L'affichage, sur la voie du digital
Les investissements publicitaires en affichage au premier semestre 2010 s'élèvent, selon l'Adex Report de Kantar Media (ex-TNS Media Intelligence), à 1 995 millions d'euros, soit une hausse de 10 % par rapport au premier semestre 2009. La communication extérieure représentée en France par les majors JCDecaux, Clear Channel, Métrobus et CBS Outdoor, a bénéficié d'une augmentation de 4 % des investissements des distributeurs, qui restent les premiers annonceurs sur ce média en valeur (19,3 % de parts de vente). Si l'on compte 193 annonceurs en moins, leur budget a néanmoins augmenté de 7,6 % en moyenne au premier semestre 2010. « Les Français sont exposés à plus de 150 panneaux publicitaires par jour et restent en moyenne 3 à 4 secondes par affiche, pour un taux de rétention de 2 à 3 %. Innover est donc primordial pour les annonceurs qui souhaitent obtenir les meilleurs retours possibles sur leurs investissements», affirme Jean Roche Bontemps, chef de projet pour l'Echangeur, centre de R & D qui regroupe les dernières innovations en matière de communication extérieure et digitale.
Ecran LCD, 3D, flashcode, bluetooth, étiquette électronique RFID..., écrans tactiles holographiques, les innovations en matière d'affichage ne manquent pas. Capter l'attention des passants, créer une affinité avec la marque ou le produit et bien sûr augmenter les ventes font partie des objectifs auxquels répond ce média, qui entre progressivement dans l'ère numérique. Les nouvelles technologies utilisées varient selon les secteurs. Si, par exemple, la 3D ne présente pas grand intérêt pour la grande distribution, elle s'adapte en revanche parfaitement aux besoins des annonceurs du luxe. En effet, à l'instar de Louis Vuitton, ces derniers peuvent offrir une vision très détaillée de leurs créations.
Un média interactif
Avec les nouvelles technologies, l'affichage devient interactif et se rapproche des consommateurs, en leur délivrant un contenu adapté à leurs besoins. Ces derniers peuvent désormais obtenir toutes sortes d'informations sur un produit ou une marque, en utilisant des solutions telles que le bluetooth, ou encore les flashcodes, une technologie japonaise, développée plus récemment.
Aujourd'hui, plusieurs grands annonceurs testent ces dispositifs.
Depuis janvier dernier, la RATP, avec l'aide de JCDecaux, expérimente les flashcodes sur ses abribus. France 2 fait de même à l'antenne, depuis mars dernier, en mettant des flashcodes à disposition de ses téléspectateurs dans son émission Télématin. Et le Café Fauchon de la prestigieuse enseigne d'épicerie fine éponyme s'y met également. Un pictogramme crypté est en effet imprimé sur les cartes de visite mises à disposition dans les boutiques de la marque, sur ses affiches, ses publicités... En passant sur celui-ci un téléphone portable équipé d'une caméra, on peut obtenir une multitude d'informations pratiques: horaires, cartes de l'été et plats du jour, événements, actualités, accès aux boutiques. Ce code renvoie aussi directement au site mobile de Fauchon, ce qui permet aux consommateurs de faire facilement une réservation. Pour profiter de ce service, il faut préalablement télécharger un lecteur gratuit (sur www.qrmobile.fr), à partir du navigateur de son mobile. Si, aujourd'hui, ce type d'application est utilisé pour apporter de simples informations, on peut imaginer qu'un jour le consommateur pourra directement acheter du bout des doigts un produit repéré sur une affiche... Avec ces facilités d'achats coups de coeur, les annonceurs auraient au moins la possibilité de mesurer directement les retombés des campagnes en termes de ventes. En attendant, ils disposent déjà d'outils de mesure aussi nombreux et pertinents que sur Internet. Des solutions intégrées aux panneaux d'affichage permettent d'obtenir des données précises concernant le nombre de passants qui regardent l'affiche, le mouvement de leurs yeux et leurs profils (sexe et âge). A l'heure du digital, l'affichage devient donc un véritable outil marketing, car ces données du comportement client permettent d'identifier les produits phares et d'anticiper le marketing préventif de l'enseigne (gestion des stocks, opérations promotionnelles) . Les messages pourraient ainsi être adaptés à chaque passant. La Cnil peut cependant se rassurer: les données sont anonymes et présentées uniquement sous forme de statistiques.
