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Marc Horgues (Elan Edelman) : "Créer des futurs collectifs enviables"

Ce confinement inédit nous a forcé à faire preuve de créativité. Qu'en restera-t-il ? Nous avons sondé des créatifs, responsables du planning et de la stratégie, afin de savoir comment ils ont vécu cette période. Marc Horgues, directeur créatif chez Elan Edelman, nous répond.

Publié par Clément Fages le - mis à jour à
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Marc Horgues (Elan Edelman) : 'Créer des futurs collectifs enviables'
© ©Monkey Business - stock.adobe.com

Que retenez-vous de ce confinement ?

Il y a une vraie opportunité pour les créatifs d'aller au-delà de la simple réalisation d'assets de communication. Nous devons aller sur le terrain de l'artiste, de l'écrivain, afin de créer des imaginaires communs, des futurs collectifs enviables ou qui est tout simplement un lanceur d'alerte. La publicité devrait avoir ce rôle. Chez Elan Edelman, nous sommes très orientés raison d'être et purpose, et depuis le début de l'épidémie, nous avons répondu à de nombreux appels d'offres en ce sens. Il faut avoir une vraie réflexion stratégique sur ce "monde d'après". Au départ, on pouvait penser que nous étions à l'aube d'une transformation totale de notre société, avec la remise en cause de nombreuses pratiques. Mais quand on voit les files devant les Zara ou les McDonald's...

C'est bien d'avoir un purpose quand on est une marque, mais il faut surtout des actes. Se vouloir une marque consciente en ne faisant que surfer sur cette tendance n'augure rien de bon. Il y a trois types de marques sur ce terrain : les marques qui nous ont assuré "être avec nous", via des vidéos larmoyantes, celles qui ont été des précurseurs en matière de prise de conscience, commes Benetton ou Nike, et celles qui agissent pour changer les choses ou donner les moyens à leurs clients de changer les choses. Je pense par exemple à Orange qui donne son temps de pub à des petits-enfants dont les grands-parents n'ont pas accès aux outils digitaux du fait de la fracture numérique. Orange est légitime, c'est de l'opportunisme, mais dans le bon sens du terme.

Que pensez-vous de "Don't Do It", la réponse de Nike à l'homicide de George Floyd ? Ne pourrait-on pas s'attendre à ce que la marque, qui se veut leader sur ces sujets de société, aille plus loin et agisse concrètement ?

Nike capitalise sur cet engagement de long terme. Après la campagne avec Colin Kaepernick, ils donnent le ton. Il est intéressant de faire le parallèle avec Adidas qui, moins légitime, est malin en ne faisant que retweeter Nike, ou avec L'Oréal, qui détourne également son slogan via un post Instagram indiquant "Speaking out is worth it", avant de se faire reprendre par une de leur ancienne mannequin, remerciée il y a quelques années pour une prise de position anti-raciste sur Internet, qui les accuse de profiter d'une opportunité de communication. Après ceux qui accusent Nike de n'avoir aucun Afro-Américain au sein de son conseil d'administration ont raison. Quand on s'engage, il faut s'attendre à ce que l'on pointe du doigt ce qu'il reste encore à faire. Le fondateur du concept de Goodvertising est dans le vrai quand il fait le parallèle avec le mari infidèle, qui promet qu'il n'aura plus de liaison à l'avenir. On ne le croit jamais totalement. D'où le succès des petites marques locales qui se lancent et qui n'ont pas un tel passif.

La nature des briefs auxquels vous répondez a-t-elle changé depuis le début de la crise sanitaire ?

Pas vraiment. Les demandes des entreprises sont les mêmes, mais nos réponses vont évoluer pour prendre en compte les tendances qui ont été accélérées par la crise : le rapport au voyage qui change, l'intérêt pour le slow, le temps long, le retour au local, y compris dans notre consommation quotidienne, le besoin de se retrouver... C'est difficile de cerner des comportements et de savoir s'ils vont perdurer à l'avenir. Je rejoins le sociologue Bruno Latour, quand il demande aux gens de faire leur autocritique, et de se demander ce qu'il souhaite garder ou pas du monde d'avant, mais également du confinement. Préfères-t-on se faire livrer ou cuisiner soi-même ? Je pense que les marques ont intérêt à accompagner ces réflexions, à proposer aux gens des moyens de garder le meilleur des deux mondes. Se dire qu'on peut peut-être se faire livrer en ville un poisson qu'on aura vu quelques jours auparavant sur Instagram en retour de pêche, c'est fou ! De nombreuses nouvelles habitudes vont émerger. Mais je reste aussi convaincu, comme Gabriel Gaultier, que le métier devient trop sérieux et qu'après le confinement, nous avons aussi besoin d'une pub qui ne se prend pas au sérieux, plus légère, plus "gaguesque". Elle ne doit pas être cantonnée au fait d'avoir du sens ou non, ou de s'inscrire ou pas dans le contexte de la crise. Je pense que ceux qui arriveront à faire sourire sans parler du coronavirus ou de ses conséquences auront gagné. On aime une pub pour les émotions qu'elle nous procure !

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