magasins, des concept-stores, des magasins de beauté spécialisés, des spas, hôtels et instituts haut de gamme, mais aussi des sites e-commerce de niche. Nous voulions ensuite toucher le BtoC via le bouche-à-oreille, des activations en points de vente et de l'influence.
Nous avions prévu une à deux activations par mois. Fin mars, nous devions faire une présentation dans une salle de sport / spa haut de gamme, et nous devions également réaliser une deuxième soirée de lancement avec la presse et des influenceuses, à l'occasion de la présentation d'un film "savoir-faire", réalisé en Finlande, là où nous extrayons notre sève de bouleau.
Comment avez-vous adapté votre plan pour faire face à la crise actuelle ?
EL : Nous avons la chance de ne pas encore être connus, et d'être plus flexibles quant à notre calendrier. Nous avons repoussé la présentation du film à l'an prochain, pour nous concentrer sur des actions qui ont plus de sens actuellement. Nous sommes en 2020, et le luxe ne s'inscrit pas que dans le réel, mais peut aussi s'incarner sur le digital. Toutefois, dans la situation actuelle, un discours mercantile et commercial serait hypocrite et mal venu. Nous travaillons avec des médecins, des naturopathes, des chefs cuisiniers, des professeurs de yoga, des psychologues... Pour septembre prochain, nous avions prévu de diffuser sur nos réseaux sociaux des tutoriels en vidéo, dont la promesse doit dépasser celle de nos produits : comment gérer son stress au quotidien, comment renforcer son système immunitaire, comment mieux manger, etc. Nous avons adapté ces contenus à la période de confinement actuelle pour les diffuser à partir de fin mars. Nous allons aussi mettre en place avec nos spécialistes partenaires des workshops en live et accessibles gratuitement.
Au vu de la situation actuelle en France, nous avons décidé de ne pas honorer les commandes sur nos plateformes par respect pour nos partenaires logistiques, mais nos budgets médias seront donc maintenus pour communiquer sur tout ce partage de savoir et profiter de cette période pour faire grossir notre communauté. Les dépenses influences seront utilisées, en collaboration avec notre pool d'ambassadrices, comme des dons reversés à des associations caritatives ou des mouvements qui participent à l'effort de solidarité nationale.
Pourquoi ne pas avoir tout simplement reporté le lancement ?
EL : Cela fait deux ans que nous travaillons sur ce projet, c'est un aboutissement professionnel mais aussi personnel. Nous nous sommes sentis prêts à faire face aux événements. Bien sûr, beaucoup de choses sont en stand by. Mais nous avons paradoxalement le temps de respirer. Notre nouveau site doit être mis en ligne le 15 avril, et nous avons donc le temps de prendre du recul, de sortir de la stratégie et du branding pour aller parler à notre communauté, nous confronter à la réalité, mais aussi récupérer de la data. Tout cela nous permettra de mieux piloter notre lancement physique le moment venu. Et nous avons aussi le temps d'adapter notre stratégie et de réorganiser notre expérience en ligne : nous travaillons par exemple à la mise en place d'un outil de diagnostic de la peau sur notre site. Bref, cette période va nous permettre de vraiment solidifier notre stratégie digitale, ce que nous n'aurions peut-être pas autant fait en parallèle en temps normal.
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