Ogilvy verse dans le behaviorisme
Le bureau parisien d'Ogilvy déploie une offre intégrée, Ogilvy Change, qui s'appuie sur les sciences comportementales pour fournir des solutions marketing différentes et efficaces.
Comment réduire de près de 2 millions de dollars en un an le taux d'attrition d'un call center Adobe à New Delhi ? "En analysant les appels de résiliation, on s'est rendu compte que les opérateurs débutaient la conversation en faisant parler les clients sur les points négatifs qui les poussaient à arrêter leur abonnement. Alors qu'en commençant par leur demander pourquoi ils avaient souscrit leur abonnement à l'origine, et en leur remettant à l'esprit les avantages dont ils arrêteraient de bénéficier s'ils résiliaient leur abonnement, certains d'entre eux revenaient sur leur décision. Cela s'appelle l'aversion à la perte", explique Benoit de Fleurian, directeur de la stratégie d'Ogilvy Paris. A l'origine de cette mécanique simple mais efficace, les sciences comportementales, qui font l'objet d'une nouvelle offre d'Ogilvy Paris : Ogilvy Change, une structure intégrée à l'agence du 34 rue Marbeuf composée de 5 personnes et présidée par Benoit de Fleurian. Déployée en France aujourd'hui, elle a été intiée en 2012 par Rory Sutherland, spécialiste britannique des sciences comportementales. Rencontre avec le président France et le fondateur d'Ogilvy Change worlwide pour comprendre la démarche d'application des sciences comportementales au marketing.
Coupler les sciences comportementales à la force stratégique et créative
"La mission première d'une agence de communication n'est pas de construire une image de marque", rappelle Benoit de Fleurian, "mais de vendre des produits. Notre véritable métier, c'est de changer des comportements". Une mission que semble avoir tendance à oublier l'industrie publicitaire, laissant par exemple la compréhension du consommateur aux instituts d'études et en oubliant de s'intéresser comme elle le devrait aux avancées des sciences comportementales ces dernières années. "Pourtant, toutes les problématiques des annonceurs n'ont pas forcément pour réponse une campagne publicitaire avec un important achat média (soit le modèle économique des agences), ils ont parfois seulement besoin de solutions différentes, bâties sur des insights intelligents sur leurs consommateurs" déplore Rory Sutherland. D'autant que la compréhension du consommateur, et tous ses ressorts comme le neuromarketing, a longtemps été mal perçue, associée par exemple aux Etats-Unis aux messages subliminaux (suite à une célèbre et polémique étude de James Vicary à la fin des années 50). Aujourd'hui, la profession bénéficie des retombées des travaux de Daniel Kahneman sur les sciences comportementales, sacré Prix Nobel d'Economie en 2002. Cet économiste américano-israélien, le neuropsychologue portugais António Damásio et d'autres, ont participé à déconstruire le mythe de l'Homo Economicus selon lequel l'être humain agirait de façon (uniquement) rationnelle. "David Ogilvy disait "les consommateurs ne pensent pas ce qu'ils ressentent, ils ne disent pas ce qu'ils pensent, et ils ne font pas ce qu'ils disent." Ce sont en quelque sorte des menteurs, mais de façon inconsciente, qui prennent des décisions rationnelles en fonction d'émotions par définition irrationnelles" résume le CEO monde d'Ogilvy Change.
C'est là que les sciences comportementales interviennent, expose Benoit de Fleurian : "dès lors que l'on connait ces biais comportementaux, on peut jouer avec pour encourager les individus à prendre certaines décisions". C'est le cas par exemple du nudge marketing, qui amène les passagers des trains Ouigo avec Iligo à respecter leur propreté en décorant les poubelles à bord. "C'est pourquoi nous avons voulu mettre en place une nouvelle enseigne au sein d'Ogilvy, en puisant dans les richesses des sciences comportementales, pour offrir des solutions business inhabituelles et parfois peu coûteuses à nos clients pour des effets redoutables" ajoute le président d'Ogilvy Change. L'équipe parisienne, 9ème bureau à lancer cette offre, s'appuie sur 5 collaborateurs : 3 planneurs stratégiques pour la sphère consommation (parmi lesquels deux ont suivi un Harvard Executive Program), 1 personne chargée du volet citoyen ainsi qu'une dernière spécialisée dans l'expérience utilisateur. Et procède en 3 phases pour chaque projet : une première analyse ethnographique sur le terrain, suivie d'une lecture scientifique et académique des recherches sur le sujet, avant d'établir des stratégies qui seront prototypées et ab/testées en situation réelle. MSC Croisières est l'un des premiers annonceurs à bénéficier du savoir-faire d'Ogilvy Change pour optimiser l'expérience consommateur des croisiéristes sur leurs bateaux connectés.
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