Développer un nouveau modèle économique
Les panneaux d'affichage intégrant ces nouvelles technologies nécessitent des investissements plus importants de la part des annonceurs. Or, il leur faudra bien trouver un nouveau modèle économique pour amortir ces dépenses et rendre ces dispositifs plus efficients. Les risques liés à leur environnement direct sont également à prendre en compte: 80 % des écrans Samsung installés dans le métro parisien ont en effet été dégradés. Les annonceurs investissent non seulement dans des solutions hardware à la pointe de la technologie, mais doivent surtout adapter leur contenu.
Des emplacements en expansion
L'une des autres grandes tendances du secteur est la multiplication des emplacements prétextes à de l'affichage. Si les panneaux publicitaires ont reculé en ville, le mobilier urbain est, quant à lui, en plein développement. L'affichage s'implante maintenant partout ; sur les abribus, comme ceux inventés par JCDecaux en 1964, mais aussi sur les bus, les trames et couloirs de métro, les taxis et les voitures, ainsi que dans les lieux publics comme les gares, les aéroports, les galeries commerciales...
Pour Quadriplay Advertainment, qui s'avère être un acteur majeur de l'affichage en France, il s'agit de théâtraliser l'univers urbain pour créer une relation exclusive entre la marque et le consommateur et améliorer la préférence de marque. Les vitrines des boutiques retrouvent donc leur fonction première en se dotant d'écrans tactiles et en offrant de véritables show rooms virtuels. Aucun autre média n'offre autant de liens entre vente, communication et promotion. En fait, l'affichage n'a jamais été aussi proche de sa cible de consommateurs. En proposant un contenu adapté et en abolissant les frontières entre panneaux et point de vente, l'affichage continue de s'imposer comme un média incontournable, particulièrement impactant.
« Je ne crois pas au tout digital »
Interview: Albert Asserraf, directeur général marketing, études et stratégie France de JCDecaux, présente les dernières innovations et mutations de l'affichage.
MM: Comment le marché de l'affchage se porte-t-il aujourd'hui?
Albert Asserraf: La communication extérieure se porte plutôt bien! Comme tous les autres médias, l'affichage a enregistré un ralentissement des dépenses publicitaires en 2009. Le premier trimestre 2010 marque quant à lui une forte progression, notamment sur les marchés asiatiques, où notre potentiel de développement reste le plus fort. Au-delà des chiffres, les perspectives d'innovation sont plus fortes en matière d'affichage que pour n'importe quel autre support publicitaire.
MM: Quel est l'intérêt du digital pour l'affichage?
Le digital permet de conserver les fondamentaux de l'affichage: la proximité, le contact immédiat et la possibilité de cibler localement. En plus de cela, il permet d'enrichir le modèle de la communication. Les messages peuvent être ajustés à distance et en temps réel. Les dispositifs actuels sont toutefois encore limités et nous nous efforçons de développer des solutions interactives les mieux adaptées. En tant que pionnier, nous avons conduit de nombreux tests et pilotes depuis 2005, notamment des technologies tactiles, bluetooth et flashcodes, qui renvoient directement vers le site de l'annonceur. Deux expérimentations de flashcodes et d'écran tactile sont actuellement en cours dans le «Quartier numérique» du 2e arrondissement de Paris, membre du réseau européen des «Living Labs» (programme européen lancé en 2006, visant à rassembler les initiatives locales, notamment en matière de nouvelles technologies). De nombreux freins existent encore: la qualité des écrans, les conditions extérieures, la réglementation locale... Il faut également adapter les téléphones portables ou le mobilier urbain. Au Japon par exemple, tous les téléphones portables sont équipés de lecteur de flashcodes et deviennent prétextes à toutes les utilisations imaginables. Les centres-villes passent petit à petit au digital, et il nous faut développer un nouveau modèle économique pour amortir l'investissement.
MM: Quelle utilisation faites-vous aujourd'hui du digital?
Sur le million d'écrans JCDecaux répartis dans 55 pays, seuls 5 000 sont digitaux. Nous sommes encore dans une phase expérimentale. Comme toujours, c'est essentiellement l'emplacement qui amène à utiliser un dispositif plutôt qu'un autre. A Londres par exemple, nous avons installé 180 écrans dans le T5 pour le compte de Samsung. A Dubaï, c'est un écran de 30 m2 qui a été mis en place pour HSBC. Si les stratégies sont généralisées, et les concepts mondiaux, les campagnes sont quant à elles bien locales. Nous évitons surtout de simplement transplanter le print au digital. Je ne crois d'ailleurs pas au tout digital. Au-delà des techniques interactives, les dispositifs événementiels sont encore les favoris des annonceurs comme des consommateurs, à l'image des campagnes Karl Lagerfeld pour Coca-Cola light, ou Chantal Thomass pour Nivea.