Manifeste de l'anti-solutionnisme technologique à destination des marques
Doit-on laisser le récit de la transformation digitale aux GAFA et autres fournisseurs de solutions ? Natalie Rastoin, directrice générale d'Ogilvy France, exhorte, depuis le Hub Forum, les marques à retrouver leur statut de balises.
Je m'abonneCommencer une conférence sur la transformation digitale avec une histoire de fourchette... C'est le choix de Natalie Rastoin, directrice générale d'Ogilvy France qui intervenait au Hub Forum mardi 6 octobre dernier. "Chacun d'entre nous a entendu parler de la fourchette qui mesure notre vitesse de l'assiette à la bouche et qui vibre si on ingère trop rapidement les aliments. C'est un exemple absurde d'un syndrome très étendu : le solutionnisme technologique ".
Autrement dit la croyance qu'une réponse technologique résoudrait absolument tous les problèmes. De l'obésité (parce que l'on mange trop vite donc)... à la mortalité. Google se penche même la fin de la mort.
Ainsi, Natalie Rastoin a choisi, dans une intervention d'une dizaine de minutes, de brandir un Manifeste de l'anti-solutionnisme technologique à destination des marques. Elle s'inspire des travaux du chercheur à Harvard Evgeny Mororoz (il intervenait à la deuxième édition du Festival Changer Le Monde en septembre dernier), un spécialiste de l'utopie technologique (auteur de " Cliquez ici ! L'aberration du solutionnisme technologique " paru aux éditions FYP en 2014).
" Cette croyance dans la toute puissance des technologies provient de l'immense tournant que nous ont fait prendre les dernières technologies. De l'envie de lier progrès et bonheur ; et bien-sûr de la peur du ridicule en ne célébrant pas " the next big thing". Mais une telle pression génère aussi de la frustration quand cela ne fonctionne pas, de l'inquiétude et un manque de repères. Bref, l'inverse du rôle des marques ".
Haro sur le solutionnisme...
"Ce que je veux proposer, c'est que la marque soit une ressource essentielle face au manque de repères que crée ce solutionnisme " continue Natalie Rastoin "c'est à elle de décrypter, pour ses consommateurs, les enjeux de la technologie : que fait-elle des données ? Quelle stratégie pour la vie privée ? " Selon elle, les marques seraient les meilleurs médias pour créer "une grille de lecture critique et montrer qu'elles adaptent les technologies à leurs valeurs ". Bref, ne pas laisser le champ du discours de la transformation digitale aux acteurs nés de ce bouleversement sociétal.
Elle identifie trois pistes pour que les marques retrouvent leur rôle "d'acteur de confiance " :
- Avoir un récit : les marques ont leur propre récit technologique. Et c'est à elles de le raconter. Pour quelles raisons ont-elles fait le choix de cette innovation plutôt qu'une autre etc. Ouvrir un Lab ou financer une start-up uniquement parce que c'est tendance n'a aucun sens par exemple.
- Renforcer sa communauté : si le futur passionne à peu près tout le monde, la marque doit rassurer en montrant "tout ce qui ne change pas et comment elle est en capacité de l'articuler à ce qui change " (ndlr : un Opinel peut changer de couleur de manche et de format, mais c'est toujours un couteau qui coupe et qui se plie). Si l'époque est communautaire et que chacun est l'émetteur potentiel d'une pensée distribuée, les marques animent elles-mêmes leurs propres communautés.
- Valoriser sa gouvernance sur la data : toujours selon Evgeny Mororoz, les marques/entreprises sont responsables des données qu'elles produisent, collectent et exploitent. Les marques devraient créer des rapports de gouvernance sur la donnée, tout comme elles l'ont fait il y a quelques années avec le développement durable par exemple.
Mini Bio
Diplômée d'HEC et d'un DEA en science de la communication à la Sorbonne, Natalie Rastoin est une des premières à importer en France la fonction anglo-saxonne du planning stratégique. Après un parcours chez Y&R et BDDP au stratégique, elle met ensuite en place un département Recherche et Développement en liaison avec Saatchi & Saatchi Londres, tête de pont du réseau international Saatchi & Saatchi. En 1991, elle entre dans le groupe BDDP comme Vice-President Europe, puis devient Directeur Général de BDDP Paris en 1992.?Natalie devient ensuite Directeur Général d'Ogilvy & Mather en 1997. Elle est directeur général du groupe Ogilvy depuis janvier 2006.
20 ans d'expérience lui ont permis de travailler sur des enjeux sociétaux et majeurs pour des marques comme IBM, Louis Vuitton ou Nestlé et pour des instances publiques et différents ministères.
Administrateur de l'AACC et de Cap Digital, Natalie donne également des cours à l'école de communication de Sciences Po et est membre du comité directeur de l'Institut Montaigne